Aids 2020 : sans langue de bois… et sans espoir ?

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ConférencesAids 2020

Le 10 juillet, a pris fin la première conférence mondiale sur le sida entièrement virtuelle dans une Amérique en campagne électorale, en plein crise de la Covid-19 et dans les suites du mouvement Black Lives Matter (Les vies des Noirs-es comptent). Une édition qui a peu mobilisé les médias et qui a montré des craintes face à l’avenir : un manque de financements chronique et la survenue de la Covid-19, qui désorganise considérablement la réponse mondiale au VIH. Des enjeux soulignés par les derniers-ères intervenants-es de la conférence.

À chaque édition, le discours de clôture de la conférence mondiale sur le sida tente le difficile équilibre entre des projections mobilisatrices pour l’avenir (de l’espoir en somme !) et le devoir de vérité (la brutalité des faits). Un exercice difficile qui nécessite du tact et de la franchise. À ce jeu, Peter Piot, directeur de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, est bon. C’est, en pareille occasion, souvent lui qui se lance dans cette synthèse à haut risque.

Peter Piot sans langue de bois

Peter Piot a prononcé un discours franc et sans langue de bois. Il a indiqué, sans détours : « Il faut qu’on soit réaliste. À ce stade, nous n’arriverons pas à mettre fin au sida en 2030 » avant d’ajouter « 700 000 décès des suites du sida l'année dernière, c'est non seulement une tragédie, mais aussi un scandale ! Chacun de ces décès aurait pu être évité et on ne devrait jamais accepter que des personnes meurent d’une infection qui peut être évitée et traitée ». Évidemment, ce grand spécialiste de la lutte contre le sida a ses solutions. Durant son intervention, il a énuméré cinq actions à mettre en place dans les dix prochaines années si on veut changer la donne et éviter l’échec en 2030 :

1 - Il faut repenser d’urgence la place du VIH dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Cette nouvelle pandémie fait reculer les progrès dans la lutte contre le VIH et absorbe de grosses sommes d’argent qui y sont allouées ;

2 - Il est nécessaire de sortir du paradigme des trois 90 et d'établir de nouvelles cibles plus réalistes et fondées sur des réalités internationales, nationales et locales ;

3 - Il faut remettre les activistes au cœur de la réflexion et de l’action, notamment celles et ceux qui s’engagent dans les mouvements pour le climat ou contre le racisme systémique et donner leur chance aux plus jeunes : « pas un vieux de 70 ans comme moi ! » ;

4 - Il faut imaginer une nouvelle stratégie fondée sur la science, la justice sociale et des résultats concrets : « nous devons nous regarder en face et nous demander pourquoi la prévention du VIH est un échec dans certains endroits » ;

5 - Il faut maintenir l’intérêt et les fonds des chercheurs-ses, notamment dans la recherche d’un vaccin. « Arrêtons de nous voiler la face. Sans vaccin, je ne crois pas qu’on puisse mettre fin au sida, mais j’ai l’espoir qu’on soit sur la bonne voie ».

Financements : des signaux forts que ça patine

Au rythme actuel et sans changements de fond radicaux, la lutte contre le sida ne sera pas couronnée de succès en 2030, pas plus qu’elle ne l’est en 2020, qui était déjà une première échéance mondiale. Dans ses dernières données statistiques mondiales sur le VIH, l’Onusida revient sur la question des investissements. À la fin de 2019, 18,6 milliards de dollars (en dollars constants de 2016) étaient disponibles pour la lutte contre le sida dans les pays à revenus faible ou intermédiaire. Environ 57 % du total des ressources consacrées au VIH dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire en 2019 provenaient de sources nationales, ce qui note un investissement important et tend à gommer l’idée reçue d’une lutte contre le sida exclusivement financée au Nord. L’Onusida explique aussi dans son dernier rapport que 26,2 milliards de dollars (en dollars constants 2016) seront nécessaires pour la riposte au sida en 2020. Où en est-on ? On le sait grâce à l’analyse proposée par la Kaiser family foundation (KFF) (1) qui révèle que les gouvernements donateurs (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Pays-Bas, etc.) ont dépensé 7,8 milliards de dollars pour le VIH en 2019, soit 200 millions de dollars de moins qu’en 2018. L’équation est donc la suivante : les financements accordés par les gouvernements donateurs étaient quasiment au même niveau en 2019 qu’il y a dix ans malgré une augmentation de 24 % du nombre de personnes vivant avec le VIH au cours de cette période. On voit bien qu’à ce rythme-là, un succès en 2030 s’éloigne.

