Avis suisse : “La satisfaction de ne pas me sentir dangereux !”

Publié par jfl-seronet le 12.08.2012
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Sexualitéhirschelavis suisse

Groupe atypique, les participantes et participants du groupe du Dimanche Kabola se réunissent chaque mois à Lille dans le territoire d’action de AIDES. En avril dernier, le groupe a partagé un repas, c’est de tradition, mais surtout des échanges sur l’avis suisse popularisé par Bernard Hirschel. Comment en ont-ils pris connaissance ? Qu’en font-ils ? Qu’a-t-il changé dans leur vie ? Opinions diverses et discussions animées. Seronet y était.

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Des courses, un peu de cuisine le matin, des plats africains soignés (aloco, mafé de poulet, manioc, etc.), de la bonne humeur, des discussions sur le sexe en guise d’apéro, un groupe solidaire, enjoué, bienveillant, chaleureux et dynamique… Il n’en faut pas plus pour que marche le Dimanche Kabola. Le repas pris, le thé à la menthe bu… Les participants se scindent pour faciliter les discussions à propos de Bernard Hirschel et de l’avis suisse. Une heure de discussion dont les conclusions sont remises au pot commun. "J’ai lu cette information. J’ai conclu comme un arrangement avec mon mari. Je prends le traitement pour la prévention", explique Annie. Dans son groupe, c’est elle, qui, la première, s’exprime sur les recommandations suisses. La discussion est animée. On y parle de l’info elle-même ; on explique comment on en a eu connaissance et surtout ce qu’elle a changé dans sa vie. "J’ai découvert l’info sur Internet, mais je n’étais pas trop convaincue parce que je lisais des choses contradictoires et que cela ne me rassurait pas. Par la suite, j’ai confirmé par des lectures et des discussions notamment à AIDES. J’ai aussi pensé à ce que j’avais observé dans le suivi des couples séro-différents en Afrique lorsque j’y vivais", explique Franck. Si l’avis de Franck sur les recommandations suisses s’est modifié. Il n’estime pas pour autant que cela ait amélioré quelque chose dans sa vie. "A quel moment peut-on être sûr de pouvoir dire à une personne qu’on a rencontré qu’on est séropositif ?", lance-t-il dans la discussion. Dans le groupe, on échange à partir des expériences respectives. "Il ne faut pas avoir honte de se dévoiler", lance un des participants. Pas si simple. "Cela peut bloquer moralement. Tu peux avoir peur des réactions de la personne… et même de la justice, explique Julien, un autre membre du groupe. C’est difficile de se mettre à la place d’une autre personne, d’imaginer comment elle peut réagir et ça, même si tu prends tes précautions". 


Qu’est-ce que ça change ?
L’avis suisse a-t-il changé quelque chose dans la vie des participants au Dimanche Kabola ? "Je suis content, explique Babacar. Je ne me sens plus dangereux alors qu’avant c’était le cas. Depuis qu’ils ont sorti cette bonne nouvelle, j’ai décidé de me mettre avec quelqu’un. Je fais attention. Je n’ai pas encore dit à ma compagne que je suis séropositif… Je voudrais qu’une ou deux personnes de l’association viennent pour me soutenir et m’aident à expliquer par A + B ce que sont les recommandations suisses et ce que dit la science"." Ça équivaut à un gain en durée de vie", explique Aissatou. Dans un autre groupe, une personne indique : "Ça m’a donné de l’assurance et aussi rappelé qu’il n’y avait pas d’obligation à dévoiler sa séropositivité". "Moi, ça m’a donné la satisfaction de ne pas me sentir dangereux", explique un participant. "Ça me dit que je suis apte à faire beaucoup de choses", répond en écho Brigitte. "Ça me donne une bonne image de moi… et je ne sens plus comme un pestiféré", affirme une autre personne. "L’avis ne change rien parce que je savais déjà, que je m’en doutais… ça vient juste confirmer mes idées", indique Akem. "Ça m’incite à aller vers les autres, à parler à mon entourage et aussi à faire gaffe à la banalisation", explique une autre personne. "Même si l’avis suisse dit qu’on ne peut pas contaminer autrui, ça ne change rien, pour moi, au fait de le dire. Et ça ne règle pas le problème de la stigmatisation, du rejet social". "L’étude est très bien", explique Daby. "Je me suis mis en tête qu’elle existe, mais je n’oublie pas pour autant le préservatif… J’ai compris que les études portaient sur des couples hétéros et je me demande si l’avis suisse est applicable chez les gays". "L’avis suisse… ça ne me tranquillise pas, aucun médecin n’en parle", lâche un participant.

