Autotests : l'UMP relance le débat

Publié par jfl-seronet le 03.12.2008
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préventionautotest
Le 30 novembre, l'UMP a proposé la "mise en vente libre des kits de dépistage du sida". Selon l'UMP : "La mise en vente libre d'autotests constituerait un outil de prévention efficace" face à l'épidémie de VIH/sida. Cette initiative a ouvert un débat animé car les autorités de santé et certaines personnalités y sont opposées. Explications.
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On peut  faire pas mal de reproches à l'UMP (les franchises pour n'en citer qu'un), mais on doit bien reconnaître que la formation majoritaire a le sens du timing. En témoigne l'annonce, la veille du 1er décembre, d'une proposition inattendue concernant le VIH/sida : "la mise en vente libre des kits de dépistage".

Membres de la majorité, le Pr Philippe Juvin, secrétaire national de l’UMP, et Michel Hannoun, président de la Fédération UMP des métiers de la santé, commencent d'abord par féliciter le projet d'expérimentation des tests rapides initié par AIDES et piloté par l'ANRS. C'est le minimum syndical car le projet est soutenu avec force par Roselyne Bachelot, ministre (UMP) de la Santé. Après le compliment vient le tacle. "Cette expérience est totalement insuffisante. Il faut immédiatement mettre en vente libre les kits de dépistage du SIDA", avance ainsi Philippe Juvin. "36 000 personnes ignorent aujourd’hui leur séropositivité. Face à cette épidémie, la mise en vente libre d'autotests constituerait un outil de prévention efficace. Ces tests de dépistage rapides sont extrêmement faciles à utiliser. Ils permettent, en prélevant simplement une goutte de sang au bout du doigt, de savoir en une demi-heure si l’on est contaminé ou pas", explique ce dernier.

Pour l'UMP,  il est "incompréhensible" d'interdire aux Français d’effectuer eux-mêmes les tests pour le sida alors qu'on les incite "à faire preuve de plus d’autonomie et de responsabilité dans la gestion de leur santé." "Au motif qu’il faudrait absolument un avis médical, certains s’opposent à cette vente libre. Mais qui peut croire un instant qu’un utilisateur se découvrant séropositif après un autotest n’ira pas consulter ?
Aujourd’hui, cet excès de prudence tue !", tonne l'UMP.

La mèche est allumée. Il reste à attendre les premiers retours. Ils ne tardent pas. D'une célérité plutôt inédite, le Conseil national du sida dégaine parmi les premiers. Dès le titre du communiqué "Dépistage et auto test : une fausse bonne idée", le ton est donné. Bien sûr, histoire de ne pas être complètement désagréable, le CNS affirme qu'il y a bien "urgence" à "faire évoluer le dispositif de dépistage de l’infection à VIH en France", mais pas comme ça.
Le CNS est d'accord sur le constat : "Le dépistage doit être optimisé" parce que la "découverte tardive de l'infection a des conséquences néfastes sur l’espérance de vie et l'ignorance du statut peut favoriser les transmissions", mais pas sur la méthode proposée.

"En dépit de son bon sens apparent, la proposition de l’UMP de mise à disposition des auto
Tests (…) ne répond pas aux besoins." Le CNS considère que "la banalisation de la proposition du test lors des contacts avec un médecin semble plus pertinente". De même, il est plus intéressant d'avoir une "offre de tests rapides aux urgences". Autre argument du Conseil national du sida, il est mieux de proposer des tests rapides par des associations "du fait de leur bonne connaissance du milieu dans lequel vivent les populations les plus exposées au risque de transmission." Le CNS avance aussi l'idée que l'auto-test ne répond pas à l'enjeu du lien entre le test et le soin. Pour faire simple, ce n'est pas parce que les gens feront le test qu'ils iront se soigner s'ils s'avèrent séropositifs. Enfin, le CNS avance l'argument que les autotests "pourraient être utilisés avant une relation sexuelle afin de justifier le non usage du préservatif." Une idée qui, selon le CNS, aurait déjà été "reprise par des groupes prônant les relations sexuelles non protégées." Evidemment, le courage du CNS ne va pas jusqu'à dire qui est concerné par cette formule aussi inélégante que cryptée.