Le rapport conjoint de la KFF et de l’Onusida pointe qu’entre 2018 et 2019, la moitié des quatorze gouvernements donateurs (analysés au cours de l’étude qui a donné ledit rapport)  ont réduit leur participation aux efforts mondiaux contre le VIH, six d’entre eux ont revu leurs financements à la hausse et la participation est restée stable pour le dernier. On le sait, ces aides sont cruciales car elles permettent de « fournir des soins et des traitements contre le VIH » et « d’assurer la prévention et d’autres services dans des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ». Cette baisse est multifactorielle : moins de financement bilatéral des États-Unis (imputable à une stagnation des financements du Congrès sur plusieurs années, à un recul des projets de financement de programmes, etc.) et diminution des financements de la part d’autres pays donateurs. Il y a un jeu de vases communicants. Les grands pays donateurs ont certes augmenté les contributions multilatérales au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à l'Onusida et à Unitaid (2) de plus de 100 millions de dollars, mais cela n’a pas permis de compenser la baisse des financements bilatéraux (entre deux pays). Le rapport note ainsi que « depuis 2010, les financements en provenance de gouvernements donateurs autres que les États-Unis ont reculé de plus d’un milliard de dollars. Cette situation s'explique principalement par une baisse de l’aide bilatérale à la lutte contre le VIH ».

Même si leur participation est en recul, les États-Unis demeurent le principal gouvernement donateur pour le VIH (5,7 milliards de dollars en 2019). Le pays occupe toujours la première place du classement des financements par rapport à la taille de l’économie nationale. Vient ensuite le Royaume-Uni (646 millions de dollars), suivi de la France (287 millions de dollars), des Pays-Bas (213 millions de dollars) et de l’Allemagne (180 millions de dollars). À titre de comparaison, le rapport 2019 de la KFF et de l’Onusida expliquait (pour la période 2018) que « les États-Unis restent le principal donateur mondial pour le VIH, et de loin. Ils ont contribué l'année dernière à hauteur de 5,8 milliards de dollars et sont ainsi également les plus généreux en proportion de leur économie. Viennent ensuite le Royaume-Uni (605 millions de dollars), la France (302 millions de dollars), les Pays-Bas (232 millions de dollars) et l'Allemagne (162 millions de dollars) ».

Financements : à la vie, à la mort !

Mais quels sont les besoins actuels en financements ? Le rapport mondial de l’Onusida passe en revue toutes les sources de financement de l’aide à la lutte contre le VIH, dont les gouvernements locaux, les organisations non gouvernementales et le secteur privé, et les compare avec les besoins pour atteindre les objectifs de dépistage et de traitement. Du côté des besoins, l’Onusida estime à 26,2 milliards de dollars les ressources nécessaires d’ici fin 2020, mais seuls 19,8 milliards de dollars sont disponibles à l’heure actuelle ce qui représente un déficit de plusieurs milliards de dollars (près de 6,5 milliards). Ce décalage est très fort et l’écart ne cesse de se creuser ces dernières années. Et cela même alors que le nombre de personnes vivant avec le VIH dans les pays à faible et moyen revenu a augmenté de 25 % au cours de la dernière décennie et que le nombre de nouvelles infections au VIH reste élevé. On assiste donc à une hausse des cas, une augmentation des besoins et une baisse des financements. Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida, a beau jeu de rappeler que : « Chaque dollar qui n’est pas investi aujourd’hui se traduit par des morts imputables au sida et par de nouvelles infections au VIH ». Le message ne passe pas.

Bien sûr, elle est dans son rôle à en appeler à la générosité internationale, mais que peuvent désormais produire des formules telles que : « Dans un monde marqué par des inégalités criantes, nous devons renforcer les investissements en vue du droit à la santé. Il s’agit d’une responsabilité partagée qui nécessite davantage de financements de la part des donateurs et de ressources nationales, y compris en libérant de la marge de manœuvre budgétaire grâce à l’annulation de la dette ». L’année dernière, c’est Gunilla Carlsson, directrice exécutive par intérim de l'Onusida qui expliquait que « les contributions des donateurs sont vitales pour la riposte au sida, en particulier dans les pays d'Afrique australe et orientale, sauf en Afrique du Sud. La majorité de ces pays dépendent en effet à 80 % des donateurs pour leur riposte au VIH ». Et Gunilla Carlsson d’ajouter : « Il est déconcertant de constater qu'en 2018 les ressources totales disponibles pour le VIH ont baissé d'un milliard de dollars. J'appelle tous les pays, receveurs et donateurs, à augmenter de toute urgence leurs investissements et à combler le trou de 7 milliards de dollars pour la riposte au sida. ». 2018 : un trou de 7 milliards de dollars ; 2019 : un manque de 6,5 milliards.

