CROI 2013 : quelles stratégies pour mettre fin à l’épidémie ?

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La CROI ne s’intéresse pas uniquement aux avancées thérapeutiques, de nombreuses présentations portent sur la prévention, l’accès aux traitements. Cette 20e édition a beaucoup traité de ce qui se passait aux Etats-Unis et des différences, très fortes, qui peuvent exister entre les Etats en matière de dépistage, d’accès aux soins, de qualité de vie. Exemplaires les Etats-Unis ? Pas vraiment…

Le dépistage est plus efficace quand il est intégré à une politique qui mobilise et soutient les communautés

Le projet Accept (HPTN 043) a comparé une intervention de dépistage impliquant la communauté avec du "aller vers" et de la lutte contre la stigmatisation en comparaison avec  du dépistage classique en centres spécialisés dans des régions de différents pays (Thaïlande, Zimbabwe, Tanzanie, Afrique du Sud). Dans l’ensemble des sites, il y a eu globalement 25 % de tests réalisés en plus, mais quatre fois plus de positifs détectés dans les zones où le dépistage a été associé avec une intervention communautaire. La réduction de l’incidence dans ces régions a, cependant, été modeste.

Quel est le meilleur modèle de dépistage ?

Trois modèles de dépistage ont été comparés :

Modèle A : envoi du patient par le médecin après la consultation externe ;
Modèle B où le test est réalisé pendant la consultation ;
Modèle C où le test est proposé en amont de la consultation par des conseillers.

Aucune différence significative en terme de personnes éligibles au test ou ayant accepté n’a été trouvée. Cependant, le modèle C est plus efficace pour attirer les adultes entre 18 et 40 ans et a été trouvé plus pratique.

Menaces économiques et politiques sur la durabilité du traitement

24 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde ont des antirétroviraux (54 % si on ne tient compte que de ceux qui en ont besoin selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé). Les Etats-Unis ont-ils les moyens d’augmenter et de faire se poursuivre la couverture ? Les ressources américaines pour contribuer à l’accès au traitement dans le monde stagnent et régressent même depuis 2008. Aux Etats-Unis, les dépenses de santé pour les plus pauvres semblent augmenter, mais une fois ajustées sur l’inflation elles baissent. La réforme Obama implique des décisions au niveau des Etats pour mettre en place la couverture sociale et il existe des inégalités entre Etats pour l’appliquer avec des oppositions des Etats du Sud des Etats-Unis.

Les Etats du Sud des Etats-Unis les plus touchés par le VIH

La Géorgie (où se trouve Atlanta) et la Floride sont les Etats les plus touchés, car plus de stigmatisation, de pauvreté, de ruralité, d’immigration, de racisme, d’homophobie et moins d’accès aux assurances Santé. Il y a plus d’attente dans les services de soins pour personnes précaires, la part des finances dans ces Etats dédiée à la santé est plus faible. Les politiques d’éducation sexuelles ne sont fondées que sur l’abstinence.

Test and Treat ou PrEP ?

Des études permettent de modéliser ce qui devrait être plus efficace entre Test and Treat (mettre l'accent sur la proposition de dépistage et de traitement le plus précoce possible) et PrEP (prise de médicaments anti-VIH par des séronégatifs dans un but préventif). Tout dépend du réseau sexuel des partenaires. En effet, la différence de dynamique de l’épidémie à partir d’une personne qui s’infecte avec un partenaire en primo-infection et qui a un vaste réseau sexuel sera différente d’une personne qui a un faible réseau et qui vit en couple séro-différent. Dans le premier cas, les politiques PrEP seront plus efficaces, Test and Treat étant plus adapté au second cas. En fonction des communautés, les informations indiquant la nature des réseaux sexuels sont donc importantes à connaitre.

Où mettre en priorité les ressources pour la prévention aux Etats-Unis ?

Il faut privilégier les groupes à forte incidence pour éviter l’acquisition du VIH et les zones à forte prévalence VIH pour permettre l’accès aux soins pour réduire la transmission. C’est ce qui est supposé le plus coût-efficace pour avoir un impact sur l’épidémie. Une étude sur cinq ans montre que des allocations de ressources correctes sont associées à une baisse de l’incidence des nouveaux diagnostics. L’utilisation de médicaments génériques pourrait faire économiser un milliard de dollars par an aux Etats-Unis. Il n’y a pas, pour l’instant, assez de ressources pour la prévention aux Etats-Unis, et notamment vers les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH).

La cascade devient un moyen d’évaluer les politiques de santé des Etats aux Etats-Unis

La cascade de l’accès aux soins représente les proportions de personnes vivant avec le VIH diagnostiquées, puis orientées dans le soin, "maintenues" dans le soin, mises sous traitement et finalement dont la charge virale devient indétectable. Le dernier chiffre est de 28 % aux USA, c'est-à-dire que seuls 28 % des séropositifs sont susceptibles d’aller bien et de ne pas transmette le virus.  Les cascades ont des chiffres différents d’un Etat à l’autre, ce qui traduit des différences dans les politiques de santé publique d’un Etat à l’autre. 

En France, ce chiffre est actuellement de 52 %, selon les chiffres publiés lors de cette 20e CROI par deux chercheuses de l'Inserm, Virginie Supervie et Dominique Costagliola.