Aids 2022 : quels enjeux ?

Publié par Fred Lebreton le 26.07.2022
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ConférencesAids 2022

Chaque été, tous les deux ans, a lieu la conférence mondiale sur le VIH, organisée par l’IAS. Aids 2022 se déroule, cette année, à Montréal (Canada) du 29 juillet au 2 août. Une 24e édition qui revient au format présentiel, après deux années en virtuel. Seronet sera sur place avec une couverture des moments forts. Mais avant le grand départ, petit tour d’horizon des enjeux de cette conférence.

Quelle place pour la lutte contre le VIH ?

Quatre ans. Cela fait quatre ans que la plus grande conférence mondiale sur le VIH n’avait pas eu lieu en présentiel. La dernière édition s’était déroulée à Amsterdam en juillet 2018. En quatre ans, le monde et par écho la lutte contre le sida ont subi de grands bouleversements et de nombreuses crises : une crise sanitaire avec une pandémie mondiale (toujours en cours n’en déplaise aux « rassuristes ») ; une crise écologique avec de nombreuses catastrophes causées par le réchauffement climatique ; une crise économique avec la guerre en Ukraine ou encore la récente et inquiétante épidémie de Monkeypox.

La place de la lutte contre le VIH/sida dans ce contexte mondial saturé est un des enjeux de la conférence Aids 2022 et notamment de la plénière d’ouverture qui annonce la couleur : « Plus de 40 ans après le premier cas rapporté de sida, nous vivons dans un monde où le VIH est l’épidémie oubliée. Concernée par le manque d’intérêt et le rythme lent des progrès effectués dans la réponse au VIH, l’IAS appelle le monde à se remobiliser et suivre la science : follow the science, mantra de l’IAS. Plus qu’une conférence parmi d’autres, Aids 2022 est un moment de rencontres et de partages avec des scientifiques et activistes venus-es de toute la planète. Le lieu en lui-même est gigantesque, une ville dans la ville où, au total, 30 000 personnes sont attendues. Le programme, qui fait plus de 50 pages, donne le tournis. Cinq jours de conférence, 3 000 posters, plus de 100 sessions (plénières, ateliers, symposiums, présentations orales, etc.) mais aussi des actions militantes au Village associatif et même des événements culturels : un show de drag queens et le spectacle d’une compagnie de théâtre.

Des activistes privés de visas ?

Certains-es activistes VIH, notamment issus-es du continent africain, vont-ils-elles être empêchés-es de participer à Aids 2022, pour des raisons administratives ? La question se pose depuis des semaines et agite le monde de la lutte contre le VIH/sida. À deux semaines du début de la conférence, des centaines de participants-es qui espéraient y assister étaient toujours dans l’incertitude quant à leurs projets de déplacement. « Beaucoup d’autres, principalement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, ont déjà vu leur demande de visa rejetée, y compris certains qui ont reçu des bourses en partie financées par le gouvernement fédéral [canadien, ndlr] pour y assister », expliquait récemment La Presse canadienne. Interpellé en diverses occasions, le gouvernement fédéral affirme qu’il accorde désormais la priorité aux visas de visiteurs-ses temporaires pour les personnes qui souhaitent assister à la Conférence internationale sur le sida.

Dès juin, près de 250 ONG et organismes internationaux se sont manifestés auprès du gouvernement pour que cessent les refus de visas concernant certains-es de leurs membres. La lettre prévenait qu’il existait un risque réel que les voix des personnes vivant dans les pays les plus touchés par le sida soient absentes de cette  conférence ; ce qui n’est pas du tout le souhait des organisateurs-rices. Il y a trois semaines, plus de 400 participants-es attendaient encore leur visa. « Dans l’état actuel des choses, la prochaine conférence à Montréal va réunir des médecins, des scientifiques et des défenseurs des droits des pays à revenu élevé, tandis que de nombreuses personnes vivant avec le VIH/sida dans les communautés les plus touchées, ainsi que des travailleurs de la santé expérimentés de premières lignes, devront soit participer virtuellement, soit pas du tout », expliquait la lettre adressée au ministre, et dirigée par la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (Cocq-sida).

