Allaitement et VIH : recos américaines

Publié par Fred Lebreton le 17.03.2023
3 807 lectures
Notez l'article : 
5
 
0
Thérapeutiqueallaitement

Les mères vivant avec le VIH ont une faible probabilité de transmettre le virus à leur enfant par l'allaitement (risque inférieur à 1 %), mais le sujet reste parfois tabou et les recommandations officielles varient selon les pays et régions. Le 31 janvier dernier, les États-Unis ont mis à jour leurs recommandations, comme l’explique la journaliste Liz Highleyman dans un article publié sur le site américain Poz. Explications.

Ces nouvelles recommandations stipulent que les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) devraient recevoir des conseils centrés sur la personne afin de soutenir la prise de décision partagée avec le-la soignant-e concernant l'allaitement de l'enfant. Les mêmes considérations s'appliquent aux hommes transgenres et aux personnes non binaires qui souhaitent allaiter. Jusqu’à présent, aux États-Unis, la doctrine était de toujours conseiller aux femmes séropositives de ne pas allaiter en raison du risque de transmission de la mère à l'enfant. Cependant, dans les pays à faible revenu où les personnes n'ont pas toujours un accès fiable à l'eau potable et aux préparations pour nourrissons, l'équation risque/bénéfice favorise l'allaitement. Ces nouvelles recommandations prennent en compte la révolution Tasp ou I = I (Indétectable = Intransmissible) avec des études qui ont définitivement montré que les personnes sous traitement ARV efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle. Il y a moins de données pour savoir si le Tasp s'applique également à l'allaitement. Aux États-Unis, le seuil de non transmission sexuelle du VIH est généralement fixé à une charge virale inférieure à 200 copies/ml (c’est 50 copies en France). Le seuil de charge virale permettant d’éliminer la transmission périnatale du VIH pendant la gestation ou l'accouchement serait de 50 copies, mais le seuil pour la transmission par l'allaitement n'est pas connu en raison d’un manque de données. Il existe quelques cas connus de transmission par des mères allaitantes dont la charge virale était inférieure à 50 copies/ml, mais ce phénomène est rare et se produit dans moins de 1 % des cas.

Par exemple, les résultats de l'essai DolPHIN-2, présentés à la conférence Croi 2021, ont montré que sur 242 enfants nés-es de femmes séropositives en Ouganda et en Afrique du Sud, qui suivaient un traitement ARV et qui étaient exclusivement nourris-es au sein pendant six mois, seul un bébé a contracté le virus. Les femmes vivant avec le VIH aux États-Unis et dans d'autres pays à revenu élevé ont plaidé en faveur d'une plus grande autonomie dans les décisions relatives à l'alimentation des nourrissons. Si l'allaitement comporte un risque très faible de transmission, il offre également de nombreux avantages, notamment une meilleure alimentation du nourrisson, une amélioration de la santé, un coût moindre, une acceptabilité culturelle, une réduction de la stigmatisation et des liens affectifs entre la mère et l'enfant.

De nouvelles recommandations en 2023

En janvier 2023, le ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS) a donc mis à jour ses recommandations sur l'utilisation des traitements antirétroviraux pendant la grossesse et les interventions visant à réduire la transmission périnatale du VIH aux États-Unis. Il est indiqué que les personnes vivant avec le VIH devraient « recevoir des conseils fondés sur des données probantes et centrés sur la personne afin de soutenir la prise de décision partagée concernant l'alimentation du nourrisson ». Ces conseils doivent commencer avant la conception ou le plus tôt possible durant la grossesse et se poursuivre pendant la grossesse et après l'accouchement. Les recommandations précisent que le fait de donner du lait maternisé (un substitut du lait maternel, plus communément appelé lait artificiel) correctement préparé ou du lait humain provenant d'une banque de lait élimine le risque de transmission du VIH à l'enfant. Le fait d’avoir et de maintenir une charge virale indétectable pendant la grossesse et après l’accouchement « réduisent le risque de transmission au sein à moins de 1 %, mais pas à zéro ». L'alimentation de remplacement avec du lait maternisé ou du lait de donneuses est recommandée pour les personnes qui ne sont pas sous traitement ou qui n'ont pas de charge virale indétectable pendant au moins le troisième trimestre et pendant l'accouchement. « Les personnes séropositives qui suivent un traitement antirétroviral avec une charge virale indétectable maintenue et qui choisissent d'allaiter doivent être soutenues dans cette décision », indiquent les recommandations. « Les personnes séropositives qui choisissent d'utiliser du lait maternisé doivent être soutenues dans cette décision. Les professionnels de santé doivent s'enquérir des obstacles potentiels à l'utilisation du lait maternisé et explorer les moyens de les surmonter ». Les nouvelles recommandations françaises sont attendues courant 2023 dans le cadre de l’actualisation du Rapport d’experts-es.