« Les gouvernements donateurs continuent de se détourner des programmes de financement du VIH dans les pays à revenu faible et intermédiaire, tandis que le nombre de personnes vivant avec le VIH est toujours à la hausse », explique, plus tranchant Jen Kates, de la KFF, dans un communiqué accompagnant la sortie du dernier rapport. Et l’expert d‘ajouter : « La situation est susceptible de devenir plus précaire à partir de 2020 alors que l’impact de la Covid-19 se fait sentir sur les budgets des gouvernements donateurs et pèse de plus en plus sur la santé et les économies du monde entier. » Eh oui, car à un contexte déjà tendu est venue s’ajouter une nouvelle pandémie.

Femme, chercheuse et musulmane présidente

Le prochain rendez-vous de l’IAS (International Aids Society, organisatrice de l’événement) aura lieu à Berlin du 18 au 21 juillet 2021. Il s’agira de la 11è conférence scientifique sur le VIH qui réunit environ 6 000 experts-es en santé (cliniciens-nes, chercheurs-ses, etc.) provenant de 140 pays. Cette conférence intermédiaire laissera place en juillet 2022 à la 24e conférence mondiale qui réunit de son côté plus de 25 000 experts-es et activistes issus-es de la société civile. En conclusion de cette édition virtuelle 2020, le Professeur Anton Pozniak, président de l’IAS, a présenté celle qui sera la présidente de l’édition 2022 : Adeeba Kamarulzaman. Professeure en maladies infectieuses de l’Université de Kuala Lumpur en Malaisie, Adeeba Kamarulzaman s’est présentée, elle-même, comme la « première femme asiatique présidente, la première femme musulmane présidente », et l’une des rares femmes à prendre cette fonction, très importante car elle donne le ton, y compris politique, de chaque édition. Un symbole important dans un contexte politique où les droits des minorités sont au cœur d’un clivage idéologique fort entres conservateurs-rices et progressistes. Espérons que d’ici 2022, le contexte politique et sanitaire international aura changé en faveur de ces minorités, dont certaines subissent actuellement de plein fouet une double épidémie : VIH et Covid-19.

(1) : C’est une ONG américaine, non partisane, créée dans les années 50, qui travaille essentiellement sur les questions de santé, réalisant des analyses, des études, faisant des préconisations en matière de santé publique. Elle s’intéresse aussi au rôle des États-Unis dans la politique mondiale de santé.
(2) : Unitaid est une organisation internationale d'achats de médicaments, chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux afin d'obtenir les meilleurs prix possibles, en particulier à destination des pays en voie de développement.

