"Bonjour docteur, Ah désolé je vous ai confondu !"

Publié par Nico-Seronet le 24.04.2016
6 164 lectures
Notez l'article : 
0
 
Conférencesdélégation tâchespartage des tâches

Nous avions évoqué le premier jour de la conférence Afravih 2016 un nouveau rapport dans la répartition des tâches entre acteurs médicaux, acteurs non médicaux et acteurs communautaires. En ce troisième jour, nous avons découvert des résultats de projets de délégation de tâches fort intéressants.

En premier lieu, nous pouvons nous interroger sur pourquoi se répartir les tâches et basculer ce qui peut être fait par des médecins à un moment donné à d’autres acteurs, ébranlant du même coup ce qui semblait "sacré", voir "intouchable" ? Tout d’abord, une nouvelle répartition des tâches vient en réponse à une couverture insuffisante des besoins quand les ressources manquent. On pense tout particulièrement dans les contextes où les personnes sont difficilement accessibles (géographiquement, mais pas seulement comme les populations clés les moins rejointes par les offres de santé), que le manque de professionnels de santé se fait ressentir ou encore que les centres de prise en charge sont engorgés. Ajoutons à cela, que la répartition des tâches peut aussi venir résoudre problèmes et conflits quand patients et prescripteurs ne sont pas sur la même longueur d’onde, on y reviendra.

Maintenant quelques exemples pour mieux comprendre ce qui peut se cacher derrière la délégation des tâches et vous allez voir tout cela se passe… au Sud ! Une très belle expérience au Sénégal a organisé un nouveau modèle de prise en charge des personnes suivies pour le VIH. Les tâches de dépistage, prescription des antirétroviraux et du suivi ont été déléguées à des infirmiers, la délivrance des traitements à des travailleurs sociaux et enfin l’accompagnement à des acteurs communautaires. Résultats : le taux de survie a augmenté et le nombre des perdus de vue a baissé du fait de cette prise en charge plus près des lieux de vie des personnes ! Au Malawi, Médecin sans frontières a aussi mis en place un programme incluant la délégation de certaines tâches dans une région du pays réputée pour le niveau élevé de l’épidémie. Un nouveau type de collaborateurs a été créé. Ils sont appelés "médiateurs conseillers" qui sont avant tout des patients. La prescription du traitement, le suivi et le dépistage (Trod) étaient délégués aux infirmiers alors que le travail de biologie (charge virale et CD4) et la délivrance des traitements étaient délégués aux agents de santé communautaire. Avec quels résultats ? Tout d’abord, on note que le nombre de nouvelles personnes suivies a augmenté et l’anecdote, les résultats de mesure de charge virale réalisée par les acteurs communautaires se sont avérés plus fiables dans le cadre de cette expérience que lorsque les mesures étaient réalisées par les techniciens de laboratoire.

Une autre expérience au Sénégal et au Burkina, intégrant la formation d’accompagnatrices communautaires séropositives dans des services de délivrance de traitements à des femmes enceintes, a permis d’assurer une médiation entre l’équipe médicale et les patientes, réduisant notamment les conflits entre patientes et médecins et évitant même parfois des erreurs de prescription car elles-mêmes étant sous traitement. Il est noté qu'elles sont de plus en plus sollicitées pour des activités qui relèvent de la prise en charge médicale. Elles sont impliquées dans l'annonce de la séropositivité. Elles orientent parfois les femmes vers d'autres soignants lorsque des symptômes jugés graves ne leur semblent pas être correctement traités. Elles vérifient les ordonnances.

Ces expériences ne sont pas sans rappeler l’expérience du dépistage communautaire en France et un intervenant de rappeler que la délégation des tâches fait partie des stratégies promues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et que pour la réussite de ces programmes, il faut se départir de toute logique corporatiste et surtout il faut une véritable volonté politique car l’adaptation de la loi est parfois nécessaire. En conclusion, il a été relevé dans plusieurs présentations que la délégation des tâches est une des stratégies pour atteindre l’objectif de l’Onusida et de l’OMS, le fameux 90-90-90.