Covid-19 et PVVIH : un manque de données

Publié par Fred Lebreton le 22.12.2020
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ThérapeutiquepvvihCovid-19

Les personnes vivant avec le VIH sont-elles plus à risque de contracter une forme sévère de la Covid-19 et d’en décéder ? La question est claire. La réponse, un peu moins. Depuis le début de la pandémie plusieurs études observationnelles ont essayé d’y répondre, parfois de façon contradictoire. La revue scientifique The Lancet a publié vendredi 11 décembre les résultats d’une nouvelle étude menée au Royaume-Uni à grande échelle, mais un manque de données médicales sur les profils des personnes vivant avec le VIH décédées ne permet pas une interprétation claire et précise des taux de mortalité.

Des études contradictoires

Plusieurs études sur l’impact de la Covid-19 sur les personnes vivant avec le VIH au Royaume-Uni ont déjà été présentées. Citons d’abord, une étude publiée en mai qui montrait que les personnes noires vivant avec le VIH avaient plus de risque d’une hospitalisation liée à la Covid-19 que les autres personnes vivant avec le VIH. En juillet, une autre étude menée au Royaume-Uni expliquait que les personnes vivant avec le VIH ne seraient pas plus à risque de développer une forme grave de la Covid-19 (sauf les personnes vivant avec le VIH noires). Enfin en octobre, une autre étude analysait les données de 47 952 patients-es hospitalisés-es pour une forme sévère de Covid-19, dont 122 (0,6 %) étaient atteints-es d’une infection par le VIH ; la plupart bénéficiant d’un traitement antirétroviral (112 sur 122 ; 91,8 %). La conclusion de cette étude indiquait, au prix d’ajustements multiples et serrés des chercheurs-ses, que la séropositivité serait associée à une surmortalité significative, tout au moins chez les patients-es hospitalisés-es en raison d’une infection sévère par le Sars-CoV-2. Mais les chercheurs-es précisaient qu’il conviendrait de confirmer cette tendance par des analyses socio-démographiques difficiles à mener dans le contexte de l’infection à VIH.

Une étude à grande échelle

Devant ces résultats contradictoires, une équipe de chercheurs-es britannique a mené une étude observationnelle à l’échelle de tout un pays (Angleterre). En se fondant sur les chiffres nationaux de mortalité liée à la Covid-19 transmis par la NHS (National health service, équivalent de la Sécurité sociale). La base de données comprenait toutes les personnes âgées de 18 ou plus, en vie, à la date du 1er février 2020 et avec au moins un an de suivi avec un médecin généraliste soit 17 282 905 personnes au total. Parmi elles, celles vivant avec le VIH représentaient 27 480 personnes (soit 0,16 % du total). Les personnes vivant avec le VIH étaient majoritairement des hommes noirs issus de quartiers défavorisés. Les décès liés à la Covid-19 survenus pendant la durée de l’étude étaient isolés et concernaient au total 14 882 personnes. Parmi les personnes dont le décès était lié à la Covid-19, la séropositivité au VIH était analysée et concernait un total de 25 personnes.

Quel risque pour les PVVIH ?

Après avoir fait des ajustements statistiques sur l’âge, le sexe, le poids, le tabagisme et la couleur de peau, les chercheurs-es sont arrivés-es à la conclusion suivante : « Les personnes vivant avec le VIH au Royaume-Uni semblent avoir un risque accru de mortalité liée à la Covid-19. Des politiques ciblées devraient être considérées vis-à-vis de ce risque pendant que la réponse apportée à la pandémie évolue »

Un manque de données

Les chercheurs-es précisent qu’ils-elles n’ont pas observé de surmortalité parmi les personnes vivant avec le VIH qui ne présentaient pas de comorbidités. Par ailleurs et c’est un point très important, ils-elles n’ont pas pu obtenir des indicateurs prédictifs de mortalité tels que les hospitalisations liées à des maladies graves car les données médicales concernant les personnes vivant avec le VIH sont considérées très sensibles au Royaume-Uni et la NHS n’a pas le droit de les transférer. Pour la même raison, les chercheurs-es n’ont pas pu obtenir les données concernant les traitements antirétroviraux, la charge virale et le taux de CD4 des personnes vivant avec le VIH dont le certificat de décès indiquait la Covid-19 comme cause.

Ces données sont pourtant essentielles pour avoir une analyse plus fine de ce taux de mortalité. En effet, une personne peut tout à fait être séropositive au VIH avec un traitement efficace et une charge virale contrôlée et, en même temps, être hospitalisée pour un cancer en stade avancé. Une comorbidité sévère non documentée par cette étude et qui pourrait expliquer un décès accéléré lié à la Covid-19. Inversement, les personnes vivant avec le VIH qui connaissent un échappement thérapeutique ou une absence de traitement ne sont pas identifiés dans cette étude. Comment savoir donc si c’est le fait d’être séropositif au VIH qui est un facteur de risque supplémentaire face à la Covid-19 ou le fait de ne pas avoir accès à un traitement antirétroviral efficace ?

Les auteurs-es de l’étude concluent en affirmant que certes, ils-elles n’ont pas eu accès à ces « données clés », mais que cela ne remet pas en question la pertinence de leur étude étant donné que 94 % des personnes vivant avec le VIH au Royaume-Uni connaissent leur statut sérologique et 97 % d’entres elles sont sous traitement avec une charge virale indétectable. D’après les chercheurs-es, il parait peu probable que le taux de mortalité des personnes vivant avec le VIH soit concentré sur les 6 % de personnes qui ignorent leur séropositivité et n’ont pas accès à un traitement.