Alimentation : l’effet Covid

Publié par jfl-seronet le 11.06.2021
2 370 lectures
Notez l'article : 
0
 
Mode de viealimentationCovid-19

Quel impact a eu le premier épisode de confinement (17 mars - 11 mai 2020) sur notre comportement alimentaire et avec quelles conséquences ? C’est ce qu’a cherché à comprendre l’enquête CoviPrev, menée à l’initiative de Santé publique France (1). Des résultats ont été publiés il y a quelques semaines.

D’abord, quelques données sur la méthodologie employée. Pour cette enquête, deux échantillons indépendants de 2 000 personnes âgées de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine ont été interrogés par Internet lors de deux vagues d’enquête : une lors de la cinquième semaine du confinement et l’autre lors de la huitième semaine. En cinquième semaine de confinement, « 37 % des individus ont déclaré avoir « modifié leur alimentation », sans différence selon le sexe. Les femmes ont toutefois été plus nombreuses que les hommes à déclarer davantage cuisiner, grignoter, consommer des produits gras, sucrés, salés (PGSS), avoir plus ou moins d’appétit, faire attention à leur poids ». Parmi les comportements évalués, la majorité ont été impactés par le confinement pour 25 à 40 % des répondants, expliquent les auteurs-rices. « Par exemple, 37 % ont déclaré cuisiner des plats faits maison plus fréquemment que d’habitude et 27 % avoir pris du poids contre 11% en avoir perdu ». « Des associations positives ont été observées entre la prise de poids et une situation financière perçue comme difficile, manger en plus grande quantité que d’habitude, grignoter davantage, avoir réduit sa consommation de fruits et légumes, augmenté celle de des produits gras, sucrés, salés, fait moins d’activité sportive, présenter un état dépressif certain et avoir des troubles du sommeil ». Enfin, « 27 % des répondants-es déclaraient grignoter davantage en huitième semaine contre 22 % en  cinquième semaine de confinement et 36 % avoir pris du poids contre 27 % en cinquième semaine ». Les résultats de l’enquête montrent « un impact du confinement sur plusieurs comportements alimentaires, particulièrement chez les femmes ». Si le confinement « a pu favoriser la cuisine-maison, d’autres changements étaient plutôt défavorables à la santé », avancent les chercheurs-ses qui indiquent que leurs résultats « suggèrent que des confinements répétés risqueraient d’aggraver les pathologies liées à l’alimentation ». Dans de tels contextes, il est « nécessaire de poursuivre l’évaluation des comportements alimentaires et du poids corporel et de soutenir toutes mesures de santé publique encourageant des habitudes alimentaires saines ».

Quels critères pris en compte ?

Lors de la cinquième semaine de confinement, différentes questions ont été posées aux participants-es afin d’évaluer les évolutions perçues de leurs comportements par rapport à la période précédant le confinement. Les comportements étudiés ont été choisis parmi ceux qui étaient les plus susceptibles d’avoir évolué pendant cette période de crise sanitaire et de restriction des déplacements. Ont ainsi été étudiés les comportements en lien avec l’alimentation (avoir de l’appétit ; avoir modifié son équilibre alimentaire, la quantité totale d’aliments consommés, de fruits et légumes (marqueurs d’une alimentation plutôt favorable à la santé), de produits gras, sucrés, salés (marqueurs d’une alimentation plutôt défavorable à la santé) ; structuration des prises alimentaires (sauter des repas, grignoter entre les repas), en lien avec l’activité sportive et la variation du poids corporel. Ont été étudiés l’accessibilité alimentaire (trouver les aliments qu’on souhaite et pouvoir les acquérir financièrement), le fait de cuisiner des plats faits maison. Les chercheurs-ses ont également étudié les états dépressifs et anxieux, ainsi que la qualité du sommeil… qui ont été utilisés comme facteurs associés à la prise de poids. Les variables sociodémographiques explorées en tant que facteurs associés à la prise de poids étaient les suivantes : sexe ; âge regroupé en deux classes (moins de 40 ans et plus de 40 ans) ; être parent d’enfant(s) de 16 ans ou moins et perception de sa situation financière (bonne, limite, difficile).

Alors qu’est-ce qui a changé ?

« Parmi l’ensemble des personnes interrogées quatre semaines après le début du confinement, 37 % ont déclaré avoir modifié leur alimentation, sans différence selon le sexe ». Et les chercheurs-ses d’expliquer que « trois adultes sur 10 (29,8 %) ont considéré que l’équilibre de leur alimentation avait été impacté par le confinement ; plus précisément, ils étaient 17 % à déclarer une alimentation moins équilibrée comparée à celle précédant le confinement. La structuration de la prise alimentaire quotidienne a également évolué pour près d’un tiers de l’échantillon : un quart des adultes interrogés a modifié le rythme de ses repas par rapport à avant le confinement (11,4 % ont déclaré sauter davantage de repas et 13,4 % moins) ; un peu plus d’un cinquième des répondants-es (22,1 %) ont déclaré grignoter plus que d’habitude (versus 17,5 % moins que d’habitude). Ce dernier point concernait en particulier les femmes, qui étaient 25,3 % à grignoter davantage (versus 18,5 % des hommes) ». De plus, 36,6 % des femmes et 27 % des hommes ont connu une modification de leur appétit pendant le confinement : 20,2 % des femmes et 14,3 % des hommes auraient eu moins d’appétit que d’habitude et, respectivement, 16,3 % et 12,7 % plus que d’habitude. « Cette période de confinement a également occasionné d’autres types de changements : un peu plus d’un tiers des participants à l’étude (36,6 %) ont déclaré cuisiner plus que d’habitude des plats faits maison (versus 3,7% moins que d’habitude) ; plus de la moitié des répondants (57 %) ont déclaré rencontrer plus de difficultés à trouver les aliments souhaités dans les magasins ; et presque un quart (23,2 %) ont déclaré porter une attention accrue à leur budget alimentaire. Ces deux derniers aspects ont davantage été rapportés par les femmes », indique l’étude.

