CROI 2013 : contre l’hépatite C, l’espoir du traitement sans interféron se précise

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Conférencescoi 2013hépatitevhcco-infection

Il y a encore quelques années, l’hépatite C n’était abordée à la CROI que par le biais de la co-infection. En 2013, a été présentée une kyrielle d’essais dont plusieurs concernent des traitements sans interféron. Pour l’instant uniquement chez les personnes mono-infectées. Mais de l’avis général, avec l’amélioration des molécules, les résultats deviennent similaires entre personnes mono et co-infectées. Et c’est désormais la gestion des interactions avec les médicaments anti-VIH qui est l’enjeu majeur. A quand les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) ?

Sofosbuvir + ledipasvir + ribavirine

100 % d’efficacité après le traitement chez 25 personnes n’ayant jamais pris de traitement et chez 9 personnes "répondeurs nuls".

Ces deux molécules (anciennement connues sous les codes GS-7977 et GS-5885) sont certainement les plus attendues par les cliniciens. Il s’agit d’un inhibiteur de la NS5B pour le sofosbuvir et de la NS5A pour le ledipasvir (deux enzymes importantes dans le cycle du VHC), ici évaluées chez des personnes mono-infectées par l’hépatite C de génotype 1.

Les résultats de deux des groupes (ou bras) de l’important essai Electron (qui en comporte 11 !) ont suscité un fort enthousiasme. Et pour cause : 100 % d’efficacité 3 mois après la fin du traitement, ce qui signifie guérison de l’infection par le VHC. C’est un tout petit nombre de personnes et ces résultats devront être confirmés lors d’essais de plus grande ampleur. Les deux molécules sont à ce stade assez bien tolérées. Gilead a développé un comprimé "deux en un" contenant à la fois le sofosbuvir et le ledispavir. "Deux en un" dont beaucoup de cliniciens disaient qu’ils n’osaient pas imaginer son prix (cher, certainement), une fois qu’il serait commercialisé. Gilead déposera le dossier de demande d’AMM (autorisation de mise sur le marché) du sofosbuvir dans les mois qui viennent, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Le développement du ledipasvir (et donc du fameux combo) est moins avancé.

ABT 450/r + ABT-072 ou ABT-33 + ribavirine

Cette combinaison est composée de deux molécules d’Abbott, en une ou deux prises par jour, dont une doit se prendre avec du Norvir. Un traitement de 3 mois donne plus de 90 % de guérison chez des personnes n’ayant pas pris de traitement et 47 % chez des personnes "null-répondeurs", toutes de génotype 1 et toutes mono-infectées.

Simeprevir + ribavirine + sofusbuvir

Cette combinaison (simeprevir + sofusbuvir + ribavirine) est encours d’évaluation chez des personnes VHC avec un génotype 1. Une analyse intermédiaire a été présentée en comparant la bithérapie de ces nouvelles molécules, avec ou sans ribavirine. Dans les deux groupes comparés, la charge virale VHC baisse de la même façon. A 12 semaines, la proportion de personnes en succès semble plus élevée avec la trithérapie (96 % contre 93 %) mais à la fin du traitement toutes les personnes des deux groupes sont en succès de traitement. Après le traitement, deux personnes ont rechuté (une dans chaque groupe). L’anémie (baisse des globules rouges, entrainant une pâleur et surtout une grande fatigue voir un essoufflement à l’effort) et la bilirubinémie (provoquant une coloration jaune de la peau et du blanc des yeux) n’ont été observées que dans le groupe recevant la trithérapie.

Et chez les personnes co-infectées ?

Aucun résultat chez les personnes co-infectées n’a été présenté à la CROI. Et pour cause, aucun essai n’a lieu, si l’on excepte un essai Gilead avec sofosbuvir et ribavirine, sur les génotypes 2 et 3, du VHC qui sont moins courants que le génotype 1 et plus faciles à traiter. Quant au génotype 4, c’est le grand négligé des recherches de l’industrie pharmaceutique.

Concernant le retard d’évaluation dans la co-infection, les laboratoires pharmaceutiques n’ont guère d’excuses. L’agence du médicament européenne (EMA) accepte, en effet, la tenue de petits essais ouverts (c'est-à-dire sans groupe comparateur) sur 100 personnes, dès lors que les essais équivalents ont été menés chez les personnes mono-infectées (en phase IIB) et donc bien avant les phases III qui sont actuellement en cours.

Le sofosbuvir n’a pas d’interactions avec les antirétroviraux et celles du ledipasvir avec les médicaments anti-VIH devraient être rendues publiques à la fin de 2013. Gilead promet un essai chez les personnes co-infectées avec ces deux molécules dans le courant de l’année 2013.

A quand les ATU ?

De l’avis des spécialistes présents à cette 20e CROI, avec l’amélioration des molécules, les résultats deviennent similaires entre personnes mono et personnes co-infectées et c’est désormais la gestion des interactions avec les médicaments anti-VIH qui est l’enjeu majeur. Des interactions qu’il faut donc évaluer correctement et rapidement afin de ne pas risquer des pertes de chances pour les personnes co-infectées.

En France, les collectifs TRT-5 (dont AIDES est membre) et CHV (collectif des hépatites virales) ont récemment demandé l’ouverture d’ATU nominatives pour les personnes en ayant un besoin urgent. L’Agence de sécurité du médicament (ANSM), plutôt frileuse, a déjà prévenu qu’elles ne seraient autorisées que dans un deuxième temps pour les personnes co-infectées. Lesquelles sont pourtant les personnes dont l’hépatite évolue le plus vite et qui ont le plus souvent des contre-indications à l’interféron. Cherchez l’erreur !