ANRS : un bilan et une stratégie renouvelée

Publié par jfl-seronet le 16.02.2019
4 356 lectures
Notez l'article : 
0
 
ThérapeutiqueANRS

Le 24 janvier dernier, à l’occasion de sa cérémonie de vœux, le Pr François Dabis, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales a dressé le bilan de l’année 2018, année de réorganisation de l’agence, et présenté la feuille de route pour 2019. Il a notamment annoncé l’actualisation des « recommandations d’experts-es françaises sur le VIH, les hépatites B et C et les IST sous la forme d’un rapport unique ».

Bilan 2018

Cette année a été celle du « chantier de la réorganisation pour plus de lisibilité, de simplicité et de performance », a rappelé François Dabis. Premier constat : « La recherche française est toujours dans le peloton de tête de la compétition internationale. Sur la période 2013-2017, la France est le 2e pays européen en nombre de publications scientifiques dans le domaine du VIH/sida et le quatrième au niveau mondial pour la part des publications figurant dans le top 1 % des publications les plus citées au monde. Pour les hépatites virales, la France bénéficie d’une excellente reconnaissance internationale puisqu’elle occupe la 1e place mondiale du classement des pays pour les publications figurant dans le top 1 % et le top 10 % mondiaux. Et l’ANRS finance pratiquement 90 % de ces recherches menées par les équipes françaises », a indiqué son directeur. L’année 2018 a été celle de la réorganisation de l’agence, une réorganisation ayant pour objectif : « Plus de simplicité, de lisibilité et de performance scientifique et d’adaptation aux enjeux. »

« Sept actions coordonnées (AC) pour l’animation scientifique, quatre comités scientifiques sectoriels (CSS) pour l’évaluation, la dimension Nord-Sud réunie dans chaque thématique, la pluridisciplinarité, la poursuite de notre partenariat étroit avec les représentants des malades et des populations les plus vulnérables ; voilà schématiquement résumée l’organisation que j’ai souhaitée mettre en place au cours de l’année écoulée », a détaillé François Dabis. « Un premier bilan des deux derniers appels à projets me laisse penser que ces changements ont été compris par notre communauté qui continue à se mobiliser en proposant de nouveaux projets en nombre et en qualité (…) L’inquiétude que certains pouvaient avoir en matière de recherche clinique et d’essais thérapeutiques a été dissipée. Des projets tout à fait innovants ont été soumis et plusieurs retenus », a résumé François Dabis. La stratégie de l’agence pour 2019 s’est notamment appuyée sur les travaux du nouveau Comité scientifique international, installé par le nouveau patron de l’ANRS. Il a retenu de ces travaux trois enseignements qui « vont guider réflexion et actions en 2019 ».

« Notre recherche fondamentale VIH est forte, mais peut et doit encore être encouragée et soutenue car une bonne partie des solutions du futur sont encore à trouver à la paillasse  ; « En matière d’hépatites virales, le tournant doit s’opérer en faveur d’une recherche translationnelle [concept qui traduit les efforts à produire des applications concrètes à partir de connaissances fondamentales, autrement dit, elle vise au transfert et à la valorisation d’une découverte scientifique en application concrète et rapide au bénéfice des malades, ndlr] sur l’hépatite B sans oublier le champ de l’élimination de l’hépatite C qui pose d’autres questions translationnelles, elle aussi, mais, cette fois, entre la recherche clinique et la recherche opérationnelle et de santé publique » ; « Le savoir-faire de l’Agence et de ses acteurs peut être mis au service de nouvelles priorités de recherche en santé ».

A priori, pas de mauvaise surprise budgétaire

« Le budget de l’Agence, maintenu au niveau demandé dans le contexte complexe que nous connaissons tous, nous permet de mener une politique scientifique ambitieuse, planifiée mais aussi capable de réagir et s’adapter aux innovations et aux priorités émergentes. J’ai déjà indiqué mon souhait de voir des effets de levier s’opérer avec des partenaires européens, industriels, associatifs ou philanthropiques pour que nos moyens propres soient investis le mieux possible », a indiqué François Davis, le 24 janvier dernier.

En 2018, le directeur de l’ANRS a fait procéder à une « évaluation internationale indépendante des cohortes de l’ANRS ». « J’ai pu ainsi reconduire l’ensemble de ces plateformes dont certaines comme Hepather peuvent fonctionner avec un montage financier associant l’ANRS, les Programmes d’investissement d’avenir via l’Agence nationale de recherche et les industriels. Les cohortes sont une de nos richesses scientifiques pour les années à venir tant pour le VIH que pour les hépatites B et C », a indiqué François Dabis.

Quels perspectives et projets pour 2019 ?


1 - « Un meilleur contrôle du VIH est-il possible chez les patients ? » « Les résultats de plusieurs études cliniques sont attendus en 2019 et en particulier ceux de l’essai Quatuor sur le traitement quatre jours sur sept. Deux essais de stratégies d’allègement démarreront, l’essai Altar (essai comparatif pour évaluer la non-infériorité d’une stratégie allégée : passage d’une trithérapie à une bithérapie en comparaison d'une stratégie de bithérapie immédiate) en France, en Espagne et peut-être au Brésil tandis que l’essai Moderato (évaluation de deux stratégies de maintenance) sera initié en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal », a détaillé François Dabis. Il a aussi mentionné les essais Synacthiv, étude visant à évaluer la sécurité et la tolérance d’une combinaison de deux inducteurs du VIH-1 chez des personnes infectées par un sous-type B de VIH et ayant une charge virale indétectable sous traitement antirétroviral combiné et Doluvoir. Son objectif est de déterminer la cartographie du réservoir VIH en lien avec les concentrations antirétrovirales chez des personnes VIH-1 chroniques, traitées avec une première ligne associant le dolutégravir à des inhibiteurs nucléosides/nucléotidiques de la transcriptase inverse. « Enfin, je vais proposer à tous les chercheurs engagés dans cette recherche sur les réservoirs et la rémission d’avancer de la manière la plus coordonnée et structurée possible, pour qu’en particulier les travaux des équipes regroupées sous le label Rhiviera (un consortium scientifique qui travaille notamment sur les réservoirs) restent en première ligne de la compétition internationale ».

