À bas Onusida ?

Publié par Costa le 19.06.2008
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OnusidafinancementAfrique
Onusida est dangereux pour les systèmes de santé et perturbe leurs financements, Onusida devrait s’arrêter immédiatement : dans un article paru début mai dans le British Medical Journal (BMJ), Roger England n’a pas mâché ses mots pour demander de mettre un terme au Programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida.
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Soulignant que le sida est à l'origine de 3,7% de la mortalité dans le monde, mais qu'il bénéficie de 25% de l'aide en santé et d'une part importante des dépenses locales, le président du Health Systems Workshop* estime, dans son article, que le sida n'a pas été la grande catastrophe qu'on nous avait prédite puisque les décès annuels liés à cette maladie dans le monde sont aussi nombreux que les décès d'enfants de moins de 5 ans en Inde sur la même période. Et de poursuivre : des milliards de livres sterling ont été engloutis par les commissions nationales contre le sida et utilisés à financer d'obscures disciplines ou projets, au lieu de renforcer les systèmes de santé en général ou de financer des interventions plus efficientes pour d'autres maladies comme la pneumonie et le diabète qui tuent plus.

Alors qu'Onusida appelle à augmenter son budget à 42 milliards de dollars d'ici 2010 et 54 milliards d'ici 2015, mieux vaudrait ainsi, selon England, améliorer l'ensemble des systèmes de santé et par exemple doubler le salaire des acteurs de santé en Afrique subsaharienne. Cet position est notamment soutenue par le ministre de la Santé du Mozambique qui estime que de nombreux pays n'ont pas besoin de fonds spécifiques pour le VIH, la malaria ou la tuberculose mais d'abord de fonds pour renforcer leurs systèmes de santé afin de pouvoir faire face de manière efficace à toutes sortes de maladies. Ceci permettrait également d'éviter d'accroître le risque de stigmatisation des personnes atteintes créé par cette exceptionnalité ou la création de lieux spécifiques de prise en charge.

 

 

Du passé faisons table rase
Pour Roger England, Onusida ferait donc mieux de s'arrêter parce que son mandat est incorrect et dangereux pour confier ses missions à l'OMS, qui les équilibrerait par rapport aux autres maladies. Comme un relent de retour en arrière...


Comme le rappelle dans sa réponse Paul De Lay, directeur du suivi et des politiques d'Onusida, England ne pourrait pas faire pire qu'en affirmant que l'épidémie de sida n'est qu'un autre problème de santé. Avec plus de 60 millions de personnes contaminées depuis l'apparition du virus, 25 millions de morts et une épidémie continue à devancer la réponse, le sida reste, en effet selon lui, une urgence réclamant une réponse sans précédent.


Une épidémie qui ne relève pas clairement de la santé mais recouvre différents domaines comme l'éducation, l'emploi, les législations... et implique des questions sensibles comme la sexualité, l'inégalité des genres, la prostitution, l'homosexualité, l'usage de drogues, la stigmatisation ou la discrimination. Et c'est précisément pour cela qu'a été créé Onusida.

Si les fonds dédiés à la santé publique restent désespérément insuffisants, Paul De Lay conclut en soulignant qu'en 2006, l'ensemble des ressources disponibles pour la santé publique dans les pays à faible et moyen revenus était estimé à 644 milliards de dollars, dont 1,4% pour le VIH. Dont acte.
Quant à juger Onusida sur son efficacité dans la lutte contre le sida, c'est un autre débat...

Sitôt paru, l’article d'England a suscité nombre de réactions, sur le site du BMJ ou sur e-med, un forum interactif des acteurs de santé du Nord et du Sud (www.remed.org). Florilège.

L'Onusida a été utile, d'abord pour le droit des malades, l'accès aux soins en particulier et également pour les soins. La nécessité de travailler sur l'ensemble du système de santé renvoie d'abord aux cloisonnements entre les différents programmes de coopération dans le domaine de la santé, pas seulement à l'Onusida !

l'Onusida a activement milité pour promouvoir l'accès aux soins, faire du sida une priorité dans des pays pas très motivés sur cette question et dont les sociétés civiles n'étaient pas suffisamment fortes pour pouvoir espérer infléchir seules leur gouvernement. Cela n’aurait été possible sans une agence dédiée. Discutons, critiquons, réformons, mais évitons le dogmatisme !

* Health Systems Workshop est une agence de conseil se déclarant indépendante des Nations unies et d'autres intérêts qui milite notamment pour la promotion des systèmes de santé dans les pays pauvres et l'adoption de mécanismes innovants de financement.