Atteintes « anti-LGBT+ » : les chiffres officiels

Publié par jfl-seronet le 17.05.2022
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ChiffresLGBTphobies

À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre les LGBTIphobies, le 17 mai, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié (16 mai) son étude annuelle sur les atteintes « anti-LGBT+ » en France. Seronet fait le point.

2021 : une hausse constatée

En 2021, dans le contexte du prolongement de la crise sanitaire, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 3 790 atteintes commises en raison de I'orientation sexuelle ou de I'identité de genre (actes « anti-LGBT+ ») : 2 170 crimes et délits et 1 620 contraventions sur l’ensemble du territoire français. Ces atteintes prennent majoritairement la forme d’injures ou de diffamations (59 %). Par rapport à 2020, le nombre de crimes et délits « anti-LGBT+ » enregistrés est en hausse de 28 %, et celui des contraventions de 16 % (respectivement, +12 % et +32 % par rapport à 2019, année précédant la crise sanitaire).
Le dépôt de plainte est une démarche très peu effectuée par les victimes : environ 20 % des victimes de menaces ou violences « anti-LGBT+ » et seulement 5 % des victimes d’injures « anti-LGBT+ » déclarent avoir porté plainte en moyenne sur la période 2012-2018, selon l’enquête Cadre de vie et sécurité. Plus de la moitié de ces atteintes (53 %) sont enregistrées dans des agglomérations de 200 000 habitants-es et plus, mais cette proportion a diminué au cours des deux dernières années. Près de la moitié des victimes subissent des crimes et délits « anti-LGBT+ » dans des lieux publics. Les crimes et délits « anti-LGBT+ » enregistrés touchent majoritairement les hommes (73 % en 2021) et les jeunes de moins de 30 ans (51 %). Sur le périmètre restreint de la police nationale, les victimes de contraventions « anti-LGBT+ » sont également surtout des hommes (73 %), mais la part des moins de 30 ans est plus faible que pour les crimes et délits (37 % des victimes de contraventions).

Doublement des actes anti-LGBT+ depuis 2016

Sur la période 2016-2021, le nombre de crimes ou délits anti-LGBT+ enregistrés par les services de police et de gendarmerie nationales a doublé (+104 %, soit +15 % en moyenne par an) », note le rapport du SSMSI. Après une hausse entre 2016 et 2019 (+83 %) et une baisse de 13 % entre 2019 et 2020, le nombre de crimes et délits anti-LGBT+ enregistrés par les services de sécurité repart à la hausse (+28 % entre 2020 et 2021). Par rapport à 2019, avant la crise sanitaire, le nombre de crimes et délits en 2021 est en augmentation de 12 %. Les contraventions enregistrées par les services de sécurité en raison de l’orientation sexuelle réelle ou supposée de la victime connaissent également une forte progression entre 2016 et 2021 (+133 %, soit +18 % en moyenne par an), malgré le contexte sanitaire lié à la Covid-19 (+16 % entre 2020 et 2021 après +14 % entre 2019 et 2020). Le nombre de contraventions enregistrées en 2021 s’établit à 1 620, soit une progression de 32 % par rapport à 2019. Il s’agit très majoritairement, comme en 2019 et 2020, d’injures non publiques (plus de 85 %). « La hausse des atteintes enregistrées s'inscrit dans un contexte particulier d'amélioration de l'accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie, de nature à favoriser le dépôt de plainte : mise en place de « référents accueil » dédiés dans les commissariats et gendarmeries, formations spécifiques dispensées aux personnels », explique le communiqué du ministère de l’Intérieur.

Trop peu de plaintes

Le rapport du SSMSI souligne clairement que les atteintes anti-LGBT+ font rarement l’objet d’un dépôt de plainte auprès des services de sécurité. Ainsi, les statistiques issues des enregistrements réalisés par les services de police et de gendarmerie nationales ne couvrent qu’une faible part des faits réellement commis car la très grande majorité des victimes d’actes à caractère anti-LGBT+ ne portent pas plainte. En effet, selon l’enquête Cadre de vie et sécurité, sur la période 2012-2018, les violences à caractère anti-LGBT+ ont touché, en moyenne, chaque année, 7 000 victimes parmi les personnes âgées de 14 ans ou plus. Les menaces et les injures anti-LGBT+ ont concerné, en moyenne, chaque année, respectivement 25 000 et 160 000 personnes. Ces victimes sont majoritairement des hommes (près de sept fois sur dix pour les victimes de violences et les injures « anti-LGBT+ », près de 6 sur 10 pour les victimes de menaces). Ces victimes portent rarement plainte : 5 % pour les victimes d’injures à caractère « anti-LGBT+ » et 20 % pour les victimes de menaces ou violences à caractère « anti-LGBT+ » (moyennes sur la période 2012-2018).