Pas de lien entre VIH et Covid 19
L’analyse d’une des plus grandes cohortes de personnes vivant avec le VIH aux États-Unis (la cohorte des vétérans américains) a révélé qu’elles n’étaient pas plus exposées à un risque de contracter la Covid-19 du fait de leur statut sérologique et qu’en cas d’infection par la Covid-19, elles n’étaient pas non plus exposées à une forme sévère du virus indique le site aidsmap. Dans cette étude, la Dr Lesley Park (université de médecine de Stanford en Californie) et son équipe ont analysé les dépistages et les suivis médicaux chez les vétérans retraités de l’armée américaine. Une cohorte comprenant 30 991 personnes séropositives au VIH et 76 745 personnes séronégatives, afin de pouvoir établir des comparaisons entre les deux groupes.
Dans ce vaste panel, 2 599 personnes vivant avec le VIH ont été testées positives au Sars-CoV-2 (le virus responsable de la Covid-19) tandis que 4 977 personnes séronégatives au VIH ont été testées positives au Sars-CoV-2. Les taux d’hospitalisation étaient très similaires (34 % de personnes séropositives contre 35 % de personnes séronégatives). Même constat sur les taux de décès liés à la Covid-19 (10 % chez les personnes séropositives au VIH contre 11 % chez les personnes séronégatives au VIH).
Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la question se pose sur un risque plus élevé, ou pas, pour les personnes vivant avec le VIH.
Cette annonce vient confirmer les conclusions d’autres études menées dans les villes de Londres et New York ainsi que les avis de plusieurs experts-es comme François Dabis, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales, en avril. Une étude récente menée en Espagne va même plus loin en annonçant un taux plus bas d’infection au Sars-CoV-2 chez les personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral et en particulier chez celles qui prennent du ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine (Truvada). Des chercheurs-ses ont suggéré que certaines molécules présentent dans des traitements VIH pourraient avoir un effet protecteur sur la Covid-19, un résultat que ne confirment pas d’autres études qui disent même le contraire.
Une étude en Afrique du Sud a montré un taux de mortalité des suites de la Covid-19 plus élevé chez les personnes vivant avec le VIH. Ce taux relativement plus élevé peut s’expliquer par le fait d’un accès à nombre limité de kits de dépistage du Sars-CoV-2 ce qui a eu pour conséquence de dépister en priorité les personnes qui avaient des symptômes et donc potentiellement une forme sévère du virus.
Les chercheurs-ses ont précisé que des liens potentiels entre les traitements antirétroviraux contre le VIH, le nombre de CD4 et leur impact sur la Covid-19 nécessitaient d’avantage de recherche.

Références : Park LS et al. COVID-19 in the largest US HIV cohort. 23rd International Aids Conference, abstract LBPEC23, 2020.

 

U = U : une vérité scientifique peu connue
Le Tasp (traitement comme prévention) est une révolution dans la vie des personnes vivant avec le VIH. C’est aussi une vérité scientifique qui n’est pas encore assez connue du grand public, rapporte un article du site d’infos aidsmap. Lancé en 2016 par des activistes et des chercheurs-ses de la ville de New York, le slogan U = U (Undetectable = Untransmissible ou en français I = I : Indétectable = Intransmissible) est devenu un mouvement qui vise à briser les stigmatisations et représentations que subissent les personnes vivant avec le VIH en mettant en valeur le fait que leur traitement protège leur-s partenaire-s d’une transmission VIH et les maintient, eux-mêmes, en bonne santé. Une recherche montre que ce message puissant n’est pas assimilé, ni perçu de la même façon selon les pays et la volonté politique de leurs gouvernements respectifs. La démonstration est faite de façon frappante quand on compare l’adhérence au message U = U dans deux pays : le Brésil et le Vietnam.
Thiago Torres, un chercheur de la fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz) au Brésil a démontré à quel point la connaissance de U = U était limitée dans le pays. Dans un sondage en ligne proposé sur des applis comme Grindr, Facebook ou WhatApp, était posée la question suivante : « En ce qui concerne la transmission sexuelle du VIH par les personnes infectées, à quel point percevez-vous le slogan « U = U » comme une vérité scientifique ? »
Sur 1 690 personnes, 20 % vivaient avec le VIH, 46 % étaient des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes) avec un statut sérologique négatif ou inconnu et le reste était des personnes hétérosexuelles avec un statut sérologique négatif ou inconnu. Alors que la majorité (90 %) des personnes vivant avec le VIH percevait le slogan U = U comme une vérité scientifique, seuls 65 % des HSH séronégatifs le considéraient comme tel. Et ce chiffre tombait à 35 % chez les autres participants-es au sondage.
De son côté, Asia Nguyen, du Centre américain de prévention et contrôle des maladies (CDC) au Vietnam a démontré comment le ministère de la Santé s’est emparé du sujet en lien avec des leaders communautaires pour faire du slogan U = U, un enjeu national de santé publique. Dès 2017, le ministère de la Santé a compris que faire la promotion du Tasp permettrait non seulement de réduire les discriminations que subissent les personnes vivant avec le VIH, mais que cela encouragerait les publics les plus exposés au VIH à aller se faire dépister et traiter. Une fois la charge virale contrôlée, il a été démontré que le niveau d’observance était plus élevé chez les personnes qui ont adhéré à la notion U = U.
Pour diffuser le plus largement ce message autour du Tasp, des campagnes de communication ciblées ont été mises en place d’abord à un niveau local et communautaire, puis à un niveau national. Le fait que le gouvernement s’approprie ce slogan et le diffuse de façon globale sur des plateformes officielles ainsi que sur des plateaux de la télévision nationale a largement contribué à ce que la population générale adhère au message et l’accepte comme une vérité scientifique.
Les professionnels-les de santé d’abord réticents-es à aborder le Tasp avec leurs patients-es ont également bénéficié d’outils de formation et de prévention comme des sites web ou des affiches. La campagne nationale qui célébrait le slogan U = U comme un message d’amour et de sexualité positive a marqué un tournant dans la façon de parler des personnes vivant avec le VIH qui, jusque-là, étaient associées à la souffrance et la mort. Cette campagne a été vue partout dans le pays que ce soit sur Facebook ou sur les arrêts de bus.
Le Vietnam est le premier pays du programme Pepfar (1) à avoir atteint 95 % de personnes vivant avec le VIH sous traitement efficace avec une charge virale indétectable.

