Autotest : un autre dépistage est possible !

Publié par jfl-seronet le 09.05.2012
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L’association Warning a mis en ligne il y a quelques semaines le premier site d’information sur le dépistage du VIH, et plus particulièrement les autotests et leur actualité. Quels sont les objectifs de ce site baptisé www.autotestvih.info ? Nicolas Charpentier, militant de Warning, qui en assure l’animation répond à Seronet.
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Au regard de la complexité de la prévention, de la réduction des risques, de leurs enjeux... il peut paraître surprenant de créer un site d'information et de débat sur un sujet unique comme les autotests. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Bien entendu, il ne s'agit pas de rompre avec l’enjeu que représente la prévention combinée. La question du dépistage, au plus proche de la réalité de chacun, ne peut se dissocier des connaissances que chacun a de l'épidémie et de l'infection à VIH, de la palette d'outils à disposition pour réduire les risques et là je pense au gel, aux préservatifs masculins comme féminins, aux gants, au traitement d'urgence, au TASP ou traitement VIH comme prévention quand il est pris par les personnes séropositives ou encore la recherche sur la Prep pour les séronégatifs. L'autotest VIH n'est jamais qu'une manière de proposer le dépistage du VIH. Sa caractéristique étant l'usage autonome des tests eux-mêmes et donc leur lecture ou interprétation. Alors pourquoi un site uniquement sur les autotests ? Parce qu’il ne s'agit pas ici de défendre la place du dépistage dans la prévention combinée, mais plutôt de questionner la place de l'autotest dans les stratégies de dépistages. Aujourd'hui, personne ne remettrait en question l'usage des autotests de grossesse (enfin si, mais il s'agit des mêmes qui remettent en question la contraception, l'avortement, etc.) et pourtant il est extrêmement difficile d'établir une discussion sur le fait de faire soi-même son test du VIH. A l'heure où le dépistage est le maillon essentiel de la stratégie de prévention, où que nous soyons sur le globe, il n'est plus acceptable de se voir opposer une fin de non recevoir sur la question de l'introduction des autotests dans la lutte contre le sida alors que les personnes concernées s'en soucient déjà et que le monde de la recherche planche sur la question. Il nous semblait nécessaire de rendre publique le débat, de l'ouvrir pour chacun et chacune, d'informer sur l'état des connaissances et de la recherche. Faisons aussi un parallèle assez simple, certains couples séro-différents n'ont pas attendus la recherche sur la Prep pour l'expérimenter, certaines personnes ayant un accès difficile et contraint au dépistage n'ont pas attendu la recherche sur les autotests pour en commander sur Internet.

La légalisation de la vente d'autotests VIH est-il le principal objectif de ce site ? Ce site a-t-il d'autres objectifs ?
Bien entendu, non ! Le faisceau d'évidences dans l'utilisation autonome des tests VIH, les recherches sur son acceptabilité et sa faisabilité, la demande, la disponibilité de produits efficaces et adaptés, convergent vers cette légalisation. Mais sous quelle forme, pour qui, où et dans combien de temps ? Voila bien des inconnues aujourd'hui. Alors comme nous l'avons évoqué précédemment ce site a d'autres objectifs que la légalisation des autotests, il est là pour informer, échanger et exprimer des points de vue, témoigner, et même réduire les risques liés au mésusage de tests achetés sur Internet dont la qualité n'est absolument pas garantie.

Dans la présentation que vous faites du site, vous indiquez que l'offre de dépistage a connu des signes d'évolution forts, notamment une offre plus proche des communautés. Pour autant, la création même de ce site montre que vous considérez l'offre actuelle, y compris la plus récente, insuffisante. Est-ce le cas ? Et qu'est-ce qui permet de dire cela ?
L’offre de dépistage actuelle est bien entendu insuffisante, mais attention à ne pas mal interpréter ces propos. Nous ne pensons pas que l'offre actuelle n'est pas efficace, bien au contraire. Nous observons que le niveau de l'épidémie cachée, à savoir les personnes séropositives qui ignorent leur statut sérologique est importante, environ 30 000 personnes en France et sont à l'origine d'une part importante des nouvelles infections. La stratégie publique de dépistage a déjà intégré cela en expérimentant et en promouvant le dépistage communautaire, tel qu'il est mis en œuvre à AIDES, par exemple. Mais d'autres stratégies peuvent y être accolées pour agir sur l'accessibilité du dépistage, parlons justement du dépistage à domicile pratiqué dans certains pays où le dépistage est proposé en porte à porte, parlons du dépistage de masse avec des campagnes nationales où l'on voit des dizaines et des dizaines de personnes faire la queue et attendre leur tour pour un dépistage GRATUIT. Alors pourquoi ne pas voir à côté de tout cela l'autotest VIH, d'autant plus que certains l'utilisent déjà ?

