Changement d’état civil : les associations réagissent

Publié par jfl-seronet le 17.10.2016
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Droit et socialExistrans 2016

Le vote de la loi Justice 21, le 12 octobre dernier, a constitué une avancée concernant le changement d’état civil des personnes trans. Si certains organismes et associations se disent satisfait du texte adopté, d’autres se montrent très critiques et rappellent leurs revendications. Passage en revue des réactions en marge de la 20e marche de l’Existrans qui s’est déroulée à Paris le samedi 15 octobre.

Faut-il y voir un signe ? Ce sont surtout les associations LGBT généralistes qui ont salué, parfois avec louanges, l’avancée de la loi Justice 21. Les associations trans ont, elles, taclé le texte socialiste. Voici quelques unes de ces réactions…

L’Inter-LGBT

"C'est une avancée majeure, car on supprime cette épreuve abominable qu'est la stérilisation", a expliqué Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'association Inter-LGBT, interrogée par l'AFP, en marge de la manifestation du 15 octobre. Dans son communiqué, l’Inter-LGBT parle même d’un "grand pas pour les transidentités". "Cette loi vient briser un tabou en France, celui de la collusion du pouvoir judiciaire avec le pouvoir médical qui, depuis plus de 45 ans, travaillent de concert afin de pathologiser et de maltraiter les personnes trans (…) Nous ne voyons pas par quel moyen raisonnable un juge ou un procureur pourra, désormais, ordonner une triple expertise médicale puisque cela ne peut plus motiver le refus de faire droit à la demande. Nous resterons, bien évidemment, extrêmement viligant-e-s sur ce genre d’abus (….) Nous regrettons que toutes nos revendications n’aient pas été entendues, en particulier la déjudiciarisation de la procédure ou l’impossibilité pour les mineur-e-s non émancipé-e-s d’accéder au changement d’Etat civil (…) Nous nous réjouissons de cette grande victoire programmée depuis le 12 juillet dernier, mais actée seulement ce 12 octobre. Nous demanderons à être associé-e-s à l’élaboration du décret et des circulaires d’applications et nous attendons la promulgation de la loi", explique l’Inter-LGBT.

Homosexualités et socialisme (HES)

L’association "se réjouit de l’adoption définitive par les député-e-s de la majorité de gauche de l’article 18 quater du projet de loi de modernisation de la justice au 21e siècle (…) En refusant toute condition médicale, chirurgicale ou psychiatrique, contrairement au Sénat, l’Assemblée nationale engage la France dans le mouvement des nations les plus avancées dans la considération des personnes transgenres, derrière Malte, l’Argentine, la Norvège, l’Irlande, le Danemark, par exemple. HES souhaite que cet engagement s’intensifie et y travaillera".

GayLib

"C'est un premier pas, une première victoire", a affirmé Catherine Michaud, la présidente de GayLib, également secrétaire nationale de l'UDI pour les droits LGBT. Une position qui tranche avec l’attitude des sénateurs UDI qui ont été parmi les plus opposés à toute démédicalisation du parcours.

Le Planning familial

"La loi Justice du 21e siècle qui encadre notamment les démarches de changement d’état civil et qui vient d’être adoptée par le Parlement, a permis une amélioration de ce point de vue.  Le texte demeure néanmoins bien en deçà des revendications des associations de défense des droits des trans et intersexes, puisqu’il contrevient toujours au principe fondamental d’autodétermination des personnes : la procédure  conditionne en effet le changement d'état civil aux témoignages de tiers ainsi qu’à l’arbitraire des tribunaux. Par ailleurs, la loi continue d’ignorer les mutilations et tortures dont sont victimes les intersexes. Privées du droit de disposer librement de leurs corps, insuffisamment protégées par la loi, les personnes trans et intersexes sont donc fragilisées et exposées à la précarité, aux discriminations, terrain fertile pour les violences tant physiques que sociales", explique le Planning familial

Acthé

La loi permettra un "changement drastique pour des personnes trans" requérant un changement d'état civil, alors que la jurisprudence le conditionnait jusque-là à "l'irréversibilité" du processus, a souligné Sun Hee Yoon, présidente de l'association Acthé, citée par l’AFP. L’association est signataire du même communiqué de presse que celui de l’Inter-LGBT.