Diffamations et injures

Plus de la moitié des actes anti-LGBT+ enregistrés sont des diffamations ou injures. En 2021, 34 % des crimes et délits à caractère anti-LGBT+ sont des diffamations ou injures (35 % en 2020) suivies des atteintes physiques non sexuelles (24 % en 2021 et 25 % en 2020). Plus d’un crime et délit anti-LGBT+ sur cinq est une menace : 22 % en 2021 (20 % en 2020). Sur le champ des contraventions enregistrées par la police et la gendarmerie nationales, les injures et diffamations représentent plus de 90 % des contraventions en 2021 (en 2020 également).

Un phénomène à visage urbain

Une sur-représentation des atteintes commises est constatée dans les communes de plus de 200 000 habitants-es. En 2021, l’agglomération parisienne concentre 20 % des atteintes anti-LGBT+ enregistrées par les services de sécurité alors que sa population représente 16 % de la population totale ; les communes de 200 000 habitants-es et plus (hors agglomération parisienne) concentrent 34 % des actes anti-LGBT+ en 2021 (25 % de la population). Les communes rurales demeurent très sous-représentées parmi les actes anti-LGBT+ enregistrés en 2021 : la part des atteintes dans ce type de communes est de 11 %, ce qui est nettement plus faible que leur part dans la population totale (22 % au 1er janvier 2021). La répartition des atteintes dans les autres types d’unités urbaines est proche de celle de la population totale, explique le rapport du SSMSI. L’analyse de la répartition territoriale des crimes et délits « anti-LGBT+ » doit être effectuée avec précaution. En effet, les disparités observées peuvent dépendre des différences de comportement de dépôt de plainte pour ce type d’atteintes selon le type d’unité urbaine. En 2021, le taux moyen d’enregistrement d’atteintes à caractère anti-LGBT+ est de de 5,6 atteintes enregistrées pour 100 000 habitants-es en France. Les taux les plus élevés sont enregistrés dans les régions Hauts-de-France (7,6), Occitanie (6,6) et Île-de-France (6,4). La Bretagne et les Pays de la Loire enregistrent les taux les plus bas (respectivement 3,5 et 3,6 atteintes pour 100 000 habitants-es). Les départements et régions d'outre-mer enregistrent un taux inférieur à la moyenne nationale : 4,2 atteintes « anti-LGBT+ » pour 100 000 habitants-es.

Crimes et délits sur la place publique

Les crimes et délits anti-LGBT sont principalement commis dans la rue ou dans des lieux ouverts au public, note le rapport du SSMSI. S’agissant plus particulièrement des victimes de crimes et délits  anti-LGBT+ enregistrées, près de la moitié (47 %) les ont subis dans des lieux publics : 31 % sur la voie publique, 9 % dans des lieux ouverts au public et 7 % dans des services publics. Cependant, en 2021, dans le contexte du prolongement de la crise sanitaire, près d’un quart des atteintes (24 %) se sont déroulées dans des habitations individuelles ou collectives, contre 20 % avant la crise sanitaire. La part des victimes de crimes ou délits anti-LGBT+ commis via les réseaux internet ou téléphoniques est stable en 2021, par rapport à 2020 (9 %).

Plus de victimes chez les jeunes et les hommes

Selon les données enregistrées par la police et la gendarmerie : 60 % des victimes de crimes et délits anti-LGBT+ ont moins de 35 ans, dont 28 % entre 15 et 24 ans, et 26 % entre 25 et 34 ans, alors que ces tranches d’âges ne représentent chacune que 12 % de la population. Pour autant, toutes les tranches d’âges sont concernées par les actes à caractère anti-LGBT+, pointe le rapport du SSMSI. Par ailleurs, les crimes et délits à caractère anti-LGBT+ touchent majoritairement les hommes (proportion qui oscille entre 72 et 76 % entre 2016 et 2021). Sur le périmètre restreint des contraventions enregistrées par les seuls services de la police nationale (soit 50 % des contraventions), les victimes d’atteintes anti-LGBT+ sont également majoritairement des hommes (73 % en 2021) et plutôt jeunes (37 % ont moins de 30 ans, 70 % ont moins de 44 ans).

L’enquête Cadre de vie et sécurité
L’enquête Cadre de vie et sécurité est une enquête nationale de « victimation », représentative des personnes âgées de 14 ans ou plus résidant en ménage ordinaire en France métropolitaine qui vise à connaître les faits de délinquance dont ces personnes ont pu être victimes, qu’elles aient ou non porté plainte devant les services de sécurité. Elle complète les données issues des services de police et de gendarmeries nationales, explique le ministère de l’Intérieur. Dans l’enquête Cadre de vie et sécurité, toutes les victimes d’injures, de menaces et de violences (hors contexte de vol et commises par une personne qui n’habite pas avec elles au moment de l’enquête) sont interrogées sur les circonstances de l’incident le plus récent qu’elles ont subi. Elles peuvent notamment faire état du caractère « anti-LGBT+ » des faits. En raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, l’enquête Cadre de vie et sécurité n’a pas pu être menée à bien par l’Insee en 2020 (sur les atteintes subies en N-1 donc en 2019) et par conséquent, les indicateurs présentés ici n’ont pas pu être actualisés depuis la précédente contribution. Néanmoins, il s’agit là de statistiques structurelles estimées en moyenne sur une période de temps relativement longue et qui conservent une certaine stabilité.