En finir avec les discriminations !

Publié par Sophie-seronet le 01.03.2022
2 270 lectures
Notez l'article : 
5
 
0
Initiativediscriminations

Le 1er mars se déroule la Journée zéro discrimination. Une journée qui reste méconnue alors que son objectif est majeur puisqu’il s’agit rien moins que de célébrer le « droit de quiconque à mener une vie épanouie et productive dans la dignité ». Comme l’explique l’Onusida, en pointe sur ce sujet, la Journée zéro discrimination met l’accent sur les possibilités d’informer et de promouvoir la tolérance, la compassion, la paix et surtout une dynamique du changement ». Elle permet de créer « un mouvement de solidarité internationale afin de mettre fin à toutes formes de discrimination ». L’occasion de faire le point sur ce qu’il reste encore à gagner, tout particulièrement dans la lutte contre le VIH.

Lois discriminatoires et droits humains

« Abolissons les lois discriminatoires, adoptons des lois protectrices — Journée zéro discrimination 1er mars 2022 ». Il sonne bien le slogan de la nouvelle Journée zéro discrimination. À cette occasion, l’Onusida a choisi de mettre l’accent sur la « nécessité urgente d’agir contre les lois discriminatoires ». Beaucoup restent appliquées dans de nombreux pays. Elles ont pour conséquences de « défavoriser certaines personnes, de les exclure de services essentiels ou de soumettre leur mode de vie à des restrictions injustifiées, simplement en raison de qui elles sont, ce qu’elles font ou qui elles aiment ». Il n’existe pas d’exemple de lois discriminatoires qui ne bafouent pas les droits humains ni les libertés fondamentales, d’où l’importance de s’y opposer. De plus, on sait, depuis longtemps, qu’une personne peut être victime de plusieurs formes de discriminations à la fois. On peut ainsi être discriminé-e en raison de son état de santé, mais aussi de son appartenance ethnique, de son identité de genre ou de son orientation sexuelle, ce qui en
aggrave les effets sur elle et sur la communauté au sens large.

Quelles lois discriminent ?

Elles sont nombreuses. Dans le champ du VIH et des populations dites clefs, ce sont les lois qui régissent le travail du sexe, les relations sexuelles entre personnes de même sexe, la consommation ou la possession de drogues pour consommation personnelle, qui limitent les droits des personnes trans ou de celles qui sont en détention et la non-divulgation, l’exposition ou la transmission du VIH qui peuvent discriminer en « criminalisant des comportements ou des identités ». Comme le pointe l’Onusida, d’autres lois peuvent empêcher des personnes d’avoir accès à des avantages ou à des services. Par exemple, la loi interdit parfois aux filles enceintes d'aller à l'école ou aux femmes d'accéder aux services financiers sans l’autorisation de leur mari. Les lois peuvent également imposer le consentement parental aux adolescents-tes pour accéder aux services de santé ou encore restreindre l’entrée, le séjour et la résidence sur un territoire des personnes vivant avec le VIH. Conformément à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, aux traités sur les droits humains, au Programme de développement durable à l’horizon 2030 et à d’autres obligations internationales, les gouvernements ont « l’obligation morale et légale » de « supprimer ces lois » et « d’adopter des textes qui protègent les populations de la discrimination ».

Concernant les femmes

  • Plus de 50 pays disposent de lois sur la nationalité qui sont sexistes.
  • 25 pays disposent de lois sur la nationalité qui refusent aux femmes le même droit que les hommes de donner leur nationalité à leurs enfants.
  • Seuls 10 pays (Belgique, Canada, Danemark, France, Islande, Irlande, Lettonie, Luxembourg, Portugal et Suède) offrent une protection juridique complète aux femmes.
  • Dans 18 pays, la loi autorise les maris à interdire à leur femme de travailler.
  • 104 pays disposent de lois qui empêchent les femmes d’exercer certains emplois.
  • Des pays ont explicitement des lois familiales discriminatoires sexistes : l’Irak et le Nigeria où la violence domestique est explicitement autorisée ; les Bahamas, l’Inde, Singapour et le Yémen où le viol conjugal reste légal.
  • 39 pays possèdent des lois qui empêchent les filles d’avoir la même part d’héritage que les fils.

Concernant les personnes consommatrices de drogues

  • 35 pays appliquent toujours la peine de mort pour des délits liés aux stupéfiants.
  • Dans 67 pays, la consommation et/ou la possession de drogues pour un usage personnel constituent une infraction pénale.