Dans un communiqué publié le 13 juillet sur Twitter, l’IAS a réagi aux nombreuses réactions d’indignation d’activistes de la lutte contre le sida : « L’IAS déplore le nombre élevé de visas refusés ou en attente de réponse qui empêchent de nombreuses personnes inscrites à la conférence d’entrer au Canada pour assister à Aids 2022 à Montréal. Nous faisons tout notre possible afin de pousser les autorités canadiennes à accélérer et approuver les demandes de visa », assurent les organisateurs-rices. Et de poursuivre : « Les refus et délais d’obtention de visa sont une préoccupation urgente et affectent notre capacité à tenir une conférence qui soit réellement inclusive et représentative des communautés les plus affectées par le VIH ». Affaire à suivre…

Le monde ne peut pas regarder ailleurs

Aids 2022 va se tenir en amont de la 7e conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui aura lieu du 19 au 21 septembre à New York, aux États-Unis. C’est donc un moment stratégique pour les activistes du monde entier qui vont profiter de cette fenêtre médiatique pour « faire du bruit » et appeler les États à augmenter leurs contributions respectives au Fonds mondial. En France, le plaidoyer a commencé depuis plusieurs mois. En avril dernier, les militants-tes de AIDES et Coalition PLUS se sont rassemblés-es sur le Vieux Port à Marseille (profitant de la conférence Afravih) pour se faire entendre. « Pendant la minute de silence que nous venons d’observer, trois personnes se sont infectées au VIH et une personne est morte. On peut arrêter cette hécatombe, il suffit de mettre les moyens », expliquait alors Camille Spire, présidente de AIDES.

Plus récemment, le 18 juillet, une tribune était publiée dans le JDD. Près de 200 personnalités internationales, dont la présidente du Sidaction Françoise Barré-Sinoussi, Camille Spire ou encore l’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem, directrice pour la France de l'ONG ONE, appellent les États « à augmenter considérablement leurs contributions » pour éradiquer ces maladies. « Dans son argumentaire d’investissement publié le 23 février dernier, le Fonds mondial indique avoir besoin d’au moins 18 milliards de dollars pour que l’horizon de 2030 reste atteignable pour venir à bout des épidémies de VIH, de tuberculose et de paludisme, et de renforcer les systèmes de santé publics et communautaires des États, afin de les préparer aux futures pandémies », soulignent les signataires de la tribune. « C’est pourquoi nous, personnes vivant avec le VIH, affectées par la tuberculose et le paludisme, populations vulnérables, associations, parlementaires, élus locaux, travailleurs communautaires, soignants, personnalités publiques des pays francophones d’Afrique, d’Amérique et d’Europe, unissons nos voix à l’approche de la tenue de la 7e Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial pour inciter la Commission européenne, les États francophones, et particulièrement la France et le Canada, en tant qu’hôtes des deux précédentes conférences, ainsi que la Suisse et la Belgique, à augmenter considérablement leurs contributions. La cible de 18 milliards de dollars est un seuil, non un plafond. Un échec aurait des conséquences irrémédiables », préviennent les signataires. Et la tribune de conclure : « Au moment où des millions de vies sont en jeu, le monde ne peut pas regarder ailleurs ».

Qu’est-ce que l’IAS ?
L'International AIDS Society (IAS), parfois appelée en français Société internationale sur le sida, est une association de professionnels-les de la lutte contre le VIH/sida, fondée en 1988 et basée à Genève. Indépendante, elle compte 16 000 membres, issus-es de 170 pays, travaillant à tous les niveaux de la lutte contre le sida : chercheurs-ses, cliniciens-nes, personnels-es hospitaliers-ères, éducateurs-rices, activistes, avocats-es, politiques, patients-es, etc. Les conférences internationales qu'organise l'IAS, sont les plus fréquentées au monde sur le VIH/sida. Ces conférences ont commencé en 1985 à Atlanta, en Géorgie, aux États-Unis. Elles furent annuelles jusqu'en 1994, ensuite bisannuelles.