Qu’est-ce que j’en fais ?
Un des problèmes vient sans doute de là. Qui transmet les informations sur les recommandations suisses et comment cela est-il fait ? Les participants du Dimanche Kabola ont eu les infos à des sources très différentes : articles sur Internet, interviews dans les journaux, discussions avec les associations. "Avant la publication des interviews d’Hirschel, les médecins ne voulaient pas en entendre parler, notamment par rapport à la procréation", se rappelle Fatou. "Aucun médecin ne m’en a parlé", confirme une autre personne. Elle a dû et pu en parler ailleurs. C’est d’autant plus un regret qu’une fois la nouvelle connue souvent les personnes en "font quelque chose" comme on dit. Et parfois même, elles l’ont fait, bien avant d’avoir entendu parler de Bernard Hirschel. Lors de la discussion, plusieurs personnes dans des couples séro-différents, qu’ils soient ou non stables, disent, en effet, ne pas avoir attendu cet avis pour ne plus utiliser le préservatif parce que leur charge virale est indétectable. Alors qu’en font les personnes… de cette info ? Là encore, les avis sont très variés. "Cela a renforcé mon observance", note un des participants. "Moi, ça m’a permis de rassurer l’autre et de renforcer l’estime de moi-même", indique une participante. "Cela m’a incité à continuer à me protéger et à protéger l’autre", indique une autre personne. Dans les discussions, on entend l’engouement des uns, la défiance des autres. "Pour moi, c’est le libre choix dans la prévention et je n’utilise plus le préso", indique une des personnes. "Je sais que c’est un outil de prévention efficace". "Moi, j’en fais pas grand-chose, j’ai peur d’un effet pervers. Pour dire les choses directement, je refuse de suivre Hirschel et pour moi le préservatif est toujours de rigueur". Reste que la discussion montre bien que pour nombre de personnes, il ne s’agit pas de se situer dans un simple pour ou contre… un peu comme s’il fallait choisir un camp, mais bien davantage d’avoir une présentation objective de ces recommandations, de ce qu’elles peuvent apporter, de leurs limites, de ce que dit la science… Des moyens d’éviter que l’information ne soit confisquée et des moyens surtout de pouvoir choisir pour soi, son couple…

Les prénoms ont été modifiés.
Remerciements tous particuliers à Dina, Aïcha et Nadia, territoire d’action de AIDES à Lille.

L’avis suisse
En 2008, le Bulletin des médecins suisses publie un avis à l’usage des médecins. Il sera popularisé par le professeur genevois Bernard Hirschel. L’avis explique : “Les personnes séropositives ne souffrant d’aucune autre MST [maladie sexuellement transmissible, ndlr] et suivant un traitement antirétroviral efficace, ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle”. Cette déclaration définit trois critères pour un risque estimé comme étant inférieur à 1 sur 100 000 : une charge virale indétectable depuis 6 mois, une observance parfaite des traitements anti-VIH, et l’absence de maladies sexuellement transmissibles.

On passe aux aveux !
Avouer. "Avouer sa séropositivité". La formule est sortie très souvent au cours des échanges. Elle a surpris, choqué, fait rire lorsqu’elle revenait comme par réflexe, agacé aussi. Certains lui préférant le terme "Dévoiler"… Elle a surtout permis d’ouvrir la discussion sur le fait de pouvoir dire librement qu’on est séropositif, qu’il n’y a pas de "honte à avoir". La formule a aussi permis de voir s’il y avait un effet de l’avis suisse sur la dicibilité, si cela renforçait l’estime qu’on peut avoir de soi, si cela facilite le passage de "l’aveu" au "dévoilement" puis au fait de dire, tout simplement, sa séropositivité. Là encore, les avis sont partagés. Mais les participants sont convenus que le temps n’était plus aux aveux.

2040 : le début de la fin ?
Pas toujours facile de se projeter, surtout dans 30 ans ! Alors lorsqu’on évoque la fin de l’épidémie en 2040, il y a de l’incrédulité, de l’espoir, des idées et des avis… tranchés. "C’est peut être possible si le dépistage est plus important et lié à une mise sous traitement des personnes qui en ont besoin", explique un participant. "Pour moi, c’est assez utopique ! Je pense plutôt que la solution réside dans la recherche d’un vaccin curatif et d’un vaccin préventif", explique un autre. "On peut prévoir la fin de l’épidémie… peut-être en Europe… mais en Afrique le problème est loin d’être réglé. Il y a la pauvreté et il n’y a pas de vraie politique de santé… sans parler des conditions de vie et dans certaines zones de la guerre et des viols". "Moi, je crois toujours que le sida est la maladie du XXIe siècle et qu’on finira par trouver un médicament. Je veux croire qu’on trouvera un vaccin", explique Chantal. Daby aime cette idée de la fin de l’épidémie. Il la trouve crédible techniquement avec une offre de dépistage qui permette à chacun de connaître son statut sérologique et un accès aux traitements généralisé : "Mais 2040, franchement, c’est trop juste !"