Concernant les personnes travailleuses du sexe

  • 98 pays criminalisent des aspects du travail sexuel.
  • 39 pays criminalisent partiellement ou totalement la vente et/ou l’achat de rapports sexuels.
  • 5 pays indiquent que des personnes prises en possession de préservatifs s’exposent à des poursuites judiciaires ou des sanctions.

Concernant les relations sexuelles entre personnes de même sexe

  • Dans 6 États membres des Nations unies (Brunei, République islamique d’Iran, Mauritanie, 12 États du nord du Nigeria, Arabie saoudite et Yémen), la loi prévoit la peine de mort pour les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe.
  • Dans 5 autres États membres des Nations unies (Afghanistan, Pakistan, Qatar, Somalie (y compris le Somaliland) et Émirats arabes unis), certaines sources indiquent que la peine de mort pourrait potentiellement être appliquée pour des relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe, mais la loi est moins certaine sur ce point.
  • 69 États criminalisaient les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe.

Concernant les personnes transgenres

  • Dans 13 pays, des lois spécifiques criminalisent les personnes transgenres, leur infligent des peines d’incarcération, des châtiments corporels et, là où les lois sur
    les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont également utilisées contre les personnes transgenres, la peine de mort.
  • Au moins 47 États membres des Nations unies interdisent de changer légalement de genre.

Concernant le VIH

  • 92 pays ont signalé à l’Onusida qu’ils disposaient de lois qui criminalisent la transmission du VIH, l’exposition au virus ou la non-divulgation du statut sérologique.
  • 20 pays au moins limitent toujours d’une manière ou d’une autre les déplacements des personnes séropositives.
  • Dans 19 pays disposant de données disponibles, environ 1 personne sur 5 vivant avec le VIH a déclaré s’être vu refuser l’accès à la santé (y compris des soins dentaires, des services de planification familiale et des services de santé sexuelle et reproductive).
  • En 2018, 59 pays ont déclaré maintenir un dépistage obligatoire du VIH pour obtenir une autorisation de mariage, de travail ou de séjour ou pour certains groupes de personnes.

Concernant les jeunes

  • 40 pays ont signalé à l’Onusida qu’ils disposaient de lois exigeant le consentement parental/de responsable légal-e pour que les ados accèdent à des contraceptifs hormonaux ou à long terme.
  • 108 pays ont indiqué que le consentement parental/de responsable légal-e était requis pour un test de dépistage du VIH, 43 pour l’autodépistage du VIH, 92 pour le traitement du VIH et 22 pour accéder à la prophylaxie pré-exposition. Certains pays accordent certaines exceptions au consentement parental/de responsable légal-e sur la base d’une preuve de maturité : 10 pays pour les contraceptifs hormonaux ou de longue durée, 15 pays pour le dépistage du VIH, huit pays pour l’autodépistage et neuf pays pour le traitement du VIH. La limite d’âge des lois sur le consentement parental varie selon les services. La majorité des pays qui ont signalé avoir des dispositions en matière de consentement parental/de responsable légal-e avaient une limite d’âge de 18 ans, à l’exception de quelques pays où les jeunes dès 14 ans peuvent accéder à un service sans consentement parental/de responsable légal-e.

 

Comme on le voit le tableau est loin d’être réjouissant et l’on comprend mieux le principe et l’objectif d’une telle journée. Cette année, l’Onusida met l’accent sur la nécessité urgente d’agir contre les lois discriminatoires. Des exemples récents nous montrent que cela est possible. En juin 2020, le Gabon a renversé une loi qui rendait les relations sexuelles entre personnes de même sexe punissables de six mois de prison et d’une amende importante. Le Bhoutan a dépénalisé en 2021 les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. En juillet 2020, le Soudan a abrogé la peine de mort pour relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. Les lois nationales de 79 pays ne criminalisent pas l’exposition ou la transmission non intentionnelle du VIH et aucune arrestation ni poursuite pour transmission du VIH n’ont été signalées ces dernières années. 28 États membres des Nations unies reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe. La Haute Cour du Botswana s’est prononcée en faveur de la dépénalisation de l’homosexualité en 2019. Cela est possible, certes avec de la volonté politique, mais surtout dès lors que l’on a compris à quel point les lois discriminatoires sont, outre l’ennemi des libertés, celui de la santé.