Croi 2014 : quel futur pour les programmes d’accès au traitement au Sud ?

Publié par Renaud Persiaux et Emmanuel Trénado le 09.03.2014
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ThérapeutiqueAccès au traitement

Cela fait déjà 10 ans qu’ont débuté les grands programmes d’accès au traitement au Sud, Pepfar et le Fonds mondial. Quel bilan en tirer ? Et quelles pistes pour améliorer leur efficacité ? C’était le thème du brillant exposé de Stefano Bertozzi, professeur de santé publique à l’université de Berkeley en Californie, jeudi 6 mars, lors de la dernière plénière de la Croi 2014 (Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes).

6,7 millions de personnes ayant accès au traitement antirétroviral en 2013, plus de 4 millions d’hommes circoncis, et dans de nombreux pays, une baisse du nombre de nouvelles contaminations au VIH et de la mortalité liée au sida. Tel est le bilan de Pepfar (President's Emergency Plan for Aids Relief), l’initiative d’accès au traitement américaine.

Stefano Bertozzi a focalisé sa présentation sur l’aide américaine. C’est sans compter bien entendu l’aide fournie par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la France est le 2ème contributeur - l’engagement de la France permet à un peu moins d’un million d’Africains d’avoir accès au traitement anti-VIH.

Les progrès ont donc été considérables même s’ils ne sont pas uniformes dans tous les pays africains. Au Nigéria, par exemple, la mortalité liée à l’infection à VIH augmente, et en Ouganda le nombre de nouvelles contaminations est en hausse.

Mieux évaluer l’impact des programmes

Quelles perspectives pour les années à venir ? Bien entendu, il faut plus d’argent pour traiter plus de malades. Mais, Stefano Bertozzi démontre aussi que les pays doivent mettre en place un suivi précis et documenté de l’avancée et de l’impact des programmes d’accès au traitement et à la prévention. Un exemple, le Rwanda. Ce pays a mis en place un système d’information sur les files actives de ses cliniques. Ce système révèle que dans certaines cliniques le coût de la prise en charge d’un patient est deux fois plus élevée dans d’autres cliniques. Stefano Bertozzi propose la mise en place d’un système d’information qui permettrait de suivre l’activité de chaque clinique dans un pays en relevant trois indicateurs clés : le pourcentage de patients qui commencent un traitement en dessous de 200 CD4, le pourcentage de patients dans le soin après la première année d’initiation des traitements et le pourcentage de patients indétectables. Ces informations permettraient de calculer le coût moyen par patient indétectable dans le soin. Ainsi, le pays pourrait comparer les cliniques entre elles et déterminer lesquelles il faut améliorer.

Le coût d’un dépistage varie de 1 à 10

Même principe pour les activités de prévention, Stefano Bertozzi démontre que le coût d’un dépistage peut varier de 1 à 10 dans un pays comme la Zambie. Il propose que l’on documente le montant dépensé, par patient qui commence les traitements ARV. Les activités de dépistage mériteraient d’être plus ciblées et surtout de documenter ce qui se passe une fois que le patient est dépisté positif.

Sa conclusion : en matière de prévention et de dépistage nous en sommes encore au stade de "saupoudrer du sel dans l’océan". Une conclusion qui rejoint la demande de certains groupes minoritaires (les homosexuels, les trans, les usagers de drogues, les travailleurs du sexe) de ne plus être exclus des programmes de prévention, de dépistage et de soins.