2012 : le travail du sexe… se débat !

Publié par jfl-seronet le 20.04.2012
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travail du sexedélit de racolage
Comme en 2007, Nathalie Bordes-Prévost, travailleuse du sexe, monte au front pour dénoncer la loi de 2003 qui instaure le délit de racolage passif. Sa façon d’interpeller les candidats à la présidentielle sur le travail du sexe. Une question qui fait polémique entre le PS et l’UMP. Explications.
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Travailleuse du sexe, Nathalie Bordes-Prévost entend interpeller les candidats à la présidentielle sur la situation de son activité qu’elle juge "plombée" par le délit de racolage passif instauré en 2003 par Nicolas Sarkozy et que François Hollande souhaite supprimer s'il est élu. "J'aime mon métier, j'aime ce que je fais. C'est un métier humain, indispensable et nécessaire", explique-t-elle à l’AFP. Nathalie Bordes-Prévost travaille en province (Dordogne, Lot, Tarn) et à Paris. Elle entend profiter de la fenêtre qu’est la campagne présidentielle pour relancer le débat sur la loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure (Nicolas Sarkozy était alors ministre de l’Intérieur), qui instaure le délit de racolage passif. "Le système est totalement hypocrite puisque la loi nous empêche de chercher des clients et nous réprime alors que notre activité est légale", rappelle-t-elle. "Nous sommes déclarées à l'Urssaf en tant que "péripatéticiennes" et payons" des impôts", constate-t-elle. Nathalie Bordes-Prévost explique qu’il lui est désormais impossible de publier des petites annonces dans les journaux, comme c'était le cas "avant". Elle juge que la loi de mars 2003 est "catastrophique", "dangereuse" et "électoraliste". Elle a rejeté "dans la clandestinité" et la précarité "les filles, souvent des gamines", "obligées de "tapiner" sans capote, puisque c'est le souhait du client, et qui prennent des tartes. Ce n’est pas la première fois, comme le rappelle l’AFP, que Nathalie Bordes-Prévost monte au créneau pour interpeller les candidats à la présidentielle sur la situation des travailleuses du sexe. Elle avait déjà fait de même en 2007. La justice avait dissout son association l'année suivante.

Cette année, les choses ont l’air de se passer différemment. Nathalie Bordes-Prévost note avec intérêt les propos de François Hollande sur la prostitution dans l’interview accordée à Seronet. Le candidat socialiste y indique qu’il entend supprimer le délit de racolage passif s'il est élu en mai. Cette annonce lui a d’ailleurs valu des charges multiples de l’UMP. La cellule riposte ne craignant manifestement pas la surchauffe a produit pas moins de deux communiqués de presse (29 mars) pour critiquer François Hollande. Le député UMP du Nord et secrétaire national de l’UMP Sébastien Huyghue avance que le "délit de racolage passif a permis aux forces de l’ordre de placer en garde à vue les prostitué(e)s afin de les extraire de l’emprise des réseaux, de les protéger physiquement de leurs proxénètes, de lutter contre l’intérêt financier de cette activité et d’obtenir des informations sur la traite dont ces personnes, pour une part importante étrangères, sont l’objet". Le député en profite au passage pour faire la leçon au candidat socialiste et lui demande de "mettre fin à des annonces aussi naïves que laxistes". La seconde charge, on la doit à Bruno Beschizza, secrétaire national de l'UMP, qui dénonce, lui aussi, le "laxisme". Pour lui, la déclaration de François Hollande "illustre l'inconfort ou l'ambiguïté systématique des socialistes lorsqu'il faut s'exprimer sur les crimes, délits et contraventions rattachés à des pratiques sexuelles". Bruno Beschizza dénonce "ce projet de suppression du délit de racolage passif qui révèle une hypocrisie sociale et morale de François Hollande".

Evidemment cette charge de l’UMP laisse peut de chance à un débat serein sur la question du travail du sexe. L’accent est mis sur le fait que la répression du racolage passif n’aurait que des effets positifs. Ce n’est évidemment pas aussi simple. Ainsi, mi-mars, Médecins du Monde (MDM) avait épinglé dans un rapport le délit de racolage passif qui, selon l'ONG, a accentué la précarité des prostituées, de plus en plus isolées pour éviter d'être arrêtées par la police. Pour l’ONG, il est évident que "depuis l’instauration de la loi de Sécurité intérieure, les conditions de vie des personnes se prostituant se sont dégradées. Les personnes migrantes se prostituant subissent la répression contre les étrangers, en plus de la criminalisation du racolage passif, indique MDM. L’accès aux soins de ces personnes particulièrement exposées aux risques d’IST est de plus en plus entravé et leurs droits de moins en moins respectés. Victimes de violences et d’arrestations abusives, les personnes se prostituant se retrouvent dans la nécessité de se cacher, ce qui les rend moins visibles pour les associations intervenant auprès d’elles". Trois responsables de Médecin du monde expliquaient d’ailleurs à propos des lois contre la prostitution : "En réalité, ces lois présentées comme protectrices à l’époque et aujourd’hui, révèlent une tension entre des enjeux sécuritaire et de santé publique. Face à la répression, les personnes basculent plus facilement dans la clandestinité. De fait, en s’attachant moins à répondre de manière pragmatique à l’exigence principale de protection des personnes qu’à appliquer des politiques répressives issues d’idéologies souvent paternalistes, parfois caricaturales voire moralisantes, notre société impose des dispositifs juridiques dont les effets s’avèrent contre productifs. Pour protéger les personnes se prostituant de diverses violences, il faut certes combattre la traite des êtres humains et toutes formes d’exploitation en appliquant un arsenal juridique déjà opérant. Mais il faut aussi favoriser leur accès aux droits fondamentaux et à la protection sociale tout en soutenant fermement les dispositifs d’accès aux soins (suppression du paiement de l’Aide Médicale d’Etat, élévation du seuil d’attribution de la Couverture Médicale Universelle…). Il faut enfin et surtout abroger le délit de racolage passif et ne pas s’engager vers une éventuelle criminalisation des clients".


Ces dernières semaines, la police a conduit des opérations présentées comme d’envergure à Paris et procédé à des interpellations de travailleurs et travailleuses du sexe. Le Syndicat du travail sexuel (STRAS) a critiqué (7 mars) ce qu’il considère comme des "rafles". "Sous couvert de protection de l’ordre public, ces descentes de police régulières visent à réprimer la prostitution. Est-il encore besoin de rappeler aux représentants de l’État que le travail sexuel n’est pas interdit en France ? Sous couvert de rapprochement avec les populations concernées et de lutte contre les réseaux, c’est l’insécurité des travailleuses et travailleurs du sexe qui est organisée, en les poussant vers toujours plus de clandestinité, voire au recours à des intermédiaires, pour pouvoir continuer d’exercer, ou tout simplement pour survivre", dénonce le STRAS.