Cancer du foie et VHC

Publié par Rédacteur-seronet le 21.12.2018
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ThérapeutiqueVHCcancer foie

Est-il intéressant de maintenir dans des programmes de dépistage des personnes ayant une cirrhose et guéries de leur infection VHC par interféron ou antiviraux à action directe (AAD) ? C’est à cette question que répondent des travaux conduits par le Pr Pierre Nahon (service d’hépatologie, hôpital Jean-Verdier, AP-HP) et le Pr Étienne Audureau (service de santé publique, hôpital Henri-Mondor, AP-HP) avec l’Université Paris 13, l’Inserm et Sorbonne Paris Cité. Ces travaux ont récemment fait l’objet d’une publication dans la revue Gastroenterology (novembre 2018) et d’un communiqué de l’Inserm.

Les travaux des professeurs Nahon et Audureau s’appuient sur les résultats d’une étude prospective observationnelle réalisée au sein de la cohorte ANRS CO12 CirVir. Elle décrit l’évolution de personnes atteintes de cirrhose compensée liée au VHC, inscrites dans des programmes de dépistage du cancer du foie ou carcinome hépatocellulaire (CHC) et traitées par interféron avant 2014 ou par antiviraux à action directe (AAD) depuis cette date. Les résultats, publiés dans la revue Gastroenterology en novembre 2018, montrent que si le « risque de cancer du foie est fortement diminué après éradication virale chez ces malades », il « persiste néanmoins et justifie de maintenir les patients avec cirrhose virale C guérie dans des programmes de dépistage ».

Cette étude confirme également les bénéfices de la guérison virologique sur le risque de formation d’un cancer du foie quel que soit le type de traitement antiviral. Les antiviraux à action directe dirigés contre le VHC ont révolutionné la prise en charge des personnes infectées par le VHC depuis leur mise à disposition en 2014 en France. Assurant la guérison virologique chez près de 100 % des personnes aujourd’hui au prix de peu d’effets indésirables, leur bénéfice à long terme est encore inconnu, note l’Inserm dans son communiqué. Le risque de cancer du foie ou carcinome hépatocellulaire (CHC) est la complication la plus redoutée chez ces personnes lorsque le VHC a conduit à une cirrhose. Des données anciennes — obtenues avant l’ère des antiviraux à action directe lorsque les traitements à base d’interféron très contraignants ne permettaient de guérir que moins de 50 % des personnes —, avaient suggéré une diminution du risque de cancer du foie « en cas d’éradication virologique ».

La cohorte ANRS CO12 CirVir est la plus ancienne cohorte prospective de personnes infectées par les virus des hépatites B et C soutenue par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (1). Entre mars 2006 et décembre 2012, 1 353 personnes ayant une cirrhose, non compliquée, ayant pour origine une infection par le VHC ont été incluses dans 39 centres français. Toutes ces personnes ont été inscrites dans des programmes de dépistage du cancer du foie comme cela est recommandé, avec réalisation d’une échographie du foie tous les six mois. Les personnes ont été suivies jusqu’en décembre 2016, ce qui permet l’analyse avec un recul médian de plus de cinq ans. Les chercheurs ont pu analyser l’incidence du cancer du foie au cours des deux périodes thérapeutiques successives (celle avec le traitement par interféron, avant 2014 et celle avec le traitement par antiviraux à action directe, après 2014).

« Les analyses confirment que si le risque de cancer du foie est fortement diminué après éradication virale quel que soit le type de traitement (il est divisé par un facteur 4 environ), il persiste néanmoins et justifie de maintenir dans des programmes de dépistage les [personnes] avec cirrhose virale C guérie », explique l’Inserm.

Les données de la cohorte CirVir rapportées dans cette étude ont par ailleurs permis d’apporter des réponses concernant le risque de cancer du foie sous antiviraux à action directe. « Ce dernier n’est (..) pas augmenté par rapport à l’ère de l’interféron lorsqu’un certain nombre de facteurs confondants sont pris en compte dans les analyses. Ces résultats sont d’autant plus rassurants qu’ils ont été observés dans une cohorte prospective multicentrique suivie sur le long terme, ce qui a permis la réalisation d’analyses statistiques complexes et exhaustives au cours de différentes [périodes] thérapeutiques ».

La cohorte ANRS CO12 CirVir a permis, ces dernières années, d’étudier les facteurs associés à la survenue des principales complications cliniques chez les personnes ayant une cirrhose. Près d’une vingtaine de travaux fondés sur les données recueillies prospectivement dans l’ensemble des services d’hépatologie du territoire sur dix ans ont été publiés dans des revues internationales et couvrent des champs aussi larges que le cancer du foie, les infections bactériennes, les cancers extra-hépatiques ou les pathologies cardio-vasculaires, rappelle l’Inserm en conclusion.

(1) : La cohorte ANRS CO12 CirVir, cohorte prospective multicentrique de patients atteints de cirrhose virale B et/ou C non compliquée, a été initiée en 2006 et a inclus 1 822 patients. Le suivi des patients a pris fin en 2017 et une grande partie d’entre eux ont désormais été inclus dans la cohorte ANRS CO22 HEPATHER.