Aids 2016 : Entre progrès et nouveaux défis

Publié par Sarah Benayoun le 27.07.2016
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ConférencesAids 2016

Du 18 au 22 juillet 2016, la ville sud-africaine de Durban a accueilli la conférence mondiale sur le sida rassemblant près de 18 000 chercheurs, cliniciens, décideurs, personnes vivant avec le VIH et autres acteurs de la société civile. Chargée de projet à la Mission innovation recherche et expérimentation (Mire) à AIDES, Sarah Benayoun, a réalisé pour Seronet une synthèse personnelle de la conférence à laquelle elle a participé.

En 2000, dans ce pays parmi les plus touchés par l'épidémie de sida, s’était déjà déroulée une conférence similaire. Elle avait marqué un tournant dans la lutte contre le VIH. Elle joua d’ailleurs un rôle de tremplin dans l’accès aux médicaments, en particulier pour les pays du Sud qui concentraient alors le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH, mais n’avaient paradoxalement qu’un très faible accès aux antirétroviraux.

Seize ans plus tard, les avancées de la recherche, les innovations en prévention, les améliorations de la prise en charge,  la prise en compte par les gouvernements et les pouvoirs publics de l’enjeu de l’accès aux traitements pour tous ont permis de changer l’histoire de l’épidémie. Aujourd’hui, plus de 17 millions de personnes sont, en effet, sous traitement, contre seulement un million de personnes en 2010. Des progrès impressionnants qui ne doivent cependant pas faire oublier que 20 millions de personnes devraient encore accéder à un traitement. Ce constat est d’ailleurs au centre des préoccupations de cette 21e conférence qui s’est déroulée autour du thème "Access Equity Rigth Now". Il s’agissait de définir les grands axes pour garantir que personne ne soit laissé pour compte dans cette bataille pour atteindre l’objectif ambitieux du 90-90-90 fixé par l’Onusida, à l’horizon 2020 pour stopper mondialement la propagation du VIH/sida d'ici 2030.

Dès la cérémonie d’ouverture, les principaux objectifs et enjeux de cette conférence ont été clairement énoncés. Tout d’abord, un accent majeur a été mis sur l’importance de rassembler et de mobiliser les acteurs de la lutte contre le sida pour chercher des réponses adaptées aux besoins des populations et groupes vulnérables. En effet, les enfants et adolescents, les femmes, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les personnes trans, les travailleurs et travailleuses du sexe et les personnes usagères de drogues, connaissent, aujourd’hui encore, des difficultés d’accès aux traitements, à la prévention, aux soins et aux services de soutien. Cette volonté de mettre en place des solutions pour faciliter l’accès aux traitements et aux soins de ces groupes et populations ne peut se faire sans un combat de tous les instants contre les barrières et injustices que constituent les discriminations liées au genre, aux groupes ethniques, à la nationalité, à l’âge, au lieu de vie, à l’orientation sexuelle et au statut sérologique. De plus, c’est en abrogeant les lois qui violent le droits des personnes et qui empêchent les communautés et groupes de participer et de s’impliquer dans ce mouvement global que l’on pourra changer le cours de l’épidémie.

Le programme de cette conférence a offert des pistes de réflexions en présentant les nouvelles connaissances scientifiques, les nouveaux résultats de la recherche et en offrant des opportunités pour promouvoir et renforcer les collaborations scientifiques et communautaires à travers le monde. Au terme de cette conférence, lors d’une cérémonie de clôture destinée à dresser le bilan de cette 21e édition et à envisager les perspectives futures, plusieurs rapporteurs et intervenants de la recherche ou des communautés sont successivement revenus sur les temps forts et grandes annonces de cette conférence avec en commun un message fort : passer du discours à l’action pour mener à bien la bataille pour parvenir aux objectifs de 2020 puis 2030.

