"C’est notre famille ! "

Publié par jfl-seronet le 22.08.2012
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histoire de vie
Régulièrement, elles se retrouvent dans les locaux de AIDES au cœur de Lyon pour échanger ensemble, prendre des nouvelles les uns des autres. Il y a quelques semaines, elles participaient à un de ces moments-là, Joseph Situ (AIDES) et Joseph Koffi (AIPES) leur avaient proposé de parler de leur qualité de vie et de ce qui leur permettrait de l’améliorer. Il y a eu quelques pleurs, de la joie aussi, des souvenirs douloureux et de l’espoir.
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Sur un panneau face au groupe, un des deux Joseph a dessiné une échelle qui va de 1 à 5… Elle permet à chacun de noter sa qualité de vie… et de juger de la marge de progression possible et des moyens d’y parvenir. "Je peux tout faire, aller à un mariage, faire des courses", lance Myriam qui prend la parole la première. "Mais ce n’est pas la même chose que pour quelqu’un qui est en bonne santé. Il y a de la fatigue, des petits maux qui viennent et qui partent". Myriam regarde le panneau affiché face au groupe… des questions y sont écrites. L’une indique : "Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour aller mieux, avoir une meilleure qualité de vie ?" Pas de réponse précise. "Ce n’est pas difficile de rencontrer quelqu’un qui est séropo, mais beaucoup plus quelqu’un qui est séronégatif… on doit beaucoup faire de choses en cachette". Lorsque la discussion sera bien engagée, bien plus tard, Myriam ne pourra pas retenir ses larmes à l’évocation des périodes d’hospitalisation qu’elle a connues. Du temps où elle avait "des tuyaux qui sortaient de partout". En regardant, les participantes du groupe, elle lâche : "C’est moi qui vais le moins bien". Sa voisine la réconforte d’un geste chaleureux.


"Le fait d’avoir cette sérologie, cela a été un choc, admet Martine. Cela a changé beaucoup de choses dans ma vie, même si je n’ai pas été rejetée dans ma famille. Dans ma famille, on m’a donné des conseils, dit de belles choses aussi… Je me suis retrouvée dans une joie mélangée à de la mélancolie. Bien sûr, je ne peux pas parler de ma sérologie à certaines personnes". Mais Martine explique aussi qu’elle connaît des personnes séropositives qui vont bien, qui vivent depuis longtemps avec le VIH : "Je me dis pourquoi pas moi !"
 
Julie s’est donné une note sur l’échelle de qualité de vie… qui va de 1 à 5. Plus le score est élevé, meilleure est cette qualité de vie. "Qu’est-ce qui pourrait m’apporter un plus par rapport à la situation d’aujourd’hui ? Que quelqu’un dans le monde trouve quelque chose qui puisse nous enlever ce que nous avons dans le corps", lâche-t-elle. Julie fait des rencontres. "Ça commence bien souvent… mais moralement, ce n’est pas tout à fait ça. Je préfère rester seule. Je me dis toujours qu’un jour nous allons devoir en discuter et je me demande si la personne avec laquelle je suis ne va pas me cracher quelque chose à la figure !"


Séropositive depuis 2002, Assia a "accepté" sa séropositivité. "Je travaille. J’ai mes enfants et j’ai quelqu’un dans ma vie qui a accepté ma séropositivité. J’ai un traitement que je prends tous les jours. Quand je vais au travail, je ne suis pas séropositive, mais quand je prends mes médicaments le soir… c’est là que je me rappelle que je le suis. Tout va bien pour moi". Cela n’a pas toujours été le cas. Assia venait d’Algérie, vivait seule à Paris, n’avait pas de travail. Pendant deux ans, elle n’a pas été bien. Ses enfants étaient restés au pays. "J’ai connu une vraie amélioration lorsque mes enfants m’ont rejoint en France. Ce sont eux qui m’ont donné le courage". Assia a aussi choisi de ne pas parler de sa séropositivité à sa famille. "C’est pour ne pas déchirer la vie de mes enfants", indique-t-elle. "Je vis avec un monsieur qui est au courant de ma séropositivité. Je me suis fait un nouveau cercle d’amies qui sont séropositives. Mon fils ne sait pas que je suis malade, mon petit frère et ma petite sœur si. Mon fils vit au pays. Personne ne me pose de questions", explique Chantal.

