AERLI, un projet de recherche sur l’accompagnement à l'injection

Publié par Emy-seronet le 08.12.2011
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Préparer son produit, trouver une veine, s’injecter… sont des gestes que répètent de nombreux usagers de drogues et qui présentent des risques. Pour accompagner les personnes qui en ont besoin, AIDES, Médecins du Monde, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS) lancent le projet d'Accompagnement et d'éducation aux risques liés à l'injection (AERLI).
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Un virus en chasse un autre. Si la transmission du VIH est devenue relativement rare chez les personnes usagères de drogues injectables, en France, celle de l'hépatite C est encore très difficile à maîtriser. Parce qu'il se transmet par le sang et qu'il peut rester vivant pendant plusieurs jours dans une seringue, un filtre, une cuillère… le virus de l'hépatite C continue de se propager parmi les personnes qui s’injectent des drogues. Près de 60% des usagers de drogues qui fréquentent les dispositifs spécialisés, tels les Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), sont porteurs du VHC. Une grande partie d'entre eux présentent des dommages veineux qui auraient pu être évités.
Comme préconisé par l'Inserm en 2010 (Expertise collective sur la réduction des risques liés à l'usage de drogues) et par le Plan national de lutte contre les hépatites B et C 2009-2012, il est indispensable d'expérimenter, d'évaluer et de mettre en place des stratégies de réduction des risques et des dispositifs innovants à même d'améliorer la santé des personnes qui s’injectent. L'accompagnement et l'éducation aux risques liés à l'injection (AERLI) en fait partie. L'objectif principal de ce projet, qui n'est encore qu'expérimental, est d'apprendre aux personnes à s'injecter de façon plus sûre, à mieux gérer les risques associés à cette pratique. Avec AERLI, les personnes bénéficient de séances pédagogiques animées par des acteurs associatifs formés, dont un entretien individuel, un dialogue autour de leurs pratiques et un soutien pendant l'injection. "Beaucoup de personnes savent qu'il existe des risques de transmission du VIH et du VHC lors de cette pratique mais elles ne savent pas forcément comment limiter ces risques. Elles ne savent pas non plus qu'il est possible de limiter les dommages veineux associés à l’injection", explique Arnaud Simon, responsable de la prévention à AIDES. "On ne peut pas apprendre à réduire les risques liés à l’injection uniquement en lisant des brochures… Cela n’est pas suffisant".  
A ceux qui remettraient en cause le caractère légal de l'accompagnement à l'injection, Arnaud Simon répond que "la loi est incohérente avec les stratégies de santé publique". Le projet AERLI s'inscrit dans un référentiel français de réduction des risques ("Référentiel français de la réduction des risques en direction des usagers de drogues" approuvé par décret le 14 avril 2005) qui reconnaît que "les équipes de réduction des risques peuvent participer à l'évaluation de nouveaux outils ou stratégies contribuant à améliorer la prévention" et que "les acteurs, professionnels de santé, du travail social, membres d'associations et personnes auxquelles s'adressent ces activités doivent être protégés des incriminations d'incitation à l'usage de drogues".
En attendant, la reconnaissance officielle de cette pratique et son développement sur le territoire, les militants de AIDES pratiquent donc dans le cadre de projets de recherche communautaire. C'est le cas de Géraldine, qui est très engagée dans la promotion de pratiques d’injection à moindre risque à Nevers. Aujourd'hui, cette action prend de l’ampleur avec AERLI  : "Le premier rendez-vous, c'est surtout pour observer les pratiques de la personne. On la laisse faire, on lui propose un temps de repos si besoin puis on fait une évaluation ensemble pour voir à quels moments elle a pris des risques, à quels moments elle aurait pu les minimiser… Les erreurs les plus courantes sont surtout liées à l'hygiène. Les personnes savent qu'il faut utiliser du matériel stérile, mais beaucoup ne se lavent pas les mains avant l'injection, elles ne prennent pas le temps de choisir un plan de travail propre, elles mettent les doigts sur le coton, dans la gamelle où elles vont préparer leur produit… Pour chercher les veines aussi, beaucoup manquent de technique. Elles piquent un peu au hasard, ce qui crée des hématomes et autres complications…" Géraldine rend déjà quelques conclusions basées sur ses premières expériences d’accompagnement à l’injection : "Nous sommes impressionnés de voir à quel point l'accompagnement à l'injection permet d'améliorer les pratiques. On observe une réelle évolution. Surtout chez les jeunes injecteurs qui parviennent assez rapidement à acquérir les bons gestes".