Migrant étranger en France : un guide pour la santé

Publié par Joseph Situ le 15.06.2014
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InterviewmigrantsEtrangers malades

La nouvelle édition du Guide "Migrant étranger vivant en France, ma santé, mes droits" vient de sortir. Joseph Situ qui en a supervisé la coordination explique pour Seronet ce qu’est ce guide, ses objectifs, ses atouts et l’esprit militant dans lequel il a été élaboré. Interview.

Dans quel esprit a été conçu le Guide "Migrant étranger vivant en France ma santé, mes droits" et quels en sont les objectifs ?

Joseph Situ : Ce nouveau Guide "Migrant étranger vivant en France, ma santé, mes droits" est conçu dans le même esprit que la version précédente : Informer les personnes migrantes primo-arrivant et/ou durablement installées à comprendre le système hospitalier et des soins français, s'y repérer et comment y accéder et au besoin défendre ses droits à la santé. Sans pour autant être exhaustif, nous étions animés par la volonté d'outiller les personnes, en tenant compte des spécificités d'une population migrante mouvante très hétérogène et dont les problématiques sont diverses et variées selon la durée de présence sur le sol français, le genre, l'orientation sexuelle pour ne mentionner que ces points-là, voire le capital social que l'on dispose à son arrivée en France.

Bref, il s’agit de donner un maximum d'informations aux personnes de manière à les armer pour mieux se défendre face aux démarches administratives devenues de plus en plus fastidieuses et ce dans un accompagnement vers l'autonomie. Les objectifs sont de donner des informations claires et appropriables tout en rappelant les évolutions des textes de loi qui ne sont pas forcément des plus progressistes (il y a des avancées et des reculs), mais aussi de profiter de l'occasion pour retravailler le format, nous avons opté pour un livret, plus petit et plus discret.

La première version de ce guide a paru en 2009. Quels ont été les grands changements, les progrès, les reculs ?

Par rapport à la version éditée en 2009, la nouvelle a été motivée par un souci de réactualisation afin d'intégrer les récentes réformes de la loi dite "Besson" sur le code d'entrée, de séjour et de demande d'asile en France, réforme qui rend de facto la précédente obsolète. Il faut dire que les démarches administratives sont devenues de plus en plus difficiles par les conditions d'éligibilité introduites dans la nouvelle loi pour accéder à un titre de séjour pour soins. Nous avons, pour le dire de manière assez brève, perdu l'esprit des lois "Chevènement" de 1998 qui ne réglaient pas tout, mais protégeaient la personne étrangère gravement malade d’une éventuelle expulsion. Le terme "accessibilité effective de traitement dans le pays d'origine" qui prenait en compte un certain nombre de paramètres (économique, géographique, disponibilité, etc.) a été remplacé par le terme aléatoire de "l'existence de traitement", et ceci a ouvert la porte à des interprétations multiples, différentes d'un service préfectoral à un autre. Et les dysfonctionnements s'étendent à certains hôpitaux qui soupçonnent les personnes malades d'origine étrangère en situation irrégulière d’un prétendu "tourisme thérapeutique". Nous avons enregistré des refus de soins, et des médecins qui refusent d'établir le certificat médical adressé au médecin inspecteur de santé publique ou au médecin de l'Agence régionale de santé (ARS) pour les démarches administratives en préfecture.

Et un détail non négligeable, ces démarches deviennent très coûteuses pour des personnes primo-arrivant et sans ressources, tous les frais liés au dépôt du dossier et aux timbres fiscaux ont doublé voire triplé. La seule avancée est la circulaire de la Direction générale de la santé qui intègre la prise en charge des hépatites au même niveau que le VIH dans le nouveau dispositif, mais la pratique est bien éloignée de la théorie. D'ailleurs cette circulaire n'est pas assez connue de nombreuses assistantes sociales hospitalières.

Dans le texte d’introduction, vous écrivez que "les conditions d’une prise en charge globale efficace et réussie ne sont réunies qu’en garantissant le droit à accéder facilement au système de santé". Dans ce domaine, la situation s’est-elle améliorée ou dégradée depuis 2009 ?

Les conditions d’accès à une prise en charge globale ne sont pas réunies. La grande majorité de personnes rencontrée dans nos accueils et/ou dans nos actions témoigne des difficultés persistantes voire croissantes, qu'il s'agisse d'une première demande ou d'un renouvellement de titre de séjour. Pour les personnes installées en France depuis plusieurs années et qui remplissent toutes les conditions, le passage d'une APS (attestation provisoire de séjour) à une CST (carte de séjour temporaire) est un réel parcours de combattant ; il en est de même pour le passage de la CST à une carte de résident.

On parle beaucoup de simplification administrative en ce moment. Dans le domaine couvert par ce guide où en est-on sur ce point ? Qu’est-ce qui est améliorable ?

En matière de CESEDA (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) en général ou du droit des étrangers malades en particulier peut-on réellement parler de simplification ? La réponse est non ! C'est plutôt un choc de complication que l'on constate. Nous en sommes avec les collègues des associations partenaires à se passer des bons plans pour trouver soit une domiciliation, soit un hôpital dont la PASS (permanence d'accès des soins de santé) est opérationnelle pouvant accueillir une personne nouvellement arrivée sur le sol français et ne disposant ni de droits à l'AME ni à la CMU faute des délais de présence sur le territoire requis et des procédures. Que faut-il améliorer ? L'esprit des lois et son cadre d'application, qu'il soit unique partout en France, et surtout que les décisions des préfets en cas de refus soient motivées.

Le Guide "Migrant étranger vivant en France : ma santé, mes droits" est téléchargeable.