Quels sont les facteurs qui, selon vous, expliquent que la vente d'autotests VIH demeure interdite ?

La vente d'autotests VIH n'est d'abord pas interdite partout. Il existe des pays où les législations sont moins contraignantes et permettraient leur vente, c'est le cas par exemple de l'Afrique du Sud. Il s'agit là d'une absence de volonté. Prenons le cas de la France, la vente de dispositifs médicaux de ce type est interdite à la vente au grand public, la loi ne le permet tout simplement pas. Comme l'ont souligné des comités consultatifs, comme le Conseil national du sida en France (CNS) ou la Commission fédérale pour les problèmes liés au sida en Suisse, la mise à disposition d'autotests n'était pas vue jusqu'à maintenant comme prioritaire. Le CNS s’est prononcé à deux reprises contre les autotests. Ne serait-il pas pertinent aujourd’hui qu’il se questionne de nouveau sur ce sujet ? Warning le souhaite vivement. Le changement de paradigme dans la lutte contre l'épidémie nous conduit aujourd'hui à remettre en débat cette mise à disposition et pour cela il faudrait saisir de nouveau ces comités à la lumière des connaissances, des besoins et des demandes actuelles. La lutte contre le sida doit rester un lieu d’innovation et nous avons là une très bonne occasion.

Dans votre présentation, vous indiquez que l'autonomie dans le dépistage, son individualisation peut avoir indirectement un effet sur la place des séropositifs dans la société. Pouvez-vous expliquer en quoi ?
Aujourd'hui, les personnes séropositives vivent. Le VIH des années 80-90 est révolu et pourtant les représentations sont encore préjudiciables pour les personnes concernées. On a peur des personnes séropositives car on a peur du sida. Certains ont peur de faire le test car ils ont peur du sida et de devenir un de ces séropositifs qui va maigrir, prendre un traitement à vie avec des effets insupportables, devoir se cacher car cela est inavouable, etc. Mais non ce n'est pas cela, nous avons besoin de savoir ce qu'est le VIH et le vivre avec le VIH en 2012, ici comme ailleurs, pour mieux le combattre. Au niveau individuel comme collectif cela passe d'abord par connaître son statut sérologique, et pour ceux qui prennent des risques, connaître leur statut sérologique le plus régulièrement possible. Normaliser l'acte de dépistage, c'est aussi accepter la vie de chacun et en finir avec ces jugements des bons contre les mauvais, les "safe" et "sains" contre les "méchants séropositifs barebackers", les hétéros contre les homos, les homos assumés contre ceux qui ont des pratiques entres hommes et qui ne lisent pas le magazine gay en vogue. Le combat est contre un virus non contre le style de vie des uns et des autres.

Outre la légalisation de la vente d'autotests VIH. Quels seraient, selon vous, les signes de réussite de cette initiative ?

Il ne faudra pas s'attribuer la légalisation des autotests VIH, car d'autres en parlent et œuvrent déjà à son évaluation, à son avenir dans un souci de mieux lutter contre le VIH. En d'autres termes, la légalisation arrivera sûrement et c'est comme ça ! En revanche, ce qui sera une réussite pour notre initiative c'est si l'autotest VIH trouve une place dans le débat public, non pas pour attiser les peurs les plus revêches comme le test à l'insu, les suicides induits, la dépossession des personnels médicaux de cet outil d'intervention en santé, pour en faire une vraie perspective de lutte contre le VIH, dans une échéance la plus courte possible et avec la plus grande mobilisation de toutes celles et tous ceux qui sont concernés. Si ce site libère un peu la parole, notamment de ceux qui utilisent eux-mêmes les tests, pour le partager, l'expliquer. Si ce site permet à ceux qui y pensent d'être informé sur la mauvaise qualité de l'offre en ligne et se faire une idée plus précise de la recherche menée actuellement, notre initiative sera une réussite.