Contraception, l’illusion du choix
La précarité, facteur de renoncement à la contraception chez les jeunes
Cette enquête, menée auprès de 5 275 Françaises âgées de 15 à 49 ans et de 1 011 médecins généralistes et gynécologues, révèle un usage légèrement en baisse de la pilule contraceptive (-4,6% en 10 ans), même si elle reste la contraception la plus utilisée (une femme sur deux). Cela peut paraître peu, mais c’est une première depuis sa légalisation en 1967. Compensée par les nouvelles méthodes hormonales (2) (implant, patch, anneau vaginal) chez les 25-29 ans ainsi que par le recours au préservatif chez les adolescentes (une sur deux utilise le préservatif "masculin donc" comme moyen de contraception et de prévention), il en est autrement pour les jeunes femmes entre 20 et 24 ans : alors que cette tranche d’âge renonce plus massivement à la pilule (-10,4%), elle est aussi celle qui ne va pas totalement compenser l’abandon de la pilule par une autre contraception. Raisons évoquées dans l’enquête : la dégradation de la situation économique des jeunes femmes chez qui le taux de chômage est passé de 16,5% à 21,1% entre 2000 et 2010. Inquiétant… Mais pas étonnant : 42% des pilules prescrites sont non remboursées et seulement 4 utilisatrices sur dix en situation financière difficile ont leur contraception totalement remboursée.
Mais que font les professionnels de santé ?
En tout cas, pas leur boulot d’information pour un choix éclairé du moyen de contraception le mieux adapté à la vie de chacune. Sinon, comment expliquer que les femmes d’origine subsaharienne sont presque dix fois plus nombreuses que les femmes de nationalité française à bénéficier de l’implant, soit 23,5% contre 2,4% ? Parmi les hypothèses avancées dans l’enquête, l’implant, moins contraignant en matière d’observance, semble "renvoyer à un modèle contraceptif qui prône de prescrire aux femmes étrangères une méthode dont l’efficacité ne dépend pas de leur observance supposée, a priori, défaillante". Hum, hum…
Autre constat : les femmes suivies par un gynécologue pour leur contraception semblent avoir plus de choix, notamment celui du stérilet. Elles sont donc moins nombreuses à utiliser la pilule que celles suivies par un généraliste (48% versus 70%). Or quelles sont les femmes davantage suivies par un gynécologue ? Les femmes cadres (82% versus 73% des ouvrières) ! Quant à la contraception d’urgence (dite "pilule du lendemain"), elle reste peu évoquée lors des consultations médicales avec là aussi une différence entre gynécos et généralistes (36% en parlent versus 11%).
Le stérilet (dispositif intra utérin), le parent injustement pauvre de la contraception
Autre constat de l’enquête : les moyens de contraception sont figés dans le temps et selon la biographie sexuelle des femmes. Dit autrement, un moyen de contraception pour chaque âge : le recours au préservatif en début de vie sexuelle, à la pilule quand elle se régularise et au stérilet quand les enfants sont nés. Ça vous rappelle quelque chose ?
Pourtant, la Haute Autorité de Santé (HAS) préconise depuis 2004 un large accès au stérilet, à tous les âges de la vie sexuelle, que les femmes aient ou non concrétisé leur éventuel désir d’enfants. Ainsi, seulement 1,3% des femmes sans enfants utilisent le stérilet. Pis, son utilisation diminue légèrement. C’est pourtant un moyen de contraception fiable et surtout un des moins (voire LE moins) contraignant en matière d’observance avec une efficacité de 3 à 8 ans. Que demander de plus ? Alors soit les idées reçues ont la vie dure (Il faut dire qu’un nom pareil, ça ne met pas en confiance… Appelons-le plutôt dispositif intra-utérin comme le veut l’usage moderne), soit l’industrie pharmaceutique exerce une certaine pression auprès des professionnels de soins : on peut en effet légitimement imaginer le manque à gagner vis-à-vis d’un moyen de contraception efficace 3 à 8 ans… Alors que la pilule, ça se renouvelle tous les jours...
Alors, toutes égales dans notre droit à la contraception ?
Définitivement non comme le confirme cette enquête. En effet, de notre statut économique, social, mais aussi de notre origine dépend le moyen de contraception utilisé ainsi que, plus grave, le recours possible à la contraception. Droits des femmes et précarité ne font décidément pas bon ménage… Et tant que les professionnels de soins choisiront à la place des femmes concernées sans les informer de toutes les options disponibles, de leurs avantages et de leurs inconvénients, il est alors peu probable que les choses aillent en s’améliorant... Espérons que cette enquête conduira à la fois à une prise de conscience de la réalité sociale de la contraception et à une remise en question suivie d’effets des pratiques des professionnels de soins, en particulier des médecins généralistes.
(1) Enquête réalisée par l'Institut naional de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l'Institut national de recherche démographique (Ined) avec la Direction générale de la santé (DGS) et l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).
(2) Pour en savoir plus sur les moyens de contraception existant : www.choisirsacontraception.fr
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Commentaires
On n'apprend finalement pas grand choses......
Euh