Cameroun : Mark Dybul répond à AIDES et Sidaction

Publié par Mark Dybul le 11.09.2013
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Mondehomophobie

Le 29 juillet dernier, François Dupré, directeur général de Sidaction, et Bruno Spire, président de AIDES, adressaient une lettre au directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, suite à l’assassinat d’une militant LGBT et de lutte contre le sida au Cameroun. Directeur exécutif du Fonds, Mark Dybul leur a répondu le 31 juillet, sensible à cette interpellation militante sur la "violation des droits de l’homme des populations prioritaires du Cameroun". Seronet vous la propose. Traduction par Grace Cunnane.

Chers Monsieur Spire et Monsieur Dupré,

Merci pour votre importante lettre datée du 29 juillet 2013 concernant la situation des droits humains des groupes LGBT au Cameroun. Le Fonds mondial condamne toutes formes de violence envers les personnes en raison de leur orientation sexuelle ou leur statut sérologique supposé, et nous avons rapidement fait paraître une déclaration très forte déplorant le meurtre abominable d’Eric Lembembe. Nous partageons votre peine et votre colère. Monsieur Lembembe a joué un rôle prépondérant dans la riposte nationale camerounaise de lutte contre le VIH chez les populations vulnérables, en particulier les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, les travailleurs du sexe, et les chauffeurs de camions. Nous sommes également très concernés par l’ampleur des violations des droits humains parmi les populations prioritaires au regard de l’épidémie au Cameroun, et dans de nombreux pays.

Nous sommes pleinement d’accord avec les deux demandes que vous avez formulées. Notre Equipe Pays [antenne spécifique du Fonds pour le Cameroun] est en contact quotidien avec les partenaires camerounais et les groupes de la société civile, et elle envisage de reprogrammer la subvention existante avec un focus particulier sur les populations prioritaires pour inclure un soutien institutionnel aux associations communautaires et une aide juridique aux militants des groupes LGBT. Nous prenons des mesures concrètes pour avancer sur ces sujets à différents niveaux et ferons en sorte que vous soyez informés rapidement des conclusions de nos discussions. Au sujet de votre demande que nous financions des mesures de sécurité, comme vous le savez probablement le gouvernement américain et l’Union Européenne vont immédiatement financer de telles mesures pour les groupes LGBT (à peu près 1,5 million de dollars au total). Le Fonds mondial envisage des financements complémentaires. Nous discutons également avec des partenaires techniques du besoin à court et à long terme de solutions face aux risques encourus par ces groupes.

Nous sommes également d’accord avec votre appel pour un engagement politique. Une mission de haut niveau pour le Cameroun est prévue pendant le mois d’aout quand les responsables pertinents seront présents, pour discuter de la question des droits de l’homme avec le gouvernement, les partenaires multi et bilatéraux et les organisations de la société civile. J’ai cherché à contacter l’ONUSIDA et Michel Sidibé et nous serons également en contact avec des partenaires principaux, comme la Commission Européenne, le gouvernement français, et les Etats-Unis. Nous avons fait part de notre attachement à ce que l’enquête de police sur la mort de Monsieur Lembembe soit complète et crédible, et avons été soulagés d’apprendre que ses collègues récemment détenus, sont à présent libérés. Nous espérons avoir l’opportunité de pouvoir rencontrer une délégation gouvernementale camerounaise, à l’occasion du forum de coopération sino-africaine (FOCAC) à Beijing à la mi-août 2013, pour exprimer notre profonde inquiétude, discuter du problème et définir les prochaines étapes. Nous réfléchissons aussi au meilleur moyen d’impliquer le Président camerounais. J’ajouterai aussi que le Fonds mondial dans son histoire s’est engagé pour les droits de l’Homme au Cameroun, notamment par un communiqué spécial au CCM (mécanisme de coordination de pays) en 2012.

La discrimination et la criminalisation des personnes en raison de leurs orientations sexuelles sont une violation de la dignité de chaque vie humaine, réduisent l’accès aux programmes VIH — qui sauvent des vies — et minent les efforts pour contrôler et mettre fin à l’épidémie. De plus, elles aggravent les violations de la dignité humaine. Toute forme de violence physique ou psychologique est un acte de discrimination et une violation des droits de l’homme. Nous déplorons de tels actes avec la plus grande fermeté. Mais plus que les condamner, nous devons agir. Je vous assure que le Fonds Mondial s’engage à soutenir le travail essentiel fait par les organisations dont l’objectif est le droit à la santé pour tous, spécialement les personnes les plus vulnérables, et à prolonger son étroite collaboration avec ses partenaires sur ce sujet.

Veuillez agréer, Messieurs, mes salutations distinguées.


Mark Dybul,
Directeur général du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.