Aliou Sylla : "La PrEP n’est pas un luxe"

Publié par Rédacteur-seronet le 26.12.2015
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SexualitéPrEP

Aliou Sylla est médecin. Il est président de l’association Arcad-sida au Mali, membre de la Coalition PLUS, dont il est le vice-président. Seronet lui a proposé de réagir à l’annonce faite par la ministre française de la santé, Marisol Touraine, concernant la mise en place de la PrEP et sa prise en charge par l’Assurance maladie en France. Interview.

Que pensez-vous de la décision française concernant la PrEP et quelle importance cette décision a-t-elle pour Coalition PLUS ?

Aliou Sylla : Cette annonce du ministre de la Santé sur la PrEP devant les députés à l’Assemblée nationale m'a conforté dans ma conviction que nous pouvions vaincre le VIH/sida d'ici un horizon proche. Cette annonce, je la considère comme une victoire, un aboutissement du plaidoyer que les membres de Coalition PLUS mènent de façon continue. J’y vois un exemple de ce que peut produire l’engagement, au Nord comme au Sud, lorsqu’on anticipe, lorsqu’on conduit une recherche opérationnelle, lorsqu’on s’appuie sur la démarche communautaire et, en l’occurrence, ici, la recherche communautaire. C’est une fierté de voir et de prouver que les acteurs communautaires que nous sommes sont la solution au problème qu’est cette épidémie. C’est le signe que notre combat militant, engagé dès le début de l'épidémie, doit continuer et s'intensifier.

Les nouvelles recommandations de l’Organisation mondiale de la santé portent notamment sur la PrEP. De votre point de vue, que peuvent (ou devraient) produire ces recommandations internationales au Mali ?

Cette décision a été saluée et relayée à tous les niveaux auprès des acteurs de lutte contre le VIH. Cette décision est venue nous renforcer dans l’approche de prévention que nous défendons au sein des populations clés, comme les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Concernant plus particulièrement le Mali, le programme de lutte contre le VIH/sida du gouvernement malien, les représentants des groupes et populations concernés et notre association Arcad-sida (1) se sont engagés, via une étude pilote, à voir dans quelles conditions il est possible de mettre en œuvre la propylaxie pré-exposition (PrEP) chez nous. La décision française facilite une future mise en place de la PrEP dans notre pays. En effet, les résultats issus des études scientifiques préalables [américaines et européennes, ndlr] amenant la France à prendre cette décision sont très parlants. De plus, les populations concernées sont demandeuses d’un accès à la PrEP. Pour moi, nous avons l’obligation morale, éthique, de mettre à  disposition ce moyen complémentaire de prévention auprès des couples séro-différentes, des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et des travailleuses et travailleurs du sexe. Bien évidemment, tout cela nécessitera un encadrement, mais comme cela se passe partout où la décision de mettre en place la PrEP est prise. Comme je le rappelais récemment dans un communiqué de presse (2), la PrEP n’est pas un luxe. Au même titre que les traitements pour les personnes vivant avec le VIH, la PrEP doit être accessible à toute personne séronégative fortement exposée au virus. C’est une méthode de plus, à développer partout dans le monde qui doit aider à éradiquer l’épidémie.

Remerciements à Camille Sarret, Coalition PLUS.

(1) : Arcad-sida est la première association de lutte contre le sida au Mali, crée en 1994 et investie auprès du Ministère de la santé dans l’accès aux soins pour le VIH.
(2) : "Sida – Campagne mondiale pour en finir avec l’apartheid médical", Coalition PLUS et AIDES, 30 novembre 2015.