COP 21 : vers une TTF au rabais ?

Publié par Mathieu Brancourt et Antoine Henry le 16.12.2015
4 768 lectures
Notez l'article : 
3
 
0
MondeTTFtaxe sur les transactions financières

Après deux années d’attente et de discussions, dix ministres des Finances de l’Eurozone ont annoncé s’être mis d’accord sur l’ébauche d’une taxe européenne sur les transactions financières (TTF). Cette bonne nouvelle à l’heure de la COP 21 reste insuffisante, faute de définition précise de son assiette et d’engagements clairs sur son affectation ultérieure. Lutte contre le réchauffement climatique et les grandes pandémies, rien n’est joué. Les ONG en appellent à François Hollande.

Réduits à dix, l’espoir renaît. Alors que l’Estonie a quitté depuis peu la table des négociations de la Coopération renforcée des pays favorables à une taxe sur les transactions financières au niveau européen, leurs ministres des Finances ont confirmé, mardi 8 décembre, un accord de principe pour l’arrivée de cette TTF européenne. Après deux ans de silence radio, et en plein sommet pour un accord sur le climat. Eternel serpent de mer, cette taxe qui doit financer la lutte contre le réchauffement climatique et contre les trois pandémies mondiales (VIH, paludisme et tuberculose), reste le cheval de bataille de la société civile. Les organisations non gouvernementales ont accueilli cette – bonne – nouvelle avec un enthousiasme modéré. Coalition PLUS, collectif francophone d’associations de lutte contre le sida, parle de "saut de puce". Il est vrai que la méfiance reste de mise pour les activistes, qui ont déjà plusieurs fois vu leurs espoirs de concrétisation d’une TTF, douchés. Et surtout, le cadre et les modalités de cette taxe demeurent très embryonnaires.

"C'est au moins une preuve que la TTF européenne n'est pas morte. Mais quand on sait que les états négocient depuis plus de deux ans, l'accord partiel annoncé aujourd'hui paraît évidemment assez maigre", déplore Hakima Himmich, présidente de l’Association de lutte contre le sida (ALCS) au Maroc et présidente de Coalition PLUS. Ce début d’accord doit mener à une mouture finale d’ici juin 2016. Et aujourd’hui, rien n’est encore ficelé concernant l’assiette des taux pratiqués selon les types de transactions, ni même le revenu annuel de cette TTF.

"Nous refusons une TTF en trompe-l’œil. Sur l’assiette, plusieurs exemptions ont été annoncées mais sans plus de précisions", déclare Khalil Elouardighi, directeur du plaidoyer à Coalition PLUS. "Et pour que la taxe ait un réel impact, les taux ne doivent pas être plus bas que ceux proposés par la Commission européenne. Des taux plus faibles que 0,1 % sur les actions et 0,01 % sur les dérivés conduiraient à anéantir les effets anti-spéculatifs de la taxe et à réduire ses recettes à peau de chagrin". La Commission européenne tablait sur plus de 34 milliards d’euros de recettes via cette taxe, non négligeables alors que se négocie la participation financière des pays développés à l’aide à la transition énergétique des pays émergents. Sauf que, le ministre de Finances français, Michel Sapin, n’a pas fixé d’objectif annuel de recette de la TTF, s’inquiètent les ONG.

François Hollande s’était également engagé à ce qu’une partie de cette somme puisse aller à la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. En septembre 2015, le président français avait déclaré devant les Nations Unies : "Puisque nous avons voulu, nous, la France et une partie de la zone euro, créer une taxe sur les transactions financières, cette taxe sera sans doute, nous faisons tout pour qu'il en soit ainsi, introduite en début 2017. Et bien une partie de cette taxe sera affectée à la lutte contre les inégalités, à la lutte contre le réchauffement climatique et les grandes pandémies. C’est un engagement que je prends ici devant vous". Trois mois plus tard, alors que le résultat de la conférence sur le climat de Paris reste plus qu’hypothétique, l’absence d’engagements fermes sur la TTF et ses modalités augure les futurs contours d’une taxe au rabais, à l’impact incertain, loin des espoirs qu’incarne cette innovation en matière de solidarité internationale, plus que jamais nécessaire.