Couples binationaux : les solutions se précisent

Publié par jfl-seronet le 01.09.2013
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Droit et socialmariage pour tous

Rapporteur sur la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, le député PS Erwann Binet avait adressé en juin dernier une question écrite au ministre des Affaires étrangères sur les "difficultés que pourraient rencontrer les couples de personnes de même sexe qui souhaitent s'unir, au regard de la règle de conflit de lois en matière de mariage." La réponse a paru au Journal officiel le 13 août. Extraits.

Le député Erwann Binet expliquait, en juin dernier : "La règle applicable aux conditions de fond du mariage, définie dans l'article 202 du code civil, dépend pour chacun des époux de sa loi personnelle. Cependant, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a introduit une exception à ce principe, en permettant de se référer à la loi de l'Etat sur le territoire duquel la personne a son domicile ou sa résidence. Cette disposition permet d'écarter la loi personnelle, et de célébrer le mariage entre deux personnes de même sexe, dès lors que l'un des futurs époux est français ou à sa résidence en France. Malgré cette exception au principe de la loi personnelle, les ressortissants de pays avec lesquels la France a des accords bilatéraux - qui prévoient que les conditions de fond du mariage est la loi personnelle - ne pourront bénéficier de ce dispositif en raison de la hiérarchie des normes, les conventions ayant une valeur supérieure à la loi. Il demande donc des éclaircissements concernant les engagements internationaux de la France en la matière et souhaite savoir si des modifications seront apportées à ces accords".

Réponse et solutions

"Le ministre des affaires étrangères, de concert avec le ministère de la justice, souhaite apporter l'éclairage le plus complet possible sur l'articulation entre les engagements internationaux de la France et la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Aux termes de l'article 202-1 alinéa 1 codifié dans le code civil par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, les conditions de fond du mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Toutefois, en application de l'article 202-1 alinéa 2 inséré dans le code civil, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'Etat de résidence l'autorise. Cette disposition dérogatoire au droit commun permet d'écarter la loi personnelle du ressortissant étranger qui ne connaît pas ou interdit le mariage entre deux personnes de même sexe, et de célébrer, en France, ce mariage dès lors que l'un des époux est français ou a sa résidence en France. Elle illustre clairement la volonté d'assurer une efficacité et une application les plus larges possibles de la réforme du mariage".

Voilà pour le cadre général. Reste qu’il y a des exceptions pour onze pays avec lesquels la France est engagée par des "conventions bilatérales portant, directement ou indirectement, sur la loi personnelle applicable au mariage". Ces pays ne permettent pas les unions de couples de même sexe. Par ailleurs, conformément à l'article 55 de la Constitution, les traités ou accords régulièrement ratifiés (…) ont une autorité supérieure à la loi. Conséquence (comme le rappelle la circulaire du 29 mai 2013) lorsqu'un ressortissant étranger a la nationalité d'un des pays avec lesquels la France est liée par une telle convention, les dispositions spécifiques prévues à l'article 202-1 alinéa 2 du code civil ne peuvent a priori, en l'état du droit positif, recevoir application". Autrement dit, dans ce cas, les mariages de couples de même sexe ne peuvent se faire. Alors que répond le gouvernement ? "L'officier d'état civil qui est confronté à une telle situation, doit cependant interroger le procureur de la République compétent. Celui-ci vérifiera si la convention s'applique effectivement au mariage projeté et s'assurera de l'existence d'une stipulation renvoyant, en matière de statut personnel, à la loi nationale de chacun des ressortissants des parties contractantes (….) L'examen plus approfondi du texte de ces accords pourrait (…) conduire à lever, pour certains d'entre eux, le problème de compatibilité avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013. En tout état de cause, lorsque le procureur est saisi d'un refus de célébration du mariage et confirme cette décision, les personnes intéressées disposent de la possibilité de la contester devant le tribunal de grande instance compétent. Il appartiendrait alors aux juridictions judiciaires d'apprécier si la loi étrangère désignée par l'application desdites conventions devrait être écartée en raison de sa contrariété à l'ordre public international français et d'autoriser la célébration du mariage en France". Voilà pour l’essentiel.

Lire l'Intégralité de la question et de la réponse du ministère des Affaires étrangères.

Commentaires

Portrait de alsaco

 est en effet précisé que les ressortissants de 11 pays sont exclus de ces unions :

 Pologne,

Maroc,

Bosnie-Herzégovine,

 Monténégro,

Serbie,

 Kosovo,

 Slovénie,

 Cambodge,

 Laos,

Tunisie

et Algérie.

 

En cause, des accords signés par la France avec ces pays, issus pour la plupart des anciennes colonies ou de l'ancienne Yougoslavie et où le mariage homosexuel est interdit. Selon ces textes, les conditions du mariage sont soumises, pour chacun des futurs époux, à la loi de leur pays respectif.

Circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

"La France a notamment conclu certains de ces conventions au moment de la décolonisation dans les années 1960", explique à FRANCE 24 Mathias Audit, professeur de droit à l'université de Paris Ouest - Nanterre- La Défense. Ces accords avaient alors pour but de respecter l'identité religieuse de chacun des pays concernés mais aussi "de régler le statut des travailleurs immigrés ou la situation des personnes originaires de France qui restaient alors dans ces pays et qui souhaitaient rester soumis à la loi française. Ces règles ont perduré", ajoute Mathias Audit.