Sur une échelle de 5, Léa indique qu’elle est aujourd’hui à 3. "Lorsque je suis arrivée en France, j’étais à 1", l’échelon le plus bas. "Lorsqu’on a découvert ma séropositivité, mon mari m’a rejetée. C’est mon médecin qui m’a amenée à AIDES. "Elle a rencontré d’autres personnes, parlé de ses projets, celui de faire un enfant. Ce qu’elle a fait. Il est dans un couffin auprès d’elle et dort paisiblement pendant que le groupe discute. Il y a quelques jours, le résultat du premier test de son enfant indiquait qu’il est négatif. "C’est un grand espoir pour moi, l’espoir de la vie… quand les autres tests confirmeront ce premier résultat… Je serai à 4 sur cette échelle", affirme Léa dans un sourire.

Le groupe discute déjà depuis quelques temps quand arrive Pierre. C’est le seul homme qui, de temps à autre, participe aux discussions du groupe. En matière de qualité de vie, Pierre s’accorde un score de 4. Tout va globalement bien. "Je travaille bien. Je m’efforce de cacher ma séropositivité par crainte d’être rejetée de mon cercle d’amitié. J’ai trouvé les moyens de me protéger contre les avis des autres", explique Pierre. Bien sûr, il considère que le VIH est comme une "épée de Damoclès" que si d’autres l’apprenaient, il pourrait faire partir des amis voire lui faire perdre son travail, mais il reste philosophe… puisque le score de 4 lui convient. Ce qui semble le plus lui peser, c’est le manque d’affection : "J’ai une épouse au pays, mais elle refuse de me rejoindre".
 
Magali a découvert sa séropositivité après 8 ans de mariage. Elle était infirmière. "Tu veux me tuer ?, m’a dit mon mari", se rappelle-t-elle. Cette réaction l’a tétanisée. "J’ai cru devenir folle et j’ai dû être hospitalisée". Elle a parlé de sa séropositivité à sa famille. "Ce qui m’a fait fuir mon pays, c’est la honte, explique Magali. Pas du fait de ma famille, simplement parce que d’autres personnes qui vivaient sur la même parcelle que nous ont entendu que j’étais séropositive. La honte était telle que j’ai demandé à ma mère si elle pouvait me faire voyager. Je suis arrivée en Europe. J’étais désespérée. Je croyais la vie finie pour moi". Désormais, la donne a changé.
 
Les discussions se poursuivent. Martine raconte les circonstances de la découverte de sa séropositivité. Elles sont sans doute déjà connues des autres participantes. Qu’importe, elle a sans doute besoin d’en parler, d’y revenir parce que cela éclaire ce qu’est sa vie aujourd’hui. Elle a des enfants qui vivent à l’étranger, qui ont réussi leur vie personnelle et professionnelle. "J’ai deux petits enfants qui sont ma joie de vivre, ma raison de vivre !" Elle n’a rien dit à sa mère pour la ménager. "Mais il faudra bien que je le dise à mon dernier fils car je vois bien qu’il ne comprend pas pourquoi je reste en France". Les échanges se poursuivent encore, animés, passionnants. Il y a eu quelques larmes, des sourires aussi. "Le sida aujourd’hui sort de ma tête", lance Marie-Jeanne. Embrassades, des au-revoir… Le groupe se sépare. Sur le départ, Martine parle du groupe : "C’est notre famille !" Une famille, ça vaut combien sur une échelle de 1 à 5 ?


Les prénoms ont été modifiés.
Remerciements au Territoire d’action Vallée du Rhône (Yasmine et Florian) pour son accueil et son aide.

Commentaires

Portrait de pouetpouet29

de lire ces témoignages où on se retrouve tous un peu dans chacun d'eux.... Et que ça fait du bien ces groupes de parole où l'on peut se livrer sans retenu. Merci AIDES. Sand.