Directeur général de la santé, le Pr Didier Houssin rejette lui aussi la proposition de l'UMP : "L'autotest n'est pas la méthode la plus appropriée". Il estime que le dépistage ne doit pas être "déconnecté d'un message d'information et de prévention". Selon lui, si le dépistage était opéré "de façon déconnectée d'un conseil", on pourrait "arriver au résultat inverse de celui qu'on souhaite". Un avis que partage Jean-Luc Romero, président d'Elus locaux contre le Sida et membre du Conseil national du sida (CNS) qui considère que "permettre à chacun de se tester seul sans conseils et sans un entourage minimum en cas de test positif est dangereux et constitue une mauvaise réponse à l'actuelle nécessité qu'un maximum de Français ayant une vie sexuelle se dépistent". Récemment interrogé sur le chat du Monde, le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida, n'est pas non plus très enthousiaste : "Le dépistage par autotest à la maison n'est pas recommandé, en raison des conséquences psychologiques qu'il pourrait y avoir au moment d'un résultat positif. Les tests rapides disponibles sur Internet ne sont pas tous fiables et ne sont pas recommandés."

Les réactions à la proposition de l'UMP ne sont pas toutes critiques. Ainsi, l'association Warning demande, de son côté, "une évaluation rapide puis l’accès libre de kits de dépistage VIH et IST remboursés !" Ceux-ci, officiellement évalués puis approuvés par les autorités de santé, pourraient être vendus en pharmacies. L'association s'en explique d'ailleurs sur son site. Pour Warning, il n'en demeure pas moins que "la vente libre de kits d'autotests en France n'est pas une découverte de l'UMP, cela fait même plusieurs années que la question est évoquée." Reste que pour l'association, la réaction "frileuse et idéologique" du CNS ne passe pas. Warning conteste ainsi l'argument qu’oppose le CNS aux autotests, comme quoi le "fait de connaître son statut ne s'accompagne pas nécessairement d'un recours aux soins". "Actuellement, on estime que la moitié des contaminations ont lieu avec des personnes en primo-infection ne connaissant pas leur statut sérologique, rappelle l'association. Favoriser la diffusion à faible coût des auto-tests pourrait permettre à ces personnes de prendre conscience de leur situation et d'utiliser des préservatifs. Ainsi l'autotest est un outil intéressant en prévention pour ceux et celles qui n'utilisent pas toujours le préservatif." Enfin, pour être complet, il faut noter que de nombreux sites proposent des forums sur la question des autotests et si leur éventuelle mise sur le marché serait éthique ou non ?

Commentaires

Portrait de alejandro

c'est qu'il faut éviter qu'une personne ne se trouve en état d'isolement, et donc de vulnérabilité, face à la découverte de sa séropositivité, nouvelle toujours très traumatisante et déstabilisante psychologiquement (j'en sais quelque chose pour l'avoir vécu ! et l'auteur de ce billet ??) ; il est important de donner une information et de rassurer les personnes... bref, tests rapides oui, c'est utile et il faut les développer avec un accompagnement ; autotests, non, il y a un danger d'effets pervers (à mon avis) (nb : qu'y-a-t-il d'inélégant dans "reprise par des groupes prônant les relations sexuelles non protégées." ??? C'est bien la définition de la réalité à laquelle il est fait allusion... non ? Aides qui prône la prévention en façade dans les JT semble prôner sur seronet le bareback : est-ce bien cohérent ???)
Portrait de alejandro

quand ils disent : "Mais qui peut croire un instant qu’un utilisateur se découvrant séropositif après un autotest n’ira pas consulter ? " mais il y a fort à parier que nombreux seront celles et ceux qui justement n'iront PAS consulter... avec des conséquences médicales et psychologiques catastrophiques... bref : le CNS et Romero ont RAISON (à mon avis)
Portrait de skyline

