Comprendre comment se réplique le Covid-19

Publié par jfl-seronet le 13.04.2020
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ThérapeutiqueCovid-19réplication

Des chercheurs-ses, conduits par Isabelle Imbert, mènent des travaux qui allient modèles biologiques et prédictions informatiques pour étudier les enzymes nécessaires à la réplication du Sars-CoV-2, le virus qui cause l'infection à Covid-19, indique un communiqué de l'Inserm. Ces travaux pourraient permettre d’avancer dans la mise au point de traitements antiviraux efficaces contre ce virus.

Combiner des expériences in vitro (en laboratoire) à de la modélisation in silico (modélisation informatique) des enzymes nécessaires au coronavirus pour se multiplier dans notre organisme (les enzymes de réplication) : tel est l’objectif des travaux conduits par Isabelle Imbert, chercheuse du laboratoire de recherche CNRS Architecture et fonction des macromolécules biologiques, à l’université Aix-Marseille. Cette chercheuse est une spécialiste des coronavirus. Son travail vise à mieux connaître le cycle de vie du Sars-CoV-2, le virus qui cause l'infection à Covid-19 et à « proposer des outils pour découvrir de nouveaux traitements ».

Isabelle Imbert étudie les coronavirus depuis 2003, année de l’émergence du premier coronavirus hautement pathogène pour l’homme, le Sars-CoV ou Sras. Cette épidémie, qui avait également démarré en Chine, a touché plus de 8 000 personnes et fait 900 morts dans le monde. La chercheuse a poursuivi ses travaux avec le Mers-CoV, second coronavirus hautement pathogène, qui a émergé au Moyen-Orient en 2012 et dont le taux de létalité (proportion de cas fatals liés à une maladie) avoisinait les 35 %.

« Ces travaux antérieurs ont permis de gagner dix ans sur la compréhension des mécanismes de réplication de ce nouveau coronavirus, estime Isabelle Imbart, citée dans le communiqué de l'Inserm. Il s’agit de très gros virus à ARN (molécule issue de la transcription d'un gène) dont le génome fait en moyenne trois fois la taille de celui de virus tels que ceux de l’hépatite C ou de la dengue. Ce génome code 16 protéines impliquées dans la réplication du virus, contre quatre ou cinq habituellement ». L’équipe de chercheurs-ses avait découvert que la principale enzyme de réplication du Sars-CoV de 2003 (la polymérase) était assistée de deux cofacteurs indispensables. De plus, ces virus possèdent une enzyme (une exonucléase) qui assure un « contrôle qualité » sur le génome, afin de corriger les erreurs qui peuvent se produire au cours de la réplication. « Cela explique la grande stabilité de la séquence d’ARN au cours du temps et entre les différentes souches d’une même espèce » précise Isabelle Imbert. Ce mécanisme apporte aussi des éléments de réponse quant à l’absence d’effet de la ribavirine chez les patients infectés par le Sars-CoV ou le Mers-CoV, alors qu’il s’agit d’un antiviral à large spectre, efficace, par exemple, contre le virus de l’hépatite C. « Ce médicament s’incorpore dans l’ARN du virus, à la place d’un nucléotide (molécule de base de l’ADN et de l’ARN) et perturbe le fonctionnement du virus. On parle d’analogue nucléotidique. Mais chez les coronavirus, il est expulsé par l’exonucléase », explique Isabelle Imbert.

Compte tenu de l’actuelle absence de traitements contre les coronavirus, Isabelle Imbert et son équipe lancent un projet, soutenu par le consortium REACTing coordonné par l’Inserm, pour tester l’efficacité de nouveaux analogues nucléotidiques in vitro et développer un modèle prédictif de l’activité de la polymérase in silico (par modélisation informatique). Dans un premier temps, l’équipe va tester in vitro différents analogues nucléotidiques, pour déterminer si l’un d’entre eux perturbe la réplication de l’ARN du virus, détaille le communiqué. Puis, si un effet est observé, l’exonucléase virale sera ajoutée pour savoir si elle expulse ou non cet analogue comme elle le fait avec la ribavirine. « L’objectif est de découvrir quels analogues insérés dans l’ARN au moment de la réplication sont reconnus et expulsés par l’exonucléase et, au contraire, lesquels sont maintenus dans l’ARN et pourraient donc représenter un traitement potentiel », explique la chercheuse.

Le second volet du projet de recherche, conduit en parallèle, vise à prédire l’activité de la polymérase via une modélisation informatique (in silico) à l’aide d’approches d’intelligence artificielle. Pour cela, elle a noué des partenariats avec deux laboratoires spécialisés. « Au départ, nous alimenterons l’algorithme avec les données acquises grâce aux expériences réalisées in vitro sur l’activité de la polymérase. Le but est, dans un second temps, de prédire le comportement de cette polymérase virale à partir d’une séquence d’ARN donnée. Nous voulons poser des bases pour anticiper son comportement face à l’action d’analogues nucléotidiques », conclut la chercheuse.