2022 : lutter contre les inégalités mondiales en santé (3/5)

Publié par Rédacteur-seronet le 30.03.2022
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PolitiquemédicamentsrecherchePrésidentielle 2022

À l’occasion des élections présidentielle et législatives 2022, AIDES mène campagne sur ses revendications concernant la lutte contre le VIH/sida et les hépatites virales et le soutien aux personnes qui vivent avec ou qui y sont plus particulièrement exposées. En amont des votes, Seronet y revient dans une série d’articles. Aujourd’hui l'accès aux médicaments dans le monde et la recherche sur le VIH.

Sur le marché des médicaments, les monopoles injustifiés des firmes pharmaceutiques et les prix exorbitants qu’elles demandent creusent les inégalités d’accès aux soins et à la santé. Cette situation compromet l’enrayement des épidémies, dont celle de VIH/sida. Tout comme celle de la Covid-19 confrontée à un accès inégalitaire aux vaccins. Dans les programmes, aucun-e candidat-e à l’élection présidentielle ne propose de transformation de notre système de brevets ou de lutter contre l’explosion des prix des traitements. Le silence autour d’une santé mondiale soumise aux lois du profit plutôt qu’au bien commun est assourdissant, estime AIDES.

Lutter contre les inégalités mondiales d’accès aux médicaments

  • l’augmentation de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ce Fonds a permis de sauver plus de 44 millions de vies depuis sa création ;
  • l’adoption des cadres juridiques garantissant la transparence des marchés de médicaments conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé ;
  • l’assurance d’un effort public de recherche et de développement qui profite à tous-tes (transparence et conditionnement des investissements publics, accessibilité à un prix raisonnable, propriété intellectuelle solidaire, etc.) ;
  • la mise en place d’actions pour refonder un système de brevets plus inclusif et efficace face aux risques sanitaires et protégeant l’accès équitable à la santé.

 

Santé, un droit fondamental

Dans la lutte contre l’épidémie de VIH/sida, la protection du droit universel à la santé est fondamentale. Aujourd’hui encore, plus de dix millions de personnes qui vivent avec le VIH (PVVIH) sont privées de traitements. En 2020, plus de 680 000 personnes dans le monde sont décédées des suites du sida, alors que des solutions thérapeutiques existent et assurent aux PVVIH la même espérance de vie qu’aux personnes séronégatives. Enfin, étant donné qu’une personne sous traitement ne transmet par le virus (Indétectable = Intransmissible), garantir l’accès aux médicaments pour tous-tes, c’est se donner une chance de stopper l’épidémie.

Renforcer la recherche

La recherche scientifique contre le VIH et les hépatites virales a connu une transformation structurelle au cours du dernier mandat présidentiel, avec la fusion de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et l’agence REACTing de l’Inserm, relative aux maladies infectieuses émer­gentes (MIE). « L’élargissement des missions de l’ANRS-MIE nous incite à militer pour le maintien et l’augmentation à la hauteur des besoins des moyens alloués à la recherche contre le VIH et les hépatites virales sur le long terme », développe AIDES. Il est nécessaire de donner une place à la recherche communautaire faite par et pour les populations les plus vulnérables.

Par ailleurs, la recherche clinique sur les traitements à longue durée d’action (efficaces plusieurs jours, semaines ou mois en une seule prise) et sur l’allègement théra­peutique, doivent inclure des indicateurs d’amélioration de la qualité de vie des personnes. Ceux-ci doivent ensuite être pris en considération dans l’évaluation des médicaments par la Haute autorité de santé en vue de leur disponibilité en France.

Afin d’assurer l’adéquation des traitements déve­loppés et des besoins des personnes auxquelles ils sont destinés, il est nécessaire de garantir une diver­sité de profils parmi les participants-es à la recherche : femmes cisgenres, personnes trans, personnes étrangers-es, y compris disposant de l’Aide mé­dicale de l’État, personnes vieillissantes vivant avec le VIH, consommateurs-rices de produits psycho-actifs, etc. 
Enfin, les entreprises du médicament ont un rôle à jouer dans le déploiement de solutions innovantes en faveur de la santé des populations, notamment en matière de prévention.

Pour une recherche sur le VIH de qualité

  • des ressources pérennes à la hauteur des enjeux pour l’ANRS-MIE qui prennent en compte le financement de la recherche communautaire ;
  • l’obligation pour les industriels de prendre en compte dans le développement des médicaments les spécificités des femmes cisgenres, personnes trans, personnes étrangères, y compris celles disposant de l’AME, personnes vieillissantes vivant avec le VIH, consommateurs-rices de produits psychoactifs, etc.
  • le financement de la recherche publique pour l’innovation thérapeutique, notamment en termes d’allègement des traitements ;
  • la prise en compte de la qualité de vie des personnes dans le développement et l’évaluation des médicaments ;
  • une politique de santé publique favorisant le développement et la mise à disposition d’autotests de dépistage fiables des IST, sur le modèle des autotests VIH.