Références : Hernandez, D. U=U: global perspectives. Plenary session, 23rd International AIDS Conference, 2020.Nguyen, A. et al. Undetectable = Untransmittable (U=U) to drive stigma reduction and epidemic control in Vietnam: A global model for political and program innovation. 23rd International Aids Conference, oral abstract OAF03, 2020.Torres, T. S. et al. A call to improve understanding of Undetectable equals Untransmissible (U=U) slogan in Brazil. 23rd International AIDS Conference, oral poster discussion, PDD05, 2020.(1) : Pepfar est le « Plan d’urgence présidentiel de lutte contre le VIH/sida ». Une initiative bilatérale du gouvernement américain avec certains pays pour sauver et améliorer la vie des personnes infectées ou exposées à l’infection par le VIH.

 


La résilience, un élément clé pour mieux vieillir
Mieux vieillir avec le VIH est un enjeu important dans la prise en compte de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. L’efficacité des traitements actuels a permis de prolonger l’espérance de vie des personnes séropositives et on estime que d’ici 2030, 70 % des personnes vivant avec le VIH auront 50 ans ou plus, indique le site d’infos aidsmap. Cette espérance de vie prolongée pose de nouvelles problématiques et de nouveaux challenges chez une population parfois très isolée.
Chris Howard, un chercheur australien, a présenté les conclusions d’une étude nommée Living Positive in Queensland. Cette étude qualitative est le fruit de 200 entretiens menés sur une période de trois ans auprès d’un groupe de 70 personnes vivant avec le VIH âgées entre 34 et 75 ans (deux tiers ayant plus de 50 ans). Près de deux tiers des participants-es étaient séropositifs-ves depuis 15 ans ou plus. La plupart vivaient avec une pension d’invalidité et habitaient dans des logements sociaux. La majorité avait déclaré des comorbidités comme le cancer, du diabète, des problèmes cardiaques ainsi que des soucis de santé mentale (dépression…) et cognitive (mémoire, concentration…). Ces entretiens ont fait ressortir un sujet de préoccupation majeur qui est un sentiment fort d’isolement et d’invisibilité.
L’approche biomédicale, forte autour du suivi des personnes vivant avec le VIH, tend à négliger une approche plus sociale et individuelle des personnes concernées pour privilégier le succès thérapeutique sur le contrôle de la charge virale aux dépens d’autres aspects. Ce sentiment d’isolement et d’invisibilité était exacerbé chez les personnes vivant avec le VIH qui appartenaient à la communauté gay. Cela peut s’expliquer par les mécanismes d’une double discrimination, être âgé et séropositif, dans une communauté qui a souvent tendance à glorifier la jeunesse et le culte de la performance physique et sexuelle.
À l’heure du Tasp et de la Prep, il semble compliqué également pour certaines personnes qui ont connu les traitements souvent lourds des années 80/90 de faire entendre leur voix et leur vécu qui diffèrent de la génération U = U. Des angoisses inhérentes au vieillissement naturel revenaient souvent comme la peur d’être dépendant-e physiquement et financièrement. Elles étaient, ici, amplifiées par la peur de subir des maltraitances ou une stigmatisation de la part du corps soignant en raison de leur séropositivité (et de leur homosexualité).
Les participants-es ont également identifié des facteurs qui pourraient favoriser un meilleur vieillissement avec le VIH comme le fait d’accepter son statut sérologique, d’en parler à sa communauté, de partager son expérience et de se sentir utile. « Quand on accepte tout est tellement plus simple… Et c’est ce que j’aimerais faire avec mon rôle de positive speaker (orateur positif), être en capacité de me tenir devant des personnes vivant avec le VIH et leur donner de l’espoir ».
Renouer le lien social et valoriser le vécu et la résilience de celles et ceux qui ont connu des périodes plus sombres de la lutte contre le VIH pour en faire des membres importants-es de la communauté sont des enjeux majeurs pour les personnes qui vieillissent avec le VIH. La notion de résilience est ici associée à l’idée d’avoir surmonter les années les plus dures de l’épidémie de VIH. Les participants-es de cette cohorte ont montré en quoi cette résilience pouvait les aider à surmonter de nouveaux challenges et garder l’espoir.

