Bobigny : la maire défend l’Humain d’abord

Publié par jfl-seronet le 02.08.2013
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Mode de viebanlieue

Il y a bien sûr eu les formules rituelles, point de passage obligé lorsqu’on est l’hôte, mais c’est surtout le contenu militant voire nettement politique des discours de Catherine Peyge, maire (PC) de Bobigny, qui a pu marquer les participants au Congrès de AIDES qui s’est déroulé fin juin à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. La maire de la ville y a prononcé deux discours aux accents politiques, préoccupés par les enjeux de santé en banlieue. Extraits.

Catherine Peyge a ainsi insisté, dans son mot d’accueil aux congressistes, sur la "solidarité de lutte, de combat (…) une solidarité qui vise à réaliser le bien le plus précieux : l’Egalité". Cette intervention visait aussi à replacer quelques éléments de la lutte contre le sida. "Une lutte, qui a des résultats que nous aurions pu penser impossibles", explique-t-elle. "Quand, il y a quelques décennies des délirants grotesques prévoyaient l’extinction du genre humain, en diabolisant un reflet odieusement déformé de la Liberté, ce bien, que parait-il, disaient certains à l’époque, il n’est pas bon de mettre entre toutes les mains et qui serait fatalement payé au prix fort. Il a fallu, avec d’autres mouvements divers et décidés, avec des personnes engagées du fait de la gravité de la situation, combattre l’obscurantisme moralisateur, outil de tous les dénis".

Face aux militants de AIDES, la maire de Bobigny a expliqué : "Que vous veniez ici, en Seine-Saint-Denis, dans la ville préfecture, réfléchir à la prévention, au diagnostic, aux soins et à la manière de vivre, longtemps, avec une vie de qualité, une vie pleine, ouverte sur le monde est aussi une façon d’alerter, de remettre les idées reçues en place (…) Merci d’œuvrer sans cesse pour l’EGALITE, qui est la seule façon de mettre à mal la domination, qu’elle soit celle d’une ordre dit naturel, celle d’un ordre dit divin, dans les deux cas, d’un ordre du mépris (…) Vous aurez à travailler dans un contexte français très particulier, fait de belles avancées comme le mariage pour tous, mais aussi dans un climat violent, où les amalgames, construits et développés de toutes pièces conduisent à des actes indignes, comme celui de l’assassinat du si jeune Clément Méric. La barbarie lourde, ne se masque plus pour broyer celles et ceux qui ne rentrent pas dans leur gangue étriquée. Des mois d’appels à verser le sang, dissimulés par des porteurs de ballons couleur layette aux airs innocents, d’acheteurs de gâteaux du dimanche enveloppés bien comme il faut dans un joli papier bleu, entouré d’un petit ruban ….BRUN, a marqué le pays.

En fait, ce sont toujours les mêmes… 30 ans après la découverte du virus du sida, il  y a encore à faire, malgré les avancées remarquables dont chacun, dans le monde entier devrait bénéficier. Les défis du millénaire en matière de santé mettent l’accent  sur des nécessités, comme celle d’arrêter la propagation de la maladie.

Le directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé a déclaré : "Ce combat est une lutte contre l’inégalité, y compris l’inégalité entre les hommes et les femmes, les enfants et les adultes, les pays pauvres et les autres". Nous pouvons décliner cette phrase en proximité géographique, en France, et en région parisienne, en Seine-Saint-Denis… Pour tout cela, merci d’être venus !"

Un droit véritable à la santé

Cela, c’était son mot d’accueil aux congressistes. Mais l’élue communiste n’a pas voulu rater la présence de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, pour un second discours plus politique encore et une réflexion sur le territoire de Bobigny, mais plus largement sur la banlieue et les spécificités de santé qui s’y posent. "Le congrès national de AIDES, n’est pas un congrès national comme les autres. C’est pour Bobigny, pour la Seine-Saint-Denis, l’affichage d’une position de luttes, de conquêtes des militants de AIDES sur un large territoire, très jeune, très dense qui se bat obstinément pour la conquête de droits nouveaux, tel le droit de vote des étrangers, mais aussi pour le respect des droits existants ; pour le dire simplement : pour le respect de l’égalité entre tous les citoyens, d’ici ou d’ailleurs, d’hier ou du siècle dernier".

Et Catherine Peyge de préciser : "La conquête du droit véritable à la santé est un des marqueurs les plus évidents de l’état du monde. En disant cela, je n’ai pas peur de la platitude. Cette idée est qualifiée de platitude uniquement par les personnes qui balaient d’un revers de main les questions profondes existentielles quand ceux et celles qu’elles estiment être leurs semblables sont épargnées par la chose productrice d’inégalités. La santé ne saurait se contenter de statistiques, chacune et chacun, quelque soit âge, quelque soit son rang social reconnu ou autoproclamé est précieux au monde. Un syndicaliste d’un syndicat auquel je n’ai jamais été affilié, déclarait : "Je ne revendique pas la fortune du baron Seillière, mais je revendique le droit d’être soigné aussi bien que lui". Une sorte de minimum garanti démocratique autour de la santé. C’est grâce aux personnes résolues comme vous l’êtes ici, que reculent divers obscurantismes. En fait, vous nous donnez confiance en un progrès possible, et pour les habitantes et habitants d’une ville comme Bobigny, c’est la plus engageante des déclarations".

"Les plus grandes souffrances sont engendrées par des facteurs, simples ou conjugués, que nous savons identifier : chômage, inquiétudes diverses sur l’avenir des enfants, les problématiques du logement, la tristesse infinie engendrée par des salaires ou des revenus ne permettant rien, ou pas grand-chose, une survie, et les maladies. C’est en Seine-Saint-Denis que nous battons, en proportion, un record repoussant, celui du nombre de personnes atteintes de cancers. De ce terreau trop acide émerge bruyamment la complexité de ce fameux "vivre ensemble" tiraillé entre les vœux pieux et le manque de moyens. Constater tout cela, c’est bien, en tirer une colère lucide, c’est bien aussi, mais agir avec autant d’opiniâtreté que AIDES, c’est comprendre qu’il est possible de faire autrement, en mettant d’autorité l’Humain au centre des préoccupations de toute une chaîne d’acteurs divers. Cela résout une question lancinante : comment concrétiser de l’espoir ? Et en prouvant que les progrès, tous les progrès sont possibles".