Andy Warhol, plus-que-portrait

Publié par olivier-seronet le 21.06.2009
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culture
Pour la majorité des gens, Andy Warhol, le gourou fondateur de la Factory, est synonyme de Pop art, de soupe Campbell’s (miam), de "Flowers"… Mais aussi et surtout de portraits. Les galeries nationales du Grand Palais nous offrent ainsi jusqu’à mi-juillet une rétrospective exceptionnelle de ces derniers, la précédente datant des années 70 aux Etats-Unis.

Warhol a sans doute trouvé dans le portrait, activité marginale du mouvement Pop art, une façon d’exprimer son obsession du Moi, de l’image, sa fascination pour la beauté hollywoodienne et pour l’idéal. Mais ce goût du portrait, les couleurs vives et criardes qu’il emploie trouvent également leurs sources dans l’influence des icônes religieuses très présentes dans l’Eglise catholique orientale dont Warhol, fils de parents immigrés d’Europe de l’Est, tient sa culture : il débarrasse les personnages de leur contexte temporel, les dématérialise et, par son choix de cadrage rapproché, cherche à atteindre les profondeurs de leur personnalité, de la même manière que les icônes cherchaient, en leur temps, à faire atteindre le mystère de l’incarnation.

Quant à la technique, on peut se dire, de prime abord, que c’est quand même très (trop) simple de prendre une photo, d’en faire une sérigraphie grand format, de la saturer de couleurs et de la répéter jusqu’à plus soif… Mais ce fut là tout le génie de Warhol car il a eu l’idée de transposer à l’art la culture de masse en produisant des œuvres (apparemment) semblables en quantité industrielle (pour les élites au départ, les seules pouvant débourser 25 000 dollars pour un portrait, avec tarif dégressif pour les suivants…). L’"Aura" de l’œuvre unique, chère à Walter Benjamin, en aura prix un coup…

L’exposition du Grand Palais a cela d’intéressant qu’elle nous présente les différentes étapes de la création : du portrait en Polaroid (des œuvres à part entière, paradoxalement non reproductibles, fait rare dans la photographie), en passant par les retouches, à la ou les œuvres finales en sérigraphie. Il est d’ailleurs intéressant de découvrir que ce procédé mécanique permet aussi les nuances, chaque reproduction s’estompant progressivement, ce qui relève d’un choix artistique fort pour un artiste fasciné par la notion de paraître et de disparaître. Des œuvres faussement semblables donc.

Les modèles sont beaux, glamours : l’ex-publicitaire Warhol a compris qu’il fallait flatter l’orgueil de ses commanditaires pour vendre plus, le portrait étant d’ailleurs sa principale source de revenus. Pour l’anecdote, Farah Diba Pahlavi, impératrice d’Iran, n’aura besoin d’aucune retouche tant sa beauté était, selon Warhol, parfaite.

En déambulant dans l’expo, on rencontre les puissants des années 60 et 70 : stars de cinéma (Marylin, Liz Taylor, etc.), du rock (Mick Jagger, Blondie, etc.), de la mode (Armani, Rykiel, etc.), des têtes couronnées (le Shah et l’impératrice d’Iran donc, Caroline de Monaco, Lady Di, etc.), de lointaines connaissances, mais aussi des inconnus qui ont là leur quart d’heure de célébrité… Toutefois, la sensibilité de l’artiste s’exprime à travers l’ambiguïté de ses personnages, ambivalence qui le fascine totalement (avec, pour exemple, Marylin qui oscille entre beauté et vulgarité, intelligence et sottise).

Les seuls portraits non humains sont ceux d’une bouteille de Coca-Cola (qui n’est cependant pas sans rappeler les formes pulpeuses d’une belle femme), d’une paire d’escarpins et d’une chaise électrique. Soit manger, se vêtir et mourir : la vie quoi ! Et comme toute expo qui se respecte, elle a aussi eu sa dose de scandale : le retrait à la dernière minute des quatre portraits d’Yves Saint Laurent. Le buzz a fait le reste. Alors, si vous aimez Warhol, profitez-en !
Cynthia et Romuald
"Le grand monde d’Andy Warhol". Jusqu’au 13 juillet 2009. Tous les jours sauf le mardi, 11 euros en plein tarif. Grand Palais, M° Champs-Élysées – Clemenceau