Afrique : la prévention au travail, ça marche ?

Publié par Emy-seronet le 10.09.2011
925 lectures
Notez l'article : 
0
 
prévention
Comment faire de la prévention quand la sexualité est un tabou ? Comment parvenir à sensibiliser un grand nombre de personnes sans les exposer à une possible stigmatisation ? De nombreuses associations qui œuvrent en Afrique et AIDES semblent avoir trouvé la réponse avec les programmes de lutte contre le sida et les discriminations en milieu professionnel. C’est notamment le cas du projet Inter.Actifs.
Interactifs.jpg

"Les actions de prévention sur le lieu de travail existaient avant le projet Inter.Actifs, mais elles étaient ponctuelles et elles reposaient sur le volontariat de quelques militants. Impliquer les instances de représentation du personnel, comme les comités d'entreprise et les comités d'hygiène et de sécurité : ça, c'était nouveau. Les associations de lutte contre le sida et les syndicats n'avaient jamais travaillé ensemble alors qu'elles avaient un très large public en commun. Avec Inter.Actifs, nous avons créé des partenariats et nous avons mené de nombreuses actions auprès des salariés au Niger, en Guinée et au Burkina Faso" explique Olivier Maguet, expert en action communautaire impliqué dans ce projet.
Pendant trois ans, les initiateurs du projet Inter.Actifs ont formé des militants africains aux spécificités de la lutte contre le sida en milieu professionnel et ils ont entamé un chantier essentiel : la sensibilisation des institutions, des dirigeants d'entreprises et des représentants du personnel. En plus d'avoir facilité la mise en réseaux d'acteurs qui n'étaient pas habitués à travailler ensemble sur les questions de santé, ces interventions ont permis un certain partage d'expériences et une réelle prise de conscience.
D'autres associations africaines ont mené un projet similaire. Le docteur Aly Soumountera l'a fait avec l'association Walé à Ségou, au Mali : "Nous savons que la motivation des responsables est indispensable, mais la plupart se montre encore très réticents à nos programmes. C'est un sujet qui dérange car il amène à parler de sexualité", explique-t-il.  "Le maire d'une commune a toutefois accepté de recevoir des personnes séropositives pour comprendre les dégâts causés par le manque d'information. Des commerçants ruinés, des partenaires contaminés... Il ne se rendait pas compte de tout ça. Un chef d'entreprise très engagé a aussi accepté de mettre en place un distributeur de préservatifs dans les toilettes et d'organiser un petit événement le 1er décembre (Journée internationale de lutte contre le sida, ndlr)".
Des gestes qui permettent de briser le silence. "Nous avions une centaine de questionnaires à distribuer pour évaluer le niveau de connaissance des salariés en matière de VIH, mais beaucoup n'ont pas souhaité répondre. Le simple fait de prendre un questionnaire qui aborde cette question, c'était déjà trop". L’association Walé a également accompagné deux travailleurs séropositifs. L'un a réussi à obtenir une mutation pour se rapprocher de son logement. L'autre, qui souffrait d'une charge de travail trop intense, a obtenu l'aménagement de son poste. "On a des exemples de réussite" se félicite Aly Soumountera. "Des personnes ont accepté de se faire dépister, d'autres ont relayé l'information dans leur famille, plusieurs entreprises se sont déclarées prêtes à participer si nous avions les moyens de financer le projet". Pour lui, comme pour les autres intervenants, le bilan de ces trois années est donc satisfaisant même si le chemin est encore long. Tous s'accordent à dire que le lieu de travail est un endroit très pertinent pour la lutte contre le sida en Afrique, mais que de telles initiatives ne pourront se renouveler sans la pleine implication et le soutien financier des administrations publiques locales, des entreprises et de leurs services de gestion des ressources humaines. Tous s'accordent également sur le fait que le lieu de travail permet de toucher un grand nombre de personnes dans un contexte neutre ; des personnes qui peuvent ensuite "véhiculer" les différents messages de sensibilisation au sein de leur entourage.