AAD : confirmation de l’efficacité

Publié par jfl-seronet le 22.02.2019
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ThérapeutiqueAADVHChépatite C

Un travail de recherche interdisciplinaire associant des cliniciens-nes, des hépatologues et épidémiologistes de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Sorbonne université et l’AP-HP (hôpitaux Cochin et Saint-Antoine) coordonné par le Pr Fabrice Carrat, le Pr Stanislas Pol et le Dr Hélène Fontaine (1)  et soutenu par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales montre les « bénéfices cliniques à court terme des antiviraux à action directe (AAD) dans le traitement de l’infection par le VHC ». Ces résultats font l’objet d’une publication dans la revue scientifique The Lancet.

Les traitements contre le VHC les plus récents, les antiviraux à action directe, ont une remarquable efficacité dans l’élimination du virus, rappelle le communiqué de l’ANRS (12 février). En effet, ils permettent d’éliminer chez presque toutes les personnes traitées (95 % en général), le virus de l’hépatite C en 8 à 12 semaines de traitement. Si l’efficacité virologique des AAD n’est plus à démontrer, il n’existait à ce jour que très peu de données prospectives sur leur efficacité clinique (c’est-à-dire leur impact sur l’évolution de la maladie hépatique liée à l’infection par le VHC au quotidien, après élimination du virus) et ces dernières portaient sur des personnes très sélectionnées ou étaient issues d’enquêtes rétrospectives, note le communiqué de l’agence de recherche. C’est à cette efficacité clinique « en vie réelle » que se sont intéressés les chercheurs-euses soutenue par l’ANRS. Ils ont pour cela comparé l’évolution clinique de personnes infectées par le VHC et traitées ou non par AAD.

L’étude a été réalisée auprès de 9 895 personnes infectées par le VHC et incluses entre 2012 et 2015 dans la cohorte ANRS CO22 Hepather. En France, les AAD ont commencé à être prescrits en 2014, dans un premier temps prioritairement aux personnes présentant une hépatite C avancée, puis en janvier 2017 à l’ensemble des personnes infectées de manière chronique par ce virus. Parmi les 9 895 personnes de l’étude, suivis 33 mois en médiane (la médiane de l’ensemble d’un échantillon est une valeur x qui permet de couper l'ensemble des valeurs en deux parties égales), l’analyse statistique a permis de mettre en évidence, auprès des 7 344 personnes ayant reçu les AAD avant la fin de l’étude, que ce traitement était associé à une diminution de la mortalité et de la survenue de carcinomes hépatocellulaires (cancer du foie). En effet, après ajustement des différents facteurs individuels (âge, avancement de la maladie, présence d’autres pathologies, etc.) les personnes traitées par AAD avaient un risque de mortalité diminué de 52 % et un risque de développer un cancer du foie diminué de 33 % par rapport aux personnes présentant un stade de la maladie similaire, mais ne prenant pas d’AAD.

« Nous pouvions nous attendre à ces résultats. En effet, il peut sembler logique que l’élimination du virus causant les dégâts soit liée à une amélioration clinique », a expliqué le Pr Fabrice Carrat (hôpital Saint-Antoine, AP-HP). « Nos résultats montrent que ces bénéfices sont obtenus rapidement après la guérison virologique et il ne s’agit plus de patients très sélectionnés comme dans les premiers essais. Notre analyse reflète l’efficacité sur le terrain pour tous les patients. » Le recueil prolongé des données de ces personnes guéries d’une infection par le VHC permettra de préciser le bénéfice du traitement par AAD sur le long terme et de définir les modalités à mettre en place pour leur suivi médical : à quelle fréquence effectuer des dépistages de cancers du foie ? Pendant combien de temps après la guérison ? À quel coût ?

Une des difficultés parfois rencontrées dans ce genre d’étude est le cas des personnes guéries et perdues de vue… par les soignants-es. Dans son communiqué, l’ANRS rappelle que le « chaînage » des données médicales des personnes suivies de la cohorte ANRS CO22 Hepather au système national des données de santé (SNDS), validé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) le 19 juillet 2018, devrait aider les chercheurs-euses à obtenir des renseignements exhaustifs sur la consommation de soins de ces personnes sur le long terme.

Cette étude a été réalisée en collaboration avec l’Afef (société française d’hépatologie), le soutien de l’ANRS, de l’ANR (Agence nationale de la recherche) et le soutien de plusieurs laboratoires pharmaceutiques.

« Clinical outcomes in patients with chronic hepatitis C following direct-acting antiviral therapy: a prospective cohort study » Prof. Fabrice Carrat, PhD,  Hélène Fontaine, MD, Céline Dorival, PhD, Mélanie Simony, MS, Alpha Diallo, MD, Prof. Christophe Hézode, MD Prof. Victor De Lédinghen, MD, Prof. Dominique Larrey, MD, Georges Haour, MSc, Prof. Jean-Pierre Bronowicki, MD, Prof. Fabien Zoulim, MD, Prof. Tarik Aseelah, MD, Prof. Patrick Marcellin, MD, etc. The Lancet Published online the 11 February 


(1) : Fabrice Carrat (Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé publique, Sorbonne université, Inserm UMR 1136 – unité de santé publique – hôpital Saint-Antoine, AP-HP), Stanislas Pol (Département d'hépatologie, hôpital Cochin AP-HP ; université Paris-Descartes; Inserm, Institut Pasteur), Hélène Fontaine (Département d'hépatologie, hôpital Cochin, AP-HP).

 

La cohorte Hepather de l’ANRS
La cohorte ANRS CO22 Hepather initiée en 2012 en collaboration avec l’AFEF compte à ce jour plus de 21 000 personnes (6 500 personnes infectées par le VHB, 14 600 par le VHC et 95 co-infectées par ces deux virus). L’objectif principal de cette cohorte, coordonnée par le Pr Fabrice Carrat, le Pr Stanislas Pol et le Dr Hélène Fontaine, est de mesurer les bénéfices et risques associés aux différentes modalités de prise en charge thérapeutique des hépatites B et C et en identifier les déterminants individuels, virologiques, environnementaux et sociaux.