DDD : le rapport 2016 pointe un recul des droits

Publié par jfl-seronet le 19.03.2017
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Droit et socialDDDdéfenseur des droits

Le Défenseur des droits a publié, fin février, son rapport annuel d’activité — il couvre l’année 2016. En voici quelques points clefs.

En 2016, près de 130 000 demandes d’interventions ou de conseils ont été faîtes auprès des services du Défenseur des droits dont 86 596 dossiers de réclamation, 44 474 appels téléphoniques. Le Défenseur des droits s’est autosaisi 22 fois. L’année dernière, 81 949 dossiers ont été traités ; 119 dépôts d’observation ont été faits devant des juridictions. Dans 83 % des cas, les décisions de juridictions confirment les observations des institutions. Par ailleurs, près de 80 % des règlements amiables engagés par l’institution aboutissent favorablement. Si l’on s’intéresse plus particulièrement aux discriminations, on passe de 4 846 réclamations en 2015 à 5 203 en 2016, soit une évolution de 7,4 %. En matière de réclamations sur l’accès aux droits, on passe 33 132 en 2015 à 35 504 en 2016, soit une évolution de 7,2 %. L’augmentation des réclamations (au total) est de 8,8 % sur l’année 2016 et de 17,9 % depuis 2014. Voilà pour les grands chiffres. Côté constats, il n’y a pas que des bonnes surprises.

L’accès aux droits recule dans notre pays

S’appuyant sur les dossiers traités, le rapport sur l’année 2016 observe "un manque d’information sur les droits, une opacité de la loi, un certain retrait du service public et une réduction des fonctions d’accueil, d’orientation et d’assistance au profit de procédures numérisées". Par exemple, le Défenseur des droits est régulièrement saisi de réclamations qui pointent le nombre croissant de pièces justificatives requises pour pouvoir bénéficier de prestations ou d’allocations telles que le RSA (revenu de solidarité active) ou de réclamations soulignant les difficultés des bénéficiaires de prestations sociales pour transmettre des documents aux organismes sociaux. Il est à noter que les réclamations liées à ces derniers organismes représentent plus de 40 % du total des saisines du Défenseur des droits.

Sans oublier que, parfois, les informations délivrées aux usagers sont parfois erronées, ce qui constitue un obstacle pour formuler une demande. "Certaines saisines illustrent des défaillances structurelles ou systémiques qui ne sont pas imputables à la pratique administrative d’un agent public mais à l’organisation d’un service administratif ou d’un organisme en charge d’un service public", indique explicitement le rapport. Certaines administrations rencontrent des difficultés à imposer une pratique uniforme en raison de la grande complexité des procédures à mettre en œuvre. Et ce n’est pas tout… Comme le note le Rapport pour l’année 2016 : "Dans une société où la solidarité est organisée autour de systèmes complexes de cotisations et de prestations sociales, les exigences administratives et les difficultés de relations avec les services des organismes gestionnaires sont susceptibles de détériorer considérablement et brutalement les conditions de vie des personnes".

Un rôle d’alerte dans un contexte d’état d’urgence

Dans le contexte exceptionnel de restriction des libertés instauré par l’état d’urgence le 26 novembre 2015 (et toujours en vigueur), le Défenseur des droits a mis en place un dispositif de saisine dédié dès le 26 février 2016. Le bilan des situations, dont il a ainsi été saisi, l’a amené à constater, au sein même de la population et des familles, les tensions découlant des opérations liées à l’état d’urgence, indique le rapport. Concernant les perquisitions menées dans le cadre de cet état d’urgence, le Défenseur des droits a fait des recommandations invitant à mieux prendre en compte la présence d’enfants, à formaliser les relations entre forces de l’ordre et personnes concernées et à prévoir un régime exceptionnel d’indemnisation pour les dommages causés par ces mêmes perquisitions (cassage de portes, par exemple). En 2016, le Défenseur des droits a été conduit à se prononcer sur l’équilibre entre les exigences de la sécurité et le respect des garanties des libertés fondamentales.

La question des migrants a aussi mobilisé le Défenseur des droits. En mai dernier, le Défenseur a publié le rapport "Les droits fondamentaux des étrangers en France". Il s’est prononcé à plusieurs reprises pour souligner qu’au mépris des droits universels, la qualité d’étranger est prise en considération avant la qualité d’usager, de malade, d’enfant, etc. Plusieurs recommandations portant sur la prise en charge des mineurs étrangers, et spécialement des mineurs non accompagnés, ont mis en lumière les défaillances des autorités européennes et françaises dans l’application des droits des étrangers et des migrants.

Quelques éléments de conclusion du Défenseur des droits

En matière de lutte contre les discriminations en France, l’insuffisance des politiques publiques ne permet pas d’atteindre les résultats escomptés, et ce malgré le dispositif juridique mis en place au cours des quinze dernières années et en dépit des actions de la Halde puis du Défenseur des droits. Ce jugement, écrit dans le rapport pour l’année 2016, est sévère. Le Défenseur rappelle aussi qu’un tiers seulement des personnes vivant en France connaissent les possibilités de recours et d’intervention en cas de discrimination et qu’environ 80 % de ces mêmes personnes pensent que "cela ne sert à rien" d’engager des démarches dans ce domaine.