Aids 2020 : une édition virtuelle !

Publié par jfl-seronet le 06.07.2020
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ConférencesAids 2020

En mars dernier, c’était la Croi, la conférence scientifique sur le VIH, qui était annulée. En avril, c’était au tour de la plus importante et grande conférence mondiale sur le VIH de subir les conséquences de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et d’annoncer l’annulation de l’événement en présentiel pour une édition 2020 numérique. Seronet fait le point sur cet événement qui se déroule du 6 au 10 juillet… en virtuel.

Chaque été, tous les deux ans, a lieu la conférence mondiale sur le VIH. Aids 2020, organisée par l’IAS (International Aids Society, créée en 1988) se déroule, cette année, aux États-Unis. La conférence devait être accueillie par les villes de San Francisco et Oakland. En mars 2018, quand l’IAS avait annoncé le pays hôte, le choix avait été contesté par des activistes du monde entier, tant le bilan de Trump plaidait contre les États-Unis.

Un bilan déjà lourd : interdiction de servir l’armée en tant que personnes trans ou personnes vivant avec le VIH, expulsions et séparations des familles de migrants-es, politiques stigmatisantes sur le travail du sexe, volonté de se désengager financièrement de la lutte contre le sida, politique discriminatoire d'obtention de visas ciblant des pays arabes (cela avait largement perturbé les invitations et venues de scientifiques à la Croi, par exemple). « Terroriser les migrants, séparations forcées, répression des travailleurs du sexe, guerre contre les usagers de drogues, frontières fermées, le mur, violences policières, violences racistes fondées sur la suprématie blanche. Voici l’Amérique de Trump », listaient, remontés-es et critiques, les activistes de la lutte contre le sida dans un communiqué publié le 26 juillet 2018, lors de la précédente conférence mondiale sur le sida à Amsterdam.

Comme le rappelait alors Seronet, citant l’activiste Cecilia Chung du Centre juridique des personnes trans (Transgender law center) : « Le contexte actuel rend quasiment impossible pour les travailleuses-eurs du sexe, les personnes usagères de drogues et les personnes venant de pays à majorité musulmane, voire les activistes LGBT avec des casiers judiciaires de se rendre aux États-Unis. Ces personnes sont les principales victimes et laissées pour compte de l’épidémie. Pour celles et ceux qui pourront entrer, nous ne pouvons pas garantir leur sécurité à la Conférence ». La tension était telle que le projet d’une contre conférence avait été lancé. Il s’agissait de proposer une tribune à celles et ceux qui ne trouvaient pas leur place dans l’Amérique voulue par Trump et la classique conférence mondiale. Cette conférence aura finalement été annulée, y compris en virtuel. Du côté de l’IAS, à Amsterdam, on avait, malgré les nombreuses critiques et protestations, maintenu ce choix américain. « Concernant le débat sur la prochaine conférence et son implantation aux États-Unis, il y a les partisans de la maintenir pour influer de l’intérieur sur les problèmes qui se posent dans le pays dans ce domaine et ceux qui ne veulent pas que la conférence se déroule dans un pays où les personnes les plus vulnérables sont en danger », résumait parfaitement Michel Kazatchkine, envoyé spécial de l’Onusida.

Comme on l’imagine, c’est la prudence qui a guidé les organisateurs-rices de cette édition 2020… pour le choix du virtuel. D’autant que le thème de cette conférence est la résilience, un concept souvent évoqué dans le contexte actuel. Ils-elles ont préféré jouer la carte de la sûreté sanitaire. En avril dernier, un communiqué des organisateurs-rices avait expliqué : « En particulier, nous sommes parfaitement conscients du fait qu'il n'existe pas encore de données suffisantes sur la question de savoir si les personnes vivant avec le VIH sont plus susceptibles à la Covid-19 ou plus susceptibles de développer une maladie grave. Par conséquent, nous avons une obligation spéciale de réduire tout risque potentiel pour la communauté ». C’est la première fois dans son histoire, que la Conférence mondiale contre le VIH/sida (Aids 2020) est virtuelle. Elle ne pourra donc être suivie qu’en ligne et sur les réseaux sociaux, ce qui impactera sans aucun doute sa diffusion et le public qu’elle atteint habituellement.

Comme toujours, cette 23e conférence voit grand avec un programme particulièrement copieux. Des sessions plénières permettront de revenir sur les 40 ans d’épidémie de VIH et de traiter des facteurs sociaux dans la lutte contre le VIH. Il sera aussi question de Prep, de Tasp, de l'objectifs 90-90-90 (à l’horizon 2020, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique ; 90 % de toutes les personnes vivant avec le VIH dépistées reçoivent un traitement antirétroviral durable ; 90 % des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée), des IST, de l’impact de la Covid-19 sur la lutte mondiale contre les grands pandémies (VIH, tuberculose, paludisme), du cure et des avancées thérapeutiques. On devrait avoir de nouvelles données sur les traitements à libération prolongée en injectables et les stratégies d’allègement.

Pour majeure qu’elle soit, cette conférence n’est pas celle des scoops sur les avancées thérapeutiques, souvent réservées à la Croi, mais elle compte son lot de surprises. Un des grands intérêts est de mettre en avant les résultats des recherches en sciences sociales, de valoriser les thématiques concernant les populations clefs et les axes de plaidoyer globaux (comme les financements, l’accès universel aux traitements, le prix des traitements, etc.). Cette conférence associera des retransmissions en direct et des sessions consultables à la demande.

Comme à chaque fois, l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) sera présente et animera cinq sessions. En ouverture, François Dabis, directeur de l’ANRS, est intervenu (30 juin) dans le cadre d’une pré-conférence.

De son côté, Seronet suivra cette conférence et vous proposera des comptes rendus réguliers.