Les mesures liées au confinement ont également impacté le niveau d’activité sportive des répondants-es : 37 % ont ainsi déclaré une baisse de cette activité, en particulier les hommes. En revanche, 15,4 % des adultes (18,6 % des femmes et 11,8 % des hommes) ont déclaré avoir profité du confinement pour faire plus de sport que d’habitude.

Grignotage et prise de poids

Au cours du confinement, le grignotage et l’évolution perçue du poids ont continué à évoluer de manière significative. En l’espace de trois semaines (entre la cinquième et la huitième semaine de confinement), la proportion de personnes déclarant grignoter plus que d’habitude a augmenté de cinq points alors que celle déclarant grignoter moins que d’habitude a diminué de six points. Dans le même intervalle de temps, la proportion de personnes déclarant avoir pris du poids a augmenté de près de dix points tandis que la proportion de celles déclarant avoir un poids stable a diminué d’autant ; la proportion de personnes déclarant avoir perdu du poids depuis le début du confinement est quant à elle restée relativement stable sur la période.

Selon les résultats globaux, l’activité sportive et la disponibilité des aliments dans les magasins ont été les plus impactées par le confinement, avec plus de 50 % des répondants-es ayant déclaré une modification. Les autres variables étudiées ont été impactées pour 25 à 40 % des répondants-es. La majorité des personnes interrogées n’a ainsi pas déclaré de changement notable de son comportement alimentaire au cours du confinement. « Cependant, avec en moyenne 25 à 40 % de la population déclarant de telles modifications, l’impact du confinement sur les comportements alimentaires est loin d’être négligeable, d’autant plus que ces modifications sont apparues brutalement », notent les chercheurs-ses. Globalement, le confinement semble avoir davantage impacté les femmes que les hommes sur le plan alimentaire (davantage de grignotage et de PGSS consommés et plus ou moins d’appétit). « Une autre différence observée selon le sexe concerne l’attention portée au poids qui demeure plus élevée chez les femmes, soulignant une pression sociale à l’égard de l’apparence physique plus forte sur les femmes que sur les hommes qui les poursuit même en temps de confinement ».

En guise de conclusion… provisoire

Cette étude a montré que plusieurs comportements liés à l’alimentation ont été impactés par le confinement, et ce particulièrement chez les femmes. Certains changements étaient plutôt défavorables à la santé comme le grignotage et la prise de poids. En revanche, plus d’un tiers de la population ont déclaré avoir davantage cuisiné des plats faits maison. Cette activité a pu permettre de développer des compétences culinaires décrites comme un des déterminants d’une alimentation favorable à la santé. De plus, ces compétences acquises pendant le confinement pourraient favoriser le fait de cuisiner des plats faits maison sur le long terme, avancent les auteurs-rices. Parmi les facteurs associés à la prise de poids retrouvés dans cette étude, une situation financière difficile a été mise en évidence, ainsi que des comportements entrainant une augmentation de l’apport énergétique, ou encore une santé mentale dégradée. « Ces résultats suggèrent que, même si le confinement a permis de freiner la propagation du Sars-Cov-2, un confinement de longue durée ou des confinements répétés risqueraient d’exacerber certains problèmes de santé, comme peuvent l’être le surpoids et l’obésité, et risqueraient aussi d’aggraver les inégalités sociales de santé. Dans de tels contextes, il est donc nécessaire de poursuivre la surveillance des comportements alimentaires et du poids corporel et de soutenir toutes mesures de santé publique susceptibles d’encourager et/ou maintenir des habitudes alimentaires favorables à la santé ».

Source : Delamaire C, Sarda B, Ducrot P, Verdot C, Deschamps V, Serry AJ. Comportements alimentaires et déterminants de la prise de poids des adultes en France pendant le confinement lié à la Covid-19 : évolutions perçues (CoviPrev, 2020). Bull Epidémiol Hebd. 2021;(Cov_7):2-11.

(1) : Comportements alimentaires et déterminants de la prise de poids des adultes en France pendant le confinement lié à la Covid-19 : évolutions perçues (CoviPrev, 2020). Corinne Delamaire (corinne.delamaire "@" santepubliquefrance.fr), Barthélémy Sarda, Pauline Ducrot, Charlotte Verdot, Valérie Deschamps, Anne-Juliette Serry. Santé publique France, Saint-Maurice.