Ce processus de changement est une réappropriation de moi-même

Publié par Miguel Limpo le 20.08.2014
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Sexualitétrans

Lia est trans* (1) et séropositive, elle est interviewée sur son vécu de réassignation de genre.

Comment définiriez votre réassignation de genre ?

C’est tout d’abord un cheminement avec soi-même. J'avais une vie d'homosexuel mais il était déjà très clair pour moi que je ne me sentais pas bien dans mon corps d’homme. Ce processus de changement est en fait une réappropriation de moi-même, un renvoi vers ma nature profonde. J’ai été suivie par un psychothérapeute durant deux ans. Il a diagnostiqué très rapidement, au bout d’un mois, une dysphorie de genre (diagnostic attribué par les psychologues et médecins pour décrire les individus significativement mécontents du sexe qu'ils possèdent depuis leur naissance ou du rôle qu'ils possèdent à cause de celui-ci). .J’ai commencé une hormonothérapie et expérimenté mon nouveau genre pendant une année. En Suisse, la réassignation de genre est prise en charge par l’assurance de base. Beaucoup de femmes trans* restent mécontentes après leur changement de sexe, car ce n’est souvent qu’une étape : de nombreuses questions restent en suspens. Beaucoup de trans* évoquent les difficultés légales dans une réassignation de genre.

Comment cela s’est passé pour vous ?

Je suis d’origine brésilienne, je suis donc passée par un tribunal de mon pays. J’ai des proches travaillant dans le domaine du droit, ils m’ont soutenue durant toute cette période. Tous les documents ayant été réalisés au Brésil, la Suisse n’a fait que prendre note et corriger mon état civil.

Comment ont réagi vos proches et amis ?

Cela a été une "destruction massive pour une reconstruction collective". J’ai essayé d’inclure mes anciennes relations dans ma nouvelle réalité. Certains n’ont pas voulu, d’autres ont simplement compris, d’autres encore ont complètement accepté. Beaucoup se sont rendus compte que je ne pouvais pas lutter contre ce que je ressentais intimement et que je n’allais pas changer d’avis. J’étais par exemple en relation avec un garçon et nous nous sommes quittés à cause de ça.

Et au niveau professionnel ?

J’ai travaillé dans plusieurs domaines et ma réassignation de genre ne m’a pas porté préjudice. Je travaillais dans une discothèque de Lausanne et je fréquentais beaucoup de trans*, et je n’ai jamais eu de problèmes. Cela a été plus difficile lorsque j’ai commencé l’université avec ma double identité, officielle et officieuse. J’ai côtoyé des gens bien dans leur peau alors que j’étais en pleine reconstruction : je me suis donc mise à l’écart. J’ai effectué une reconversion professionnelle et je viens de commencer un travail comme auxiliaire de santé. Nous n’en avons jamais parlé avec mes collègues et ils ne m’ont jamais posé de questions. Je pense que certains ont remarqué et d’autres préfèrent ne pas entrer en matière. J'ai la chance d'être jugée selon le travail que je fournis, puisque ma différence n'est pas tellement visible.

Des études montrent que les trans* sont plus touché-e-s par la dépression et le VIH. Qu’en est-il pour vous ?

Lorsque j’étais étudiante à Lausanne, je travaillais dans le milieu du sexe. J’ai toujours pris mes précautions dans ma sexualité. Par la suite, je suis tombée amoureuse d’un garçon bisexuel, mais c’était une relation de co-dépendance très passionnelle, et je me suis exposée à des risques. Ma réassignation de genre a sans doute eu une influence sur mon infection : je me suis beaucoup investie dans cette relation car j’avais été fragilisée auparavant. Si ma transition avait été facilitée, j’aurais sans doute été plus rapidement apaisée avec moi-même et moins passionnelle.

(1) Trans* : Pour les associations helvétiques, le terme de personne trans* semble être un bon compromis, car chaque personne est libre d’imaginer et d’exprimer ce qu’elle ressent derrière l’astérisque.