Références : Howard, C. et al. «Is it HIV or just old age? » Uncertainties of «successful» ageing with HIV. 23rd International Aids Conference, oral abstract OAD 0906, 2020. Liboro, R. et al. Examining the resilience of racially diverse, HIV-positive, middle-aged and older men who have sex with men to HIV/aids : Resources, protective factors, and personal strengths. 23rd International Aids Conference, poster PED 0780, 2020.


Essais de l’ANRS
L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales a présenté plusieurs résultats d’études (19 abstracts) dont cinq ont fait l’objet d’une présentation orale. L’une concernait le génome du VIH chez des personnes vivant avec le VIH qui contrôlent naturellement l’infection depuis plusieurs années (1). Cette étude s’est appuyée sur les prélèvements réalisés sur des personnes infectées par le VIH qui contrôlent l’infection plusieurs années après l’interruption du traitement antirétroviral, issus de l’étude ANRS-Visconti. Les chercheurs-ses ont observé dans leurs cellules des formes virales archivées intactes, donc capables de se répliquer, en proportion et en quantité équivalentes à celles observées chez les personnes toujours sous traitement antirétroviral initié dès le début de l'infection ou chez les personnes contrôlant naturellement l’infection (de la cohorte ANRS CO21 Codex) (2). Les scientifiques concluent que la rémission est donc possible chez certains individus infectés par le VIH pendant de longues périodes de temps (11,8 années en médiane dans cette étude) malgré la présence de virus génétiquement intacts. Ceci suggère que le contrôle de l'infection chez ces personnes en rémission implique probablement des mécanismes immunitaires, explique un communiqué de l’agence de recherche.
Une autre étude (3) a cherché à voir si le traitement d’un cancer par anticorps inhibiteurs pouvait avoir un impact sur les réservoirs du VIH dans l’organisme. Une équipe de recherche a donc étudié des échantillons sanguins issus de personnes vivant avec le VIH et ayant un cancer traité par des anticorps inhibiteurs des points de contrôle immunitaires de la cohorte ANRS CO-24 OncoVihac (4). Les chercheurs-es n’ont pas constaté d’impact de ces nouveaux traitements anti-tumoraux sur les paramètres biologiques du réservoir du VIH, excepté pour deux personnes qui ont présenté une diminution persistante de leur réservoir. Par ailleurs, le traitement est associé à une activation transitoire et précoce des lymphocytes T.

(1) : In-depth characterization of full-length archived HIV genomes in long-term post-treatment and natural HIV controllers (ANRS Codex/VIisconti Cohort), présenté par Véronique Avettand-Fenoel (Université Paris-Descartes, Inserm, CNRS, Institut Cochin, Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP).
(2) : La cohorte ANRS CO21 Codex a pour objectif principal d'étudier l'évolution clinique et immuno-virologique et de définir les paramètres du virus et de l’hôte associés à la non-progression de l’infection chez les patients VIH-1 asymptomatiques depuis au moins 5 ans après l'infection par le VIH en absence de traitement antirétroviral.
(3) : Effects of immune-check point inhibitors on anti-HIV specific immune responses and HIV-reservoir in people living with HIV (PLHIV) with cancer, présenté par Marine Baron (Inserm, Centre d'Immunologie et de Maladies Infectieuses de Paris, Sorbonne Université, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP).
(4) : La cohorte ANRS CO24 OncoVihac initiée en janvier 2018, a pour objectif d’évaluer la tolérance clinique et biologique de l’utilisation des anticorps inhibiteurs des check-points immunitaires (ICP) chez des patients vivant avec le VIH et ayant un cancer traité par des anticorps anti-ICP. À ce jour, elle compte 57 patients.