AAH et titre de séjour : le Défenseur des droits a de la ressource

Publié par jfl-seronet le 05.01.2014
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Droit et socialdéfenseur des droitsAAHtitre de séjourdiscrimination

L’administration peut-elle refuser un titre de séjour en raison d’une insuffisance de ressources à une personne étrangère souffrant d’un handicap et percevant l’AAH ? Non, estime le Défenseur des droits. Une femme d’origine camerounaise, victime de ce refus, a finalement obtenu gain de cause. Explications.

Elle est d’origine camerounaise, vit en France, souffre d’un handicap et ne bénéficie, pour seule ressource, que de l’allocation d’adulte handicapée (AAH). En 2010, elle entame des démarches pour obtenir une carte de résident. Le préfet de police de Paris refuse de lui délivrer ce titre de séjour en raison de l’insuffisance de ses ressources. Elle décide alors de saisir la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, aujourd’hui remplacée par le Défenseur des droits). Dans sa délibération (en 2011), La Halde explique : "Sous couvert de ressources, ce sont en réalité l’état de santé et le handicap de la réclamante qui ont fondé le refus de carte de résident. En effet, en raison du montant de l’AAH (donc du fait qu’elle est handicapée), la réclamante ne pouvait se conformer à l’exigence de ressources suffisantes (au moins le smic). Cette décision établit donc une distinction à raison du handicap, prohibée par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme [CEDH]". Et la Halde de poursuivre : "Par ailleurs, la possession d’une carte de séjour temporaire, au lieu et place d’une carte de résident, implique pour son titulaire des difficultés d’ordre pratique et juridique dans de nombreux domaines de la vie quotidienne et, de fait, un traitement défavorable par rapport à une autre personne étrangère placée dans une situation comparable qui détiendrait une carte de résident. Ce traitement est susceptible de porter atteinte au droit de mener une vie familiale normale prévu à l’article 8 de la CEDH". Conséquence ? "Le Collège [de la Halde] considère que la décision de refus de carte de résident opposée à la réclamante par le Préfet de police de Paris exigeant des ressources égales ou supérieures au SMIC constitue une décision discriminatoire à raison du handicap, au sens des stipulations de l’article 14 combinées à celles de l’article 8 de la CEDH, dès lors qu’elle ne prend pas en compte la situation particulière de la personne bénéficiaire de l’AAH et ne lui permet pas de mener une vie familiale normale".

En conclusion de sa délibération, la Halde "recommande au Préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de la réclamante". Rien ne se passe. Le Défenseur des droits (qui a, entre temps, succédé à la Halde) réitère le constat de discrimination et sollicite du préfet ses observations sur le dossier. Le Défenseur des droits rappelle, au passage, que plusieurs décisions de justice sont venues conforter son raisonnement en jugeant discriminatoires les refus de délivrer des cartes de résident opposés à des personnes handicapées placées dans une situation comparable à celle de la réclamante (tribunal administratif de Limoges, 12 mai 2010, et tribunal administratif de Paris, 12 juillet 2012). Le préfet de police de Paris a informé le Défenseur des droits qu’il avait procédé au réexamen de la situation de la réclamante et que le titre de résident serait délivré prochainement.