Commentaires

Portrait de KRIS3

Encore un sujet explosif !!!...ou un pétard mouillé?....éteint à coup de lance incendie ???....oui , mais alors par qui ??? Voilà bien toutes les questions que je me pose ! Comme tous ceux qui sentent la différence entre le port du préservatif et le non-port du préservatif , nous savons qu'il y a une évidence de différence de sensation et de plaisir ! Point n'est besoin de se le cacher ! Sachant cela , il appartient à chaque homme et chaque femme aujourd'hui de savoir comment vivre sa sexualité ! Mais nous avons aujourd'hui cette nouvelle (2008) information , le rapport Hirschel ! Qu'en faire ? Personnellement , cela me permet de penser que je minimise les risques de contaminer mon partenaire ! cela me motive d'autant plus à respecter l'observance qui est la mienne , bien qu'avec mes problèmes d'adaptation aux traitements précedents , je ne risque pas de faire un quelconque écart ! Je crois , que cette information est une opportunité de faire prendre conscience aux séropositifs qui ne sont pas encore testés , qu'ils ont la possibilité de faire partie de la limitation de la contamination ! Savoir que l'on peut ne pas contaminer , permet de moins culpabiliser et de ne plus mener au sentiment de ''je m'en foutisme'' et de fatalisme qui envahit tous ceux qui ne portent pas de préservatifs et ne veulent pas savoir s'ils sont séropositifs ! De plus et enfin , tant que ce rapport ne sera pas connu du grand public , la culpabilité planera encore et toujours sur la tête de tous les séropositifs et la société condamnera encore et toujours ! MAIS ! si ce rapport n'est pas connu et reste au fond des tiroirs des médecins , n'est ce pas du au fait que l'information puisse être mal interprétée et renvoie à une autorisation de ne plus porter de préservatifs validé par la médecine ? Les médecins ne veulent pas prendre cette responsabilité ! Je pense que les associations SE DOIVENT de faire connaître cette information auprés de tous , afin de ramener les inconscients qui ne font pas attention à leur santé et à celle des autres !!!

Je crois que je vais en parler avec mon infectiologue M.Lafeuillade , je verrai bien ce qu'il en pense!

Bon été ! 

Portrait de into the wild

en effet kris3 nous sommes beaucoup moins contaminant,certains avancent meme que, plus du tout contaminant si tres observant si indetectable si pas de mst "le risque zero n'existe pas" continue quand méme de planer sur ce rapport j'avance ou tu recules, comment veux tu ,comment veux tu...
Portrait de KRIS3

 et c'est surement pas toi qui ....trouvera la solution ! et le rapport Hirschel alors pour toi c'est de la merde ? c'est ça ?

into the wild wrote:
en effet kris3 nous sommes beaucoup moins contaminant,certains avancent meme que, plus du tout contaminant si tres observant si indetectable si pas de mst "le risque zero n'existe pas" continue quand méme de planer sur ce rapport j'avance ou tu recules, comment veux tu ,comment veux tu...
KRIS3

Portrait de into the wild

pour la serenité du debat kris3 me demande(un peu énervé et en mp) de preciser publiquement que le "tu avances ou tu recules" ne lui etait pas adressé,ce qui me semblait evident voila c fait bonne fin de journée kris3
Portrait de serosud

..."j'avance ou tu recules"...c'est très imagé, en effet, pour parler de l'éternel débat que suscite le rapport d'Hirschel. Je n'y ai vu aucune agressivité de la part d'ITW.......d'ailleurs, je n'ai pas souvenir de l'avoir lu une seule fois agressif......mais passons !

Bises à vous deux..

Dans les années 2000, courraient des bruits de couloir, de couples séro-différents ayant eues des enfants.......sans que ni la mère, ni l'enfant ne soient contaminés.

En 2005, mon ex-épouse ayant un désir d'enfant, j'en touchait deux mots à mon infectio, qui m'orienta vers les services de Procréation Médicale Assistée.........après trois échecs, nous avons donc décidé de procréer naturellement.....en 2006 est née notre enfant, en parfaite santé, tout comme sa maman.

En 2008, le courageux rapport d'Hirschel est venu confirmer ce qui se disait tout bas !

Le risque zéro, j'en ai parlé, il y a encore peu de temps avec mon doc, qui me dit : il y a toujours un risque, mais pas plus qu'en traversant dans les passages cloutés.

Bises..