Dire que les gens de vont pas consulter après un autotest est a proprement parlé de la spéculation ! Ca ne repose sur rien d'objectif. Et puis, combien de personne ? Pensez-vous que toutes les personnes qui apprennent leur séropositivité après un test classique en CDAG ou en labo vont consulter ? Si oui, vous devriez lire le dernier bulletin de l'InVS qui explique que les cas de sida aujourd'hui répertoriés sont le fait de personnes ignorant leur séropositivité ou qui n'ont jamais voulu se faire suivre... Qu'est-ce qui empêche d'accompagner ces autotests des informations pertinentes : c'est quoi le VIH, quels traitements, liste des hôpitaux pour le suivi et les soins, etc. En France, les experts préfèrent infantiliser les gens, trop fragiles psychologiquement ou trop bêtes pour prendre soin d'eux et des autres, trop irresponsables en fait. Ainsi, sous prétexte qu'une minorité de personnes n'iraient pas se soigner, on refuse d'expérimenter un outil alternatif de dépistage, alors que 36 000 personnes ignorent leur séropositivité. Si on peut réussir à en toucher 5 000 avec les autotests, ça vaut pas le coup ? Je suis tellement abasourdi par la haine et les procès d'intention qui transpirent du CNS ; et pourtant, je suis loin de partager les orientations politiques de l'UMP.
Portrait de alejandro

je pense que le fait d'apprendre sa séropositivité n'implique pas forcément la décision d'aller consulter...tout dépend du rapport de confiance établi avant entre la personne et le corps médical et souvent ce rapport de confiance est inexistant... ira-t-on consulter si on n'a pas confiance dans les médecins ? je ne le pense pas... 

je pense qu'un accompagnement de cette annonce est nécessaire et primordial pour certaines personnes car elle peut avoir des effets psychologiques dévastateurs ; c'est pour ça qu'il me semble que mettre ces auto-tests en libre accès complètement ouvert peut s'avérer contreproductif 

après un test en CDAG, il y a au moins eu un entretien approfondi et des conseils, après évidemment libre à chacun de les suivre ou non ; à mon avis une information simplement écrite accompagnant l'auto-test ne sera jamais aussi efficace qu'une information donnée de personne à personne... le contact humain c'est quand même essentiel en la matière ! en ce qui me concerne, c'est mon médecin qui me l'a apprise, et l'idée d'apprendre ma séropositivité par un test froid, par une machine, sans aucune présence humaine, me glace le sang

(je ne vois pas de "haine" dans les propos du CNS mais bon question de point de vue ou de sensibilité personnelle ?) 

Portrait de nikita

et j'adhère complètement aux divers commentaires.

Séro+ depuis 10 ans, j'étais accompagnée par le 'transmetteur' et ai pu parler avec quelqu'un sitôt le résultat su.

Mon problème a été l'attente de plus de 8 jours pour obtenir ce résultat. Sans en parler à personne.

Alors un test 'rapide' avec contact humain, je pense que c'est une très bonne chose.

Portrait de alejandro

nous sommes d'accord :-)
Portrait de Roy

Bonjour ALEJANDRO

 

Je te cite : " Aides qui prône la prévention en façade dans les JT semble prôner sur seronet le bareback : est-ce bien cohérent ???  ".

Je remarque que tu as pris la précaution de parler de - vraisemblance -.

Il n'en demeure pas moins qu'il serait intéressant que tu puisses citer des sources, au sein du site séronet, où animation ou administration prônerions le bareback.

Des débats sont ouverts sur l'utilisation du préservatif, le relapse, la RDR, la surcontamination. Des échanges de soutien existent aussi en particulier en direction des récemment contaminés... par les internautes.

Et après t'avoir remercié de ta contribution, je redonne volontiers le clavier aux membres de séronaute.

Portrait de alejandro

quand JFL a écrit :

"Une idée qui, selon le CNS, aurait déjà été "reprise par des groupes prônant les relations sexuelles non protégées." Evidemment, le courage du CNS ne va pas jusqu'à dire qui est concerné par cette formule aussi inélégante que cryptée."

j'ai interprété cela comme une défense du bareback, ce qui, si c'est le cas, est en contradiction totale avec le travail de prévention mené par aides en façade 

mais j'ai peut-être mal interprété ? la phrase prête au minimum à confusion

je ne vois rien d'inélégant dans les propos du CNS sur ce point