Le collectif Existrans

Le titre du communiqué du collectif Existrans est clair : "Autodétermination, santé, droits pour les personnes trans et/ou intersexes : 20 ans que la France (nous) piétine !". Le collectif a mis en avant ce slogan : "L’’autodétermination, pas un peu, pas à moitié : changement d’état civil libre et gratuit, en mairie !". "Après des années de lutte intense des associations trans, l'Assemblée Nationale a voté un texte censé lever l'exigence d'attestations et d’expertises médicales ou psychiatriques dans les procédures de changement d’état civil. Ce texte s’obstine pourtant à soumettre le changement d’état civil à l’arbitraire de l’appréciation des juges selon des critères flous. Ainsi, 20 ans après la première marche Existrans, notre combat continue pour que notre droit à l'autodétermination, nos corps et nos identités cessent d’être piétinés !", explique le collectif. "Nous dénonçons le blocage systématique du gouvernement pour empêcher une procédure de changement d’état civil libre et gratuite, sur simple déclaration en mairie. Cette déjudiciarisation est la seule solution rapide, transparente et à même de respecter réellement l'autodétermination des personnes (…) D’autres pays tels que l'Argentine, Malte, le Danemark, la Colombie, l'Irlande et dernièrement la Norvège l’ont déjà instaurée : que fait la France ? " Pour le collectif : "L’autodétermination n’est pas un principe négociable !" Dans son communiqué, le collectif Existrans demande également "l’arrêt immédiat des mutilations des enfants intersexes".

Fédération LGBT

Dans un message du 13 octobre, juste après l’adoption de la loi Justice du 21 siècle, la Fédération LGBT explique : "Hier soir, l'Assemblée nationale a adopté le pire texte jamais écrit dans le monde sur le changement d'état civil des personnes transgenres. Judiciarisation, disparité selon les territoires, appréciation arbitraire par des magistrats, binarité : le compte n'y est pas. Oui au changement d'état civil mais libre, gratuit et en mairie !"

Le Strass

"Nous défendons depuis toujours le principe de dépsychiatrisation, d’autodétermination de son genre social, de libre accès aux soins et au changement de la mention de sexe à l’état civil sans condition ! Les personnes trans n’ont pas à prouver qu’elles se conforment suffisamment aux normes sociales sur le genre binaire pour disposer des documents adéquats pour leur vie courante. Nous combattons l’hétéro-normativité imposée aux femmes, aux homos et à tout le monde. Cela concerne donc aussi les personnes trans".

ANT (association nationale transgenre)

"L’adoption de ce texte est loin d’être une bonne nouvelle pour les personnes transgenres. Censé mettre fin à une jurisprudence établie par l’arrêt de la cour de cassation de 1992 qui instituait une procédure médicalisante et judiciarisante, il maintient en fait une procédure reposant sur un jugement du tribunal de grande instance devant lequel des "preuves et autres certificats médicaux seront recevables (…) une fois de plus, le gouvernement est passé à côté d’une vision réellement ouverte sur les questions de genre et de sexisme dans notre société. Au lieu de cela, c’est un texte archaïque, d’un autre siècle, qui a été voté ce 12 octobre 2016".

Act Up-Paris

"En 2006, après l’occupation du siège du Parti Socialiste par le Groupe activiste trans' (GAT) et Act Up-Paris, François Hollande, alors Premier Secrétaire du parti, nous adressait une lettre (…) dans laquelle il estimait "indispensable qu’un nouveau prénom d’usage puisse être attribué plus facilement, et que les documents administratifs qui doivent être produits dans le monde du travail comme le numéro Insee, ne trahissent pas en cours de transition et après une identité légale en contradiction avec la nouvelle apparence de la personne", rappelle l’association. "Dix ans après la lettre de François Hollande, force est de constater que les progrès ne sont pas au rendez-vous. Les changements législatifs votés dans le cadre du projet de loi Justice du 21e siècle sont largement en-deçà des revendications formulées par l'Existrans depuis de nombreuses années, et ne sont plus guère défendus que par quelques cheffes associatives en mal de pouvoir".

Pour celles et ceux qui souhaitent plus d’éléments d’analyse critique du texte adopté, nous recommandons la lecture du billet intitulé : "Changement d’état-civil : le nouveau texte" sur le Blog de Damia ("Le Long d’une passerelle. L’histoire d’une traversée") sur Yagg. C’est vivant, très complet, clair et précis, assez idéal pour comprendre le chemin parlementaire du texte, ce qui a été voté et quelles en sont les limites.