 

Mieux lutter contre les épidémies de manière globale

L’épidémie de Covid-19 a fait remonter un enjeu fon­damental de la lutte contre le VIH et les hépatites : une épidémie ne peut être vaincue par un seul pays. Pour y mettre un terme, il est nécessaire d’articuler nos actions à celles menées par les organisations communautaires des pays du Sud, d’assurer leur fi­nancement et l’accès de tous-tes aux traitements. Cela passe par le fait de « financer une lutte juste et efficace à l’international ». Une épidémie ne doit pas en cacher une autre : AIDES a fait de ce principe le coeur de ses messages depuis début 2020. Deux ans après l’émergence de la pandémie liée à la Covid-19, nous constatons ses effets désastreux sur les systèmes de santé, mais aussi sur la lutte contre le VIH partout dans le monde. Le rapport 2021 du Fonds mondial fait état des baisses alarmantes de 22 % des dépistages et de 11 % des actions de prévention dans les pays où il investit. Seule la mise sous traitement antirétroviral contre le VIH a progressé de 9 %, principa­lement grâce au travail des agents-es de santé issus-es des communautés vulnérables au VIH. Ce sont ces initiatives et la démarche communautaire en santé qu’il est nécessaire d’encourager et de financer à la hauteur des enjeux.

Pour une politique internationale de lutte contre les épidémies

  • un financement ambitieux par la France du Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Compte tenu des retards de la France dans ses décaissements, les engagements pris par Emmanuel Macron pourraient ne pas être tenus. La France doit s’engager totalement pour la septième conférence de reconstitution du Fonds mondial fin 2022 ;
  • la contribution au financement de la lutte contre le VIH dans le monde par une augmentation quantitative et qualitative de la part de l’aide publique au développement (APD), consacrée à la santé mondiale et aux engagements multilatéraux. Cela demande de respecter la cible des 0,7 % du revenu national brut consacrés à l’APD à l’horizon 2025, telle qu’inscrit dans la loi ;
  • le maintien et le développement des principes qui guident l’engagement de la France en santé mondiale : de la prévention plutôt que de la répression ; des droits à la santé sexuelle et reproductive ; le respect des droits humains et des objectifs de développement durable (ODD) ; le soutien à la société civile et à l’approche communautaire en santé ;
  • le soutien des initiatives internationales visant à renforcer la coopération entre États pour assurer l’accès effectif aux traitements dans les pays les plus pauvres.

 

Médicaments : transformer un système de brevets dévoyé 

Pensé comme un outil pour protéger l’invention et les inventeurs-rices, encourager la recherche et le dévelop­pement et garantir la rémunération des inventions, le brevet apparaît aujourd’hui comme un outil de rému­nération et de contrôle du marché au service des seuls intérêts des laboratoires pharmaceutiques. Les brevets confèrent à leurs propriétaires la possibilité de les exploiter à leurs seuls bénéfices pendant 20 ans. AIDES ne milite pas contre le brevet en tant que tel, mais entend lutter contre certaines dérives. Dans l’histoire de la lutte contre le VIH/sida, la remise en cause de l’application du droit des brevets a sauvé de nombreuses vies en permettant l’accès des personnes à leurs traitements dans les pays les plus pauvres.

Pour un meilleur système de brevets des médicaments

  • l’assainissement du système des brevets en rendant plus rigoureux leurs critères de délivrance, afin que des monopoles de 20 ans et des extensions ne soient pas accordés de façon injustifiée. La mise sur le marché de médicaments génériques moins chers ne doit pas être empêchée ;
  • le recours aux flexibilités du droit de la propriété intellectuelle pour lever la barrière des brevets en cas de négociations bloquées ou de défaut d’accès des patients-es à leur traitement ;
  • l’accès à un prix abordable et équitable aux technologies de santé issues de l’investissement public ;
  • le soutien de la France à la levée temporaire des brevets des médicaments, vaccins et technologies nécessaires à la lutte contre la Covid-19 suivant la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud. 

 

Rattraper le retard dû à la crise sanitaire

L’épidémie de la Covid-19 a contribué à un fort efface­ment des enjeux liés au VIH dans l’espace médiatique et politique national. Le retard pris en termes de diagnostics et d’accès aux traitements compromet l’objectif de la fin du sida pré­vue pour 2030. Dans une note adressée au ministre des Solidarités et de la Santé fin août 2021, l’ANRS - Maladies infec­tieuses émergentes met en lumière le retard accumulé en 2020, principalement marqué par la baisse importante des nouveaux diagnostics VIH (jusqu’à 30 % en Île-de-France) et par le coup d’arrêt donné au déploiement de la Prep. Devant ce constat, AIDES préconise :

  • des campagnes d’information ambitieuses sur le dépistage, la prophylaxie pré-exposition au VIH (Prep), l’efficacité du traitement VIH comme moyen de prévention, et la lutte contre la sérophobie ;
  • la généralisation de l’accès au dépistage de toutes les IST sans frais et sans ordonnance, sur le même modèle que pour le VIH ;
  • pour les populations vulnérables, le financement et le développement de dispositifs d’envoi anonymes et gratuits de matériel de prévention, notamment des autotests VIH, dont il faut faciliter la distribution par les structures de prévention ;
  • l’accès gratuit aux préservatifs internes et externes, sans prescription médicale ;
  • le financement de parcours en santé, notamment dans les associations communautaires, pour accompagner les populations les plus éloignées du soin et de la santé ;
  • le maintien dans les comités de coordination régionale de lutte contre les IST et le VIH (Corevih) d’une approche centrée sur les populations les plus vulnérables au VIH et le maintien des moyens (financiers et humains) pour assurer le recueil et l’analyse des données épidémiologiques permettant le pilotage en temps réel de la lutte contre le VIH, en prenant appui sur les acquis de l’épidémie de Covid-19.