2 - « Le contrôle de l’épidémie à VIH en France peut-il être plus rapidement atteint ? » « L’expérimentation de la notification aux partenaires dans l’étude Notivih est un des moyens envisagés et Karen Champenois et son équipe seront à la manœuvre sur le terrain dès cette année, alors que la Haute autorité de santé lance une première réflexion sur le sujet suite au rendu de l’avis favorable du Conseil national du sida et des hépatites virales en 2018 », a expliqué François Dabis. « Bien évidemment, l’étude Prevenir (sur la Prep) se poursuivra et j’ai eu le plaisir d’annoncer à son conseil scientifique (…) que je soutenais le démarrage le plus rapide possible d’un nouveau volet de recherche sur les autres infections sexuellement transmises que le VIH dans Prevenir ». « Nous rentrons clairement dans une nouvelle phase de la recherche en prévention dans les populations les plus vulnérables comme les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes), recherche qui doit contribuer à la stratégie nationale de santé sexuelle et à sa feuille de route annoncées par notre Ministre de la Santé en 2018 ». 

3 - « Qu’en est-il de l’hépatite C ? » « Dans peu de temps le premier des articles princeps de la cohorte Hepather paraîtra, montrant les bénéfices dans la vie en vraie de l’utilisation des traitements antiviraux à action directe, en commençant par la réduction marquée de la mortalité. Cette cohorte se poursuivra », a annoncé François Dabis. « J’ai demandé à ses investigateurs et aux chercheurs d’amont de mieux se positionner dans l’investigation des maladies du foie post-guérison de l’hépatite C et d’approfondir les questions autour de la carcinogénèse viro-induite » le fait que le virus des hépatites cause un cancer).

4 - Et du VHB ? « J’espère que l’année 2019 verra le début d’une réelle recherche translationnelle sur le traitement de l’hépatite B, un domaine où nous avons des compétences incontestables au laboratoire, un réseau clinique de premier plan, sans oublier à nouveau la plateforme unique que représente la cohorte Hepather, a pointé le directeur de l’ANRS. Il nous faut définir une stratégie, la partager avec les industriels et les convaincre de travailler avec la recherche académique. Je profite de ce moment de mon intervention pour confirmer qu’il y aura désormais un seul service à l’Agence pour accompagner la recherche fondamentale VIH et hépatites virales, sous la responsabilité de Livia Pedroza, mais qu’il n’y aura aucun nouveau changement de périmètre et d’organisation des CSS et des AC ».

Dans son intervention, François Dabis a très largement évoqué les projets de l’agence au Sud : Burkina Faso, Zambie, Afrique du Sud sur « l’élimination effective de la transmission mère-enfant notamment par l’allaitement maternel ». Un projet sur la « micro-élimination de l’hépatite C » sera exploré au Burkina Faso. Une équipe française (Pasteur) poursuivra ses travaux « en Égypte où se déroule actuellement le plus grand programme de contrôle au monde de l’hépatite C ». Projet aussi concernant l’épidémiologie puisque « Dominique Costagliola et plusieurs membres de l’AC 47 (Dynamique et contrôle des épidémies VIH et hépatites) commencent à défricher les possibilités de collaboration au Kazakhstan et en Russie sur l’estimation des tendances de l’épidémie dans la seule région du monde où elle continue à progresser ». Par ailleurs, l’ANRS continuera à soutenir le plaidoyer international pour l’élimination de l’hépatite B.

Un nouveau rapport d’experts-es sur le VIH, les hépatites et les IST

« Par une lettre du 11 décembre dernier, Agnès Buzyn a mandaté l’ANRS et le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) pour une période de trois ans (2019-2021) pour produire l’actualisation des recommandations françaises sur le VIH, les hépatites B et C et les IST sous la forme d’un rapport unique. Je me réjouis de cette commande qui va nous amener Patrick Yéni (président du CNS) et moi-même à relancer un large groupe d’experts très prochainement », a expliqué François Dabis. A priori, le directeur de l’ANRS entend clairement changer la donne concernant les IST. Ainsi, a-t-il expliqué le 24 janvier : « Le VIH et les hépatites virales B et au moins en partie l’hépatite C sont clairement des IST. Il est temps d’examiner s’il est possible d’élargir notre champ de travail à l’ensemble des IST, dans un mouvement plus général autour de l’amélioration de la santé sexuelle. Je mettrai en place très prochainement un groupe de préfiguration de quelques experts pour me conseiller en trans-disciplinaire sur ce sujet avant de discuter avec notre comité scientifique international, notre Conseil d’orientation et nos tutelles des décisions à prendre, le tout en coordination avec l’Itmo I3M (Instituts thématiques multi-organismes immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie, autrement dit, ils travaillent sur microbiologie et maladies infectieuses ».