C’est ainsi, sans surprise, que les rapporteurs et intervenants ont rappelé l’annonce choc : "Il n’y a plus de réelle diminution de l’incidence de l’infection à VIH avec plus de deux millions de nouveaux cas d’infection dans le monde chaque année". Ce constat alarmant confirme le besoin imminent d’améliorer et de changer les méthodes d’accès aux soins, aux traitements et à la prévention. Sur un plus long terme, c’est le vaccin thérapeutique et les nouveaux traitements permettant une rémission qui sont au cœur des débats. Plusieurs intervenants ont souligné le fait que, désormais, nous possédons les outils, les connaissances, que nous maitrisons les problématiques et les besoins des populations et groupes clés mais que nous ne savons pas comment aller assez vite pour atteindre les objectifs dans le temps imparti. Le succès des interventions futures réside dans leur diversification. Afin d’utiliser efficacement les outils à notre disposition et de les rendre accessibles au plus grand nombre, il faudra mettre en place des stratégies ciblées et adaptées aux spécificités des populations et groupes concernés.

Une autre thématique importante de cette conférence a été celle de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) pour laquelle de nouveaux résultats d’études cliniques ont été présentés. Ce nouvel outil qui peut changer la donne en matière de prévention remet au centre des discussions l’enjeu de l’accès universel aux traitements pour toutes les populations et groupes clés, au Nord comme au Sud. Chris Beyrer le président de l’International aids society (IAS) a ainsi lancé un nouvel appel pour la PrEP : "En 2000, Durban lançait l’ère de l’accès aux traitements. Faisons de cette conférence de Durban 2016, celle de l’ère de l’accès à la PrEP".

Le rôle central de l’implication des communautés dans la réponse à l’épidémie VIH/sida a également été évoqué en différentes occasions. Ce sont les personnes qui vivent avec le VIH/sida qui en parlent le mieux, qui sont les plus à même d’exprimer leurs besoins et qui savent ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas pour elles-mêmes et leur communauté. C’est ainsi en groupant les efforts et en renforçant  les collaborations entre acteurs de la recherche scientifique et acteurs communautaires que des solutions innovantes et efficaces conçues et adaptées aux besoins des communautés pourront voir le jour. Plusieurs intervenants se sont d’ailleurs réjouis de la récente "professionnalisation" des activistes du VIH qui sont désormais présents au sein des instances décisionnaires. Ces derniers ont été particulièrement présents et remarqués lors de cette conférence, au cours de laquelle ils ont remis au centre du débat la question de l’implication des gouvernements et des financements dans la lutte contre le VIH/sida. Des slogans percutants tels que : "Fully fund the global fund" ("Financez intégralement le fonds mondial") ont ainsi résonné dans la ville, lors d’une marche militante très animée et tout au long de la conférence.

Difficile de ne pas revenir sur certaines interventions particulièrement éloquentes de plusieurs personnalités. C’est le cas de l’actrice sud-africaine Charlize Theron qui, seize ans après, reprenait le fameux thème de la conférence mondiale de 2000, en déclarant nous devons "briser le silence". Elle faisait alors référence à un discours historique de l’ancien président Nelson Mandela qui affirmait qu’il fallait : "Briser le silence, éliminer le stigma, les discriminations et assurer la participation de tous dans cette lutte contre le VIH". Aujourd’hui encore, ce combat reste à mener, car toujours selon Charlize Theron : "Le VIH n'est pas juste transmis par le sexe — il est transmis par le sexisme, le racisme, la pauvreté et l'homophobie. Si nous voulons éradiquer le sida, nous devons d'abord guérir de cette maladie qui ronge nos cœurs et nos esprits".

C’est un message d’enthousiasme et d’espoir qui a résonné lors de la cérémonie de clôture quant à la place de la jeune génération dans ce combat. Trop souvent oubliée des instances décisionnaires, cette conférence a permis de la replacer au centre des débats en leur octroyant des espaces de parole et d’échanges qui lui permettront sans doute de prendre leur avenir en main et de mettre fin à l’épidémie du sida.