CMU : l’Ordre des médecins… demande de l’ordre
En 1999, la loi crée la couverture maladie universelle (CMU). Elle a pour objectif de couvrir les personnes encore exclues de l’assurance maladie en instituant une affiliation automatique et immédiate sur des critères de résidence. Plusieurs articles du Code de déontologie médicale indiquent que l’application de cette loi par les médecins est une obligation déontologique. Il appartient à chaque médecin de la respecter. Voilà pour l’esprit des lois. Dans la pratique, il en va tout autrement. Les conclusions d’un récent rapport de la HALDE dénoncent le caractère discriminatoire du refus d’accès à la prévention et aux soins des bénéficiaires de la CMU. D’autres enquêtes et sondages confirment l’importance des refus de soins concernant la CMU.
C’est ce qu’indiquent une récente enquête menée par le Fonds de financement de la couverture maladie universelle et un testing, plus ancien, réalisé par le journal "Aujourd’hui en France/Le Parisien". L’enquête du Fonds de financement de la CMU a été effectuée à Paris fin 2008-début 2009, par testing auprès d’un échantillon représentatif de 861 médecins (généralistes, gynécologues, ophtalmologues, radiologues) et dentistes parisiens. Les résultats indiquent qu’un praticien parisien sur quatre refuse les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU). Parmi ces 861 praticiens, 25,5% d'entre eux refusaient les personnes du fait qu'ils bénéficiaient de la CMU. Pour les dentistes, ce taux de refus imputable à la CMU atteint 31,6%. Il s'élève à 19,4% pour les généralistes, avec 32,6% pour ceux installés en secteur 2 (médecins conventionnés avec honoraires libres) et 9,2% pour ceux du secteur 1 (médecins conventionnés qui appliquent les tarifs de base au remboursement de la caisse d'assurance-maladie). Ce taux de refus atteint 38,1% chez les gynécologues, avec 40,2% en secteur 2 et 17,4% en secteur 1. Il est de 28,1% pour les ophtalmologues, avec 31,3% en secteur 2 et 9,1% en secteur 1. Il est en revanche plus faible pour les radiologues avec 5,2% (6,3% en secteur 2 et 4,1% en secteur 1). Le testing du "Parisien" (qui date de 2009, preuve que le problème n’est pas nouveau) a été réalisé auprès de trente cabinets médicaux. Les résultats indiquent aussi des refus de soins importants et problématiques.
Ces résultats cumulés conduisent l’Ordre des médecins à réagir. Première salve dans un communiqué du 15 juillet 2011. L’Ordre y rappelle que : "refuser de soigner un patient au seul motif qu’il est bénéficiaire de la CMU-C ou lui demander un dépassement d’honoraires est inacceptable, contraire à la déontologie médicale et à la loi". Mais, l’organisme se veut plus offensif. Il demande ainsi "à être systématiquement alerté" notamment par les Caisses primaires d’assurance-maladie en cas de refus de soins à une personne au motif qu’elle est bénéficiaire de la CMU-C (CMU-complémentaire), pour pouvoir appliquer les sanctions qui s’imposent". Pour l’Ordre des médecins, il est "également essentiel que les patients se plaignent auprès des Conseils départementaux de l’Ordre ou le fassent faire par les associations représentatives. Ainsi l’Ordre pourra prendre les mesures disciplinaires efficaces qui s’imposent envers tout médecin refusant un patient CMU-C ou lui demandant un dépassement d’honoraires". Difficile d’être plus clair ! Dans son communiqué, l’organisme réitère sa "demande de pouvoir prononcer des sanctions financières [contre les praticiens fautifs], ce qui lui a malheureusement été refusé jusqu’à présent par le Parlement". Pour l’Ordre, il est "intolérable que certains [médecins] se spécialisent dans le discrédit à l’encontre de l’ensemble du corps médical".
La deuxième salve est tirée le 16 juillet. Nouveau communiqué de l’Ordre des médecins sur le même sujet. "Refuser de soigner un patient au seul motif qu’il est bénéficiaire de la CMU, est contraire à l’éthique médicale et à la déontologie professionnelle", rappelle le texte qui évoque les complications que les professionnels de santé rencontrent parfois dans l’application de cette obligation et qu’il n’entend pas nier. Il les a d’ailleurs listés. Du côté des médecins, on se plaint des "obstacles administratifs qu’il leur faut franchir pour percevoir les honoraires lorsque la carte Vitale n’est pas à jour", "du fait que trop peu de bénéficiaires de la CMU soient inscrits dans le parcours de soins, ce qui pénalise les médecins généralistes et spécialistes consultés", "des difficultés induites par la gestion de la CMU complémentaire", "du comportement et des exigences de certains bénéficiaires de la CMU mal informés de leurs droits et devoirs", "des conditions d’analyse des dossiers des demandeurs lors de l’attribution de la CMU", etc. De tout cela, l’Ordre des médecins veut bien convenir, mais pour lui, ce ne sont pas des raisons pour refuser des patients bénéficiaires de la CMU.
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Commentaires
le communique de l'ordre est-il suffisant?
Sanctions à prendre