Alcool : une campagne d’abstinence qui trinque !

Publié par Mathieu Brancourt le 25.12.2019
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Sur le point d’être lancé, le « Mois sans alcool » prévu pour janvier semble avoir été caviardé en haut lieu, sous la pression du lobby alcoolier. Envers et contre tout, les associations de prévention sont dépitées et vont tenter de faire vivre le concept du dry January, qui aurait dû être une campagne officielle des autorités de santé.

Encore un exemple frappant de la contradiction des pouvoirs publics en ce qui concerne les campagnes de prévention des risques liés à l'alcool. En miroir à cela, la force d'influence des entreprises du secteur alcoolier dans le discours officiel sur les effets de l’alcool sur la santé. « C’est une campagne préparée de longue date qui a été jetée à la benne », ne décolère pas Christian Andréo, directeur général de Adixio, association de prévention des addictions en entreprise, et en première ligne du lancement du dry january (abstinence d’alcool en janvier). Un concept anglo-saxon qui devait être le fer de lance d’une campagne de Santé publique France, pour début 2020. « Les autorités de santé avaient préparé une campagne de communication publique, prête pour les réseaux sociaux », sur un arrêt transitoire de la consommation d’alcool, explique le directeur général d’Adixio. En témoigne, encore aujourd’hui un compte twitter abandonné après trois piaillements (dont un relais de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives/Midelca), et un site moisansalcool en maintenance.

In vino veritas ?

Cette initiative n’était pas du goût des entreprises du vin et plus généralement du secteur de la production alcoolière française, bien décidée à solliciter une intervention politique. « Le lobby était très en colère et s’est mobilisé autour du déplacement d’Emmanuel Macron en Champagne », raconte Christian Andréo. Le 14 novembre dernier, le président est à Épernay à la rencontre des viticulteurs-rices de la région. Une phrase, rapportée par le site vitisphère, s’ébruite : « Vous pouvez faire savoir qu’il n’y aura pas de "Janvier sec" », aurait dit Macron, malgré un démenti rapide de l’Élysée. Déjà, les associations de prévention, rassemblées autour de la Fédération Addiction, et des médecins, s’inquiètent d’une tentative de sabordage de la campagne, malgré les promesses faites. « Relayée par les associations, dont la Fédération Addiction, lors des années précédentes, l’édition 2020 du Dry January à la Française devait être portée par Santé publique France, comme l’avait annoncé le Président de la Midelca, lors de notre congrès en juin 2019 », rappelle le collectif dans son communiqué du 20 novembre dernier. Même son de cloche chez les addictologues, comme le rapporte un article du Monde. Hélas, le lendemain, la ministre de la Santé Agnès Buzyn déclare sur France info que ce  « format n’est pas aujourd’hui validé par son ministère ». Traduction : « La ministre a donc déclaré qu’elle n’était pas au courant de quoi que ce soit, mais c’est un arbitrage qui s’est fait au dessus d’elle au détriment d’une campagne de santé publique, qui a été par ailleurs financée », déplore Christian Andréo.

45 000 morts par an

Ce désengagement est un mauvais signal envoyé aux acteurs-rices de la santé publique et de la prévention, mais surtout la preuve de la capacité du lobby de l’alcool à entraver toute « mauvaise » publicité faite à ses produits. Pour autant, les associations ne renoncent pas : « Un collectif informel va se mettre en relation pour faire vivre ce Dry january. Nous voulons aussi mettre à disposition le matériel déjà existant, en demandant l’autorisation à nos homologues britanniques », explique encore Christian Andréo. « Nous avions espéré faire une pause en Janvier avec le soutien des pouvoirs publics, nous inviterons quoi qu’il en soit la population à s’y essayer et s’y engager », promet la Fédération Addictions.

Du côté du ministère, on a promis, selon les ONG, une réunion de concertation en… février, soit au lendemain de ladite opération. Chaque année, 45 000 personnes décèdent directement ou indirectement des effets de l’alcool et 23 000 personnes meurent d’un cancer ou d’une cirrhose liés directement à la consommation d’alcool. Ce mois de promotion d’une pause dans la consommation d’alcool aurait pu, peut-être le faire savoir, et faire du premier pays buveur d’alcool un autre modèle de prévention. Santé !