Capotes et comprimés, même combat !

Publié par Renaud Persiaux le 03.03.2011
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Croi 2011prévention
Faire fi des polémiques stériles qui conduisent à l’immobilisme en matière de prévention du VIH. C’est ce qu’a proposé Sharon Hillier lors de la première journée de la Conférence. Une présentation qui rappelait les données récentes en matière de prophylaxie pré-exposition et de circoncision et qui recensait les essais en cours. Des pilules aux capotes, pour Sharon Hillier, un seul mot d’ordre : il faut rendre la prévention amusante et sexy !
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C’est une présentation qui a le mérite de remettre les pendules à l’heure. Et qui évite les oppositions stériles entre les différentes méthodes préventives. Sharon Hillier professeur du département d’obstétrique, gynécologie et sciences de la reproduction de l’Université de Pittsburg aux Etats-Unis, insiste : il faut que toutes les méthodes soient disponibles et qu’on puisse les combiner. S’adressant aux jeunes chercheurs et aux médecins rassemblés au fond de la salle, l’enjouée directrice du centre d’excellence en santé des femmes du Magee-Womens Hospital, commence par une plaisanterie qui n’en est pas vraiment une : "Lors de votre dernier rapport sexuel, combien d’entre vous ont utilisé un préservatif ?" Puis interroge sur les visions de chacun sur la prévention. Tout y passe : brossage de dents, ceinture de sécurité, contraception, baby aspirine (80 mg, une dose très faible) destinée à la prévention du risque de crise cardiaque.

Préservatifs
"Imaginez une méthode de prévention efficace à 80 %, peu chère et disponible ? Si une telle méthode existait, je suis sûre que vous en voudriez… Eh bien, cette méthode, c’est le préservatif !" Ces 80 % d’efficacité, rappelle-t-elle, viennent d’une étude qui a montré une incidence de 1,14 % chez des personnes qui déclaraient utiliser toujours la capote, contre 5,75 % chez ceux qui ne l’utilisaient jamais, en 2001 déjà. Une nouvelle étude publiée à la CROI 2011 vient confirmer ce résultat, avec une efficacité de 78 % (abstract 135). Alors, la capote "si on peut se convaincre d’en utiliser, c’est cool !", poursuit la clinicienne. "Mais malheureusement, mettre un préservatif n’est pas aussi simple qu’enfiler des chaussettes, et de nombreuses raisons peuvent empêcher son usage : des sensations diminuées, des problèmes pour maintenir une érection durable, l’impression que cela brise la spontanéité ou diminue l’intimité…". Des inconvénients qui sont autant de freins à l’adoption des comportements du fameux safe sex. Existe-t-il des techniques qui ne présenteraient pas ces "inconvénients" ?  La réponse, aujourd’hui, est "oui, en partie".

Circoncision
Coté circoncision, plusieurs essais suggéraient une protection de 51 % (Rakai en Ouganda), 53 % (Kisumu au Kenya) voire 61 % (Orange Farm en Afrique du Sud). Le suivi à 2 ans et demi de l’essai en Ouganda (abstract 36) de Kong, montre un bénéfice à long terme pour la circoncision, avec une réduction de 68 % du nombre de nouvelles infections. Il n’y a pas d’augmentation du nombre de partenaires, mais une diminution de l’utilisation de 6 % ("seulement", précise-telle). 80 % des personnes du bras contrôle ont accepté la circoncision. Quid du passage à l’échelle ? Dans un programme en Tanzanie, pas moins de 10 372 circoncisions ont été réalisées en six semaines (abstract 1006). Mais le principal problème avec la circoncision, c’est qu’elle ne protège pas les femmes.

Vaccin
L’essai Thai en septembre 2009, a montré une diminution du risque d’infection de 31 % pour une combinaison de deux candidats-vaccins, qui, séparés, n’étaient pas efficaces. Depuis, les analyses se poursuivent pour comprendre ce qui a conféré cette protection partielle… et inversement, ce qui s’est passé chez les personnes qui ont été contaminées bien qu’ayant reçu la combinaison vaccinale. De nouvelles analyses sont en cours. Il y a plus de trente essais cliniques de vaccins expérimentaux en cours dans près de vingt-cinq pays, auxquels participent des milliers de personnes, selon l’AIDS vaccine advocacy coalition (AVAC).

PrEP
Donner des médicaments anti-VIH à des séronégatifs pour les empêcher de se contaminer : c’est l’idée désormais connue de la PrEP (prophylaxie pré-exposition). Après les résultats de l’essai Caprisa 004 (application vaginale d’un gel microbicide avant et après un rapport sexuel, 39 % d’efficacité en moyenne) et d’Iprex (prise orale d’antirétroviraux en continu, 44 % d’efficacité en moyenne), plusieurs essais sont en cours. Plusieurs autres schémas ou stratégies sont envisagés : en utilisation intermittente, rectale, ou en prise unique après une exposition à un risque d’acquérir le VIH, en comprimés ou en gels locaux. Mais on sait déjà que comme pour le préservatif, la PrEP, ça ne marche que si l’on s’en sert.

Faire sexy !
C’est là qu’intervient, entre autres, la dimension comportementale des interventions utilisant ces outils biomédicaux, au même titre que les préservatifs, souligne Sharon Hillier. Alors, comment passer d’une boîte de Truvada (on fait difficilement moins sexy !) à un produit plus attractif ? Même question pour les gels vaginaux ou rectaux, voire les anneaux diffusants qui, explique Sharon Hillier, devront avoir une présentation et un emballage attractifs. Même question pour les préservatifs : comment, par exemple, rendre les préservatifs féminins plus sexys ou plus funcky ? Le FC2, préservatif féminin de seconde génération, est souvent considéré comme plus agréable, mais il est mal connu. Comment rendre plus accessibles, moins chers, les préservatifs plaisir, ultra fins ou nervurés ? Comment, enfin, favoriser les conditions sociales qui feront que ces techniques marcheront ?  Pour finir ce salutaire cadrage des discussions des résultats des recherches préventives de cette 18e CROI, Sharon Hillier conclut : et ces PrEP, comment les délivrera-t-on ? "Comme gère-t-on le traitement de l’hypertension ? Comme on prend le Depo-Provera (une injection tous les trois mois) ou comme on achète un préservatif ?"