CROI 2012 : Un mardi sur les chapeaux de roues

Publié par Rédacteur-seronet le 07.03.2012
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Croi 2012
Ça y est, cette fois, c’est parti. Les sessions s’enchaînent à toute allure. Ambiance et points forts (les hépatites et la Prep) de cette 2e journée de CROI, par nos trois envoyés spéciaux à Seattle.
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La CROI a ses rituels. Après un petit déjeuner constitué de bagels, de Philadelphia cheese et de confiture de myrtilles, le plus souvent avalés en vitesse, chacun se rue dans la salle principale de la conférence. Dans un schéma d’une journée à la Croi bien rodée : on commence par des plénières. Aujourd’hui, Wafaa El Sadr,  était chargée de la question du traitement comme prévention (TasP, pour Treatment as Prevention). La question, maintenant que la preuve est faite, c’est comment on met en œuvre et on donne accès aux traitements dans les pays du Sud à tous ceux qui ont en besoin. Il y a notamment l'enjeux du lien entre le dépistage et le soin (testing and linking to care, TLC+), où l'on voit une diminution progressive du nombre de personnes atteintes. Ainsi, dans le cas ci-dessous, sur 100 personnes vivant avec le VIH, seules 79% sont dépistées, et au final seules 19% ont une charge virale indétectable. Belle démonstration dans une présentation fleuve de 74 diapos.

74 diapos, dont une qui fâche. Parce qu’en matière de TasP, elle semble opposer l’intérêt individuel des personnes (réduire la peur de faire l’amour avec une personne de statut sérologique différent) et l’intérêt de la société (réduire l’épidémie). Alors que bien sûr, comme on l’a souvent écrit ici et ailleurs c’est en synergie qu’il faut comprendre ces deux intérêts. L’intérêt pour la société ne pouvant être atteint qu’en reconnaissant et mettant en avant les intérêts pour les individus et le respect de leurs choix – y compris celui de ne pas se traiter.


 
Sur les epaules de darwin
C’est ensuite au tour de Michael Emerman de raconter la course évolutive entre le virus et ses hôtes humains et primates (les singes), les mesures et contre mesures dans ce qui s’apparente à une course de la reine Rouge, une hypothèse tirée d’Alice au pays des merveilles. Passionnant par les perspectives thérapeutiques lointaines qu’elle ouvrait.

Marché public

Ensuite, chacun fait son marché parmi les quatre sessions parallèles consacrées aux présentations des résultats récents des recherches. On les appelle ici des "Oral Abstracs". Certainement les moments les plus importants de la conférence, puisque c’est à ce moment que l’on discute des avancées cliniques et fondamentales. Viennent ensuite les discussions thématiques (ce mardi, la méningite à cryptocoques, la prédiction de la réponse au traitement anti-VHC), entre 13h et 14h, autour de 5 à 6 six présentations affichées, les fameux posters. Qu'on retrouve ensuite dans une plage de deux heures qui est réservée à la promenade studieuse dans les allées du Poster Hall, et ses chercheurs qui halètent (parfois sur l'allaitement).

Les sessions de la fin d’après-midi sont généralement consacrées à des symposiums, soit des présentations synthèse ou thématiques d’actualité (aujourd'hui, la Prep et les hépatites). Mais en fonction des résumés (abstracts) envoyés par les équipes de chercheurs, il arrive que l’on y glisse une session "Oral Abstract" (ce mardi, sur la transmission du VIH).


PrEP
La prévention biomédicale (des traitements antirétroviraux pour des séronégatifs en prévention de l’infection par le VIH) avec un puzzle de la Prep dont de nouvelles pièces se mettent en ordre, mais dont la complexité se dévoile peu à peu. Un défi pour l’implémentation de cet outil préventif qui doit se comprendre en complémentarité avec les autres, et qui selon Susan Buchbinder, du département de santé publique de la ville de San Francisco, est une formidable opportunité pour les personnes de reprendre le contrôle sur leur prévention et de réduire les disparités. Un immense défi aussi, quand on sait que plus de 4 000 personnes vivant avec le VIH attendent d’avoir accès aux traitements par l’aide publique aux Etats Unis. Un grand coup de pied dans la fourmilière ?


Circoncision : ça se confirme !
Des résultats ont également été rapportés sur la circoncision. Les programmes massifs de circoncision en place en Ouganda (Ronald Gray) donnent les mêmes résultats positifs que l’essai d’Orange Farm en Afrique du Sud mené par Bertran Auvert (Université Versailles-Saint-Quentin, étude ANRS 12 126) qui a réduit de 25% le nombre de nouvelles infections par le VIH chez les hommes, avec un taux d’hommes circoncis de 60%. Chez un homme circoncis, la protection conférée par cette intervention qui se fait une bonne fois pour toute (et coûte 30 dollars) est de l’ordre de 50%. Soit sensiblement la même protection qu’observée dans les premiers essais. Bertran Auvert a montré que la circoncision réduit de façon plus modeste (23%) le risque de contracter le virus de l’herpès génital (HSV-2). Pour lui, il faudrait augmenter le taux de circoncis et envisager de circoncire les bébés.


Seattle, jour et nuit
Autre rituel, celui de la soirée France, où chercheurs, cliniciens, industriels, et associatifs se réunissent dans une ambiance moins guindée qu’à l’accoutumée. Moment où les langues se délient, où les vipères s’étendent. Cette année, choix du Space Needle. On y file.