Cameroun : encore un militant arrêté

Publié par jfl-seronet le 28.03.2012
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homophobieAfraVIH 2012
Il y a quelques semaines, Stéphane Koche, militant d’une association de défense des minorités sexuelles au Cameroun, travaillait en France avec d’autres collègues investis dans les droits de l’Homme sur l’accès à la prévention, aux soins et aux droits des homosexuels… Ce militant a été violemment arrêté (27 mars) alors qu’il menait un atelier sur les droits des minorités, la santé et la lutte contre le VIH. Cette arrestation suscite de très vives réactions.
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Une fois de plus, une fois encore, une fois de trop ! "Le Cameroun est, une nouvelle fois, le théâtre d’arrestations arbitraires de militants de la lutte contre le sida dans le cadre de leurs activités", dénonce Africagay contre le sida dans un communiqué (28 mars). Si la réaction de ce réseau (des associations africaines identitaires et engagées dans la lutte contre le sida travaillant auprès des populations vulnérables) est si vive, c’est d’abord parce que cette arrestation concerne un militant dont l’association appartient à ce réseau.

Mais surtout parce qu’elle est un acte qui vise à terroriser les militants, faire peur aux activistes des droits de l’homme et de la lutte contre le VIH.

Africagay explique que Stéphane Koche, vice-président d’Adefho, association de défense des droits des minorités sexuelles, a été violemment arrêté [mercredi 27 mars, ndlr] lors d’une descente de police conduite par le sous-préfet de Yaoundé, alors qu’il menait un atelier sur le thème "Droits et minorités sexuelles", qui abordait le lien entre droits, santé et lutte contre le VIH. Stéphane Koche a été relâché après un interrogatoire musclé de plus de trois heures, mais reste cependant à la disposition du procureur de la république pour d’éventuelles poursuites judiciaires".

le pays reste obsessionnellement homophobe

La situation est connue… et dénoncée à chaque nouvelle affaire. Et pourtant le pays reste obsessionnellement homophobe. C’est même un cas d’école en Afrique. Cela pose deux problèmes majeurs : l’un est l’atteinte, désormais permanente, aux droits de l’Homme et pas seulement aux droits des minorités. L’autre est que cette politique délibérée a un impact négatif sur l’épidémie de VIH/sida dans le pays et la prévention.

Africagay rappelle que le "Cameroun est le pays d’Afrique Centrale le plus touché par l’épidémie de sida avec un taux de prévalence de plus de 5%. De nombreuses études épidémiologiques suggèrent que ces taux grimpent à plus de 35%  chez les homosexuels, raison pour laquelle le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose vient de lui accorder une subvention de plus de 97 millions d’euros (63 milliards de FCFA) afin qu’il puisse mettre notamment en place les programmes de prise en charge des populations vulnérables" dont les homosexuels font partie.


Un coup très dur porté à la lutte contre le sida

Le Conseil national de lutte contre le sida camerounais a lui-même inscrit dans son Plan National de lutte contre le sida la prévention en direction des homosexuels comme une priorité. Et pourtant, cette nouvelle arrestation d’un militant de la lutte contre le sida dans l’exercice même de ses fonctions ne peut pas passer autrement que pour un "coup très dur porté à la lutte contre cette épidémie". "Si l’Etat camerounais alimente lui-même la stigmatisation et la discrimination des populations vulnérables dont il se fait pourtant le défenseur devant les organisations internationales, le combat contre l’épidémie de sida ne pourra jamais être gagné. La violation perpétuelle des droits de l’Homme étant le meilleur allié de l’épidémie de sida en Afrique", dénonce Africagay contre le sida. Une erreur stratégique majeure des autorités que souligne Yves Yomb, directeur exécutif d’Alternatives Cameroun : "L’état camerounais se trompe encore d’ennemi : ce ne sont pas les militants qu’il faut arrêter, mais l’épidémie de sida".


Mobilisé, lui aussi, le Réseau des défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC) est monté au créneau. Dans un communiqué de presse publié à Douala (27 mars), le REDHAC se dit consterné par cette arrestation. Le Réseau des défenseurs des Droits Humains en Afrique centrale "apporte tout son soutien à Monsieur Stéphane Koche, à l’Association ADEFHO et à tous les défenseurs qui luttent pour l’avènement dans notre pays des droits de l’Homme" et "condamne avec fermeté l’arrestation  arbitraire  et les menaces proférées à l’encontre de Stéphane Koche". Le Réseau insiste aussi sur le fait que "la liberté d’expression, d’appartenir à une association, d’organiser les réunions publiques et pacifiques sont des droits qui sont inscrits dans le préambule" de la constitution camerounaise. Le REDHAC demande aussi l’abandon immédiat de toute poursuite judiciaire à l’encontre du militant.


L'OMS et l'ONUSIDA interpellées

De son côté, Africagay contre le sida exige de l’état camerounais qu’il ne poursuive pas sur le plan judiciaire Stéphane Koche et demande à l’Organisation mondiale de la Santé et à l’ONUSIDA de veiller au bon respect des engagements pris par le Cameroun dans le cadre de la lutte contre le sida.


Au sein de la conférence AfraVIH, l'émotion et surtout la colère gronde. Et c'est Gilles Brücker, Secrétaire général de la conférence qui a dénoncé une situation inacceptable, sous le tonnerre des applaudissements de la communauté des acteurs de la lutte contre le sida présente dans la salle.

Le militant Simon Kaboré, invité aussi à intervenir à la tribune de cette clôture, a aussi rappelé la situation de 15 militants camerounais actuellement poursuivis pour des faits remontant à 2010 : ils avaient manifesté pour rappeler leur gouvernement à tenir ses engagements de consacrer 15% de son budget à la santé (déclaration d'Abuja). "Si ces procès ont lieu, nous aurons perdu tout espoir d’atteindre les objectif d’accès universel aux traitements, aux soins et aux programmes de prévention. Les dirigeants africains pourront dormir tranquilles, ils auront trouvé un nouveau remède contre les personnes vivant avec le VIH et engagées".

(1) Adefho : Association pour la défense des droits des homosexuel(le)s créée par l’avocate et activiste Alice N’Kom.