De la suite… dans les idées !

Publié par Rédacteur-seronet le 30.06.2013
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InitiativeCCCV 2013

Elles et ils y étaient ! Patricia, Nicole, Jeanne-Marie, Domi, Henri, Jean-Marie, Jean-Pierre, Jean-Claude, William et Pascal, experts du vivre avec, ont participé à la conférence de consensus communautaire (CCCV) organisée par Aides. Nous leur avons demandé, quelques jours après son déroulement, de revenir sur l'événement, ce qu’ils en ont pensé et ce qu’ils y ont vécu. Et comment voient-ils la suite ?

"J'ai participé à cette conférence parce que l'initiative me semblait être l'occasion idéale d'une confrontation entre des personnes vivant avec le VIH et les experts et ainsi pouvoir évaluer l'implication présente et/ou future des différents acteurs", explique Patricia. Elle a participé à l’atelier Pauvreté qu’elle n’a pas vraiment choisi, atelier qui, au final, est "devenu social". Cela tombait plutôt bien d’ailleurs. "Ce qui m'intéresse, c'est de porter une réponse aux facteurs liés aux ressources qui affectent la qualité de vie en augmentant les angoisses liées à la vieillesse et qui risquent de compromettre, la capacité et l'aptitude de chacun, à prendre sa santé en charge", explique Patricia. Pour elle, "la participation à cette conférence est une première étape. J'aurais souhaité plus d'échanges avec les professionnels qui ont participé aux ateliers, plus de temps. Je ne suis pas en mesure d'en évaluer l'impact sur le court et long termes, mais je suis certaine que cela a été une excellente initiative". Et la suite, comment la voit-elle ? "Peut être continuer l'état des lieux sur les thèmes comme la pauvreté, la prise en charge médicale, et associer les représentants des autres maladies chroniques pour assurer la véritable prise en charge sociale de ces pathologies et travailler en collaboration avec toutes les instances et associations qui sont susceptibles de traiter le sujet comme les COREVIH, le Collectif interassociatif sur la santé, etc. Concernant AIDES, l’association doit affirmer une vraie volonté de continuer dans les territoires d’action avec des actions de plaidoyer".

Domi, lui, a apprécié "les échanges avec les autres participants, les experts de santé venus le vendredi. Le relationnel avec les militants d’autres régions, les contacts". Il a personnellement noté "une plus grande confiance" à s’exprimer en public et pense aussi à la suite. "J’espère que les recommandations émises suite aux différents ateliers auront un impact sur les futures politiques de santé et nous permettront de vivre mieux avec notre (nos) pathologie(s)", explique-t-il.
 Jean-Marie a choisi l’atelier consacré à la santé. "De formation paramédicale, il me semblait plus facile d'émettre des idées et plus simple de retranscrire les informations recueillies". Que retire-t-il de la conférence ? "J'ai pu me rendre compte du professionnalisme et de l'engagement des salariés du siège et le niveau des intervenants extérieurs m'a démontré à quel point AIDES peut intervenir dans le débat de société", explique Jean-Marie.

C’est à Perpignan que William a participé à ce qu’il appelle le "débroussaillage" en amont de la conférence. "Il était nécessaire voire indispensable pour la bonne coordination des propos futurs." "J'ai participé à cette conférence car je me sens concerné personnellement par les quatre thèmes retenus ; par envie de mettre un pied dans l'action d'AIDES et pour faire écho à certains constats évoqués par le public concerné. Jusqu'alors, je n'avais pas l'impression de vieillir et d’être à plus de 50 ans avec le VIH ! C’est sympa de me l'avoir rappelé ! Faudra que j'y réfléchisse !", s’amuse William. Il a chois l’atelier Pauvreté par pur hasard, ceux qui le passionnaient (Sexualité et Santé) étaient saturés. "J'ai pu y être actif, je crois, pour avoir vécu la paupérisation induite par la perte d'activité professionnelle, puis le trou-chambardement entre l’AAH et la retraite et surtout la complexité du système administratif qui "ballade" le quidam". Que lui a apporté sa participation ? "Tout d'abord me voir afficher ma sérologie en public élargi pour la première fois depuis 1994 (dans un an presque jour pour jour : champagne ! Si, c'est permis !) et ce n'est pas rien ce ressenti parmi autant de personnes ouvertement "déclarées" ; ensuite découvrir des "survivants" aux parcours hospitaliers que je ne mesurais pas (finalement, ma guerre avec les effets secondaires des trithérapies, c'est presque de la gnognotte) et surtout mesurer l'énergie positive de ces "ressuscités", j'avoue humblement m'en être repu ; enfin, le vif sentiment d'élaborer un outil de travail pour nos politiques et fonctionnaires, document final au bénéfice exclusif de mes confrères et consœurs d'infortune. Et c'est cela, ce sont eux, les plus importants à mes yeux". Comment William voit-il la suite ? "Attendre le compte-rendu définitif de cette conférence et me l'approprier pour le  répercuter efficacement  auprès de publics concernés et non présents à ces journées ; veiller et vérifier ses répercutions dans la réalité pratique et surtout réfléchir à mon engagement communautaire".

Lorsqu’on lui demande pourquoi elle a participé à cette conférence Jeanne-Marie explique : "J’ai participé à cette conférence parce qu’âgée maintenant de 56 ans avec 28 ans de séropositivité, je me sens préoccupée par les problèmes du vieillir avec le VIH alors que comme la plupart des participants, je n’espérais pas atteindre l’âge actuel. Ma longévité me fait plaisir, le seul bémol étant les lourds effets indésirables des traitements et de l’âge aussi. J’ai l’impression d’un vieillissement prématuré. J’ai choisi de participer à l’atelier Pauvreté car justement je suis en train de vivre une période de vie à laquelle je ne suis pas du tout préparée. La trajectoire de ma vie a été modifiée par ce virus qui s’y est introduit et avec lequel je dois composer. Mon parcours professionnel est très décousu. Je n’ai pas assez travaillé pour prétendre à une retraite digne ici en France. Je ne peux rien prétendre de mon pays d’origine non plus, pays que j’ai dû quitter en catimini pour des raisons politiques alors que je n’avais même jamais envisagé de partir en exil. Donc mon avenir me semble sombre, incertain, dans une pauvreté extrême". La conférence m’a permis de me retrouver avec d’autres personnes ayant les mêmes préoccupations que moi. Mais surtout, elle nous a permis de mutualiser nos vécus et nos avis, de faire des constats et d’émettre des recommandations en vue d’un meilleur vieillir avec le VIH. C’est bien qu’à cette conférence, il y ait eu d’une part les personnes vivant avec le VIH et d’autre part les divers professionnels des secteurs médico-sociaux". La suite ? "Il serait vraiment déplorable qu’un chantier que nous venons de lancer demeure lettre morte... J’espère que la réflexion collective continuera et qu’un jour la rencontre entre "nos savoirs profanes en tant que vétérans dans le vieillissement avec le VIH dans notre chair" d’une part et "le savoir médical et scientifique" d’autre part, portera des fruits plus rassurants pour les personnes vivant avec le VIH".

Les interrogations de Jeanne-Marie, Nicole les partage. "J’ai participé à cette conférence car je vais avoir 56 ans bientôt, que c’était une chose inespérée et que l’âge avançant je me pose des questions sur ce qu’il adviendra de moi quand je serai fatiguée, à la retraite et peut-être cumulant d’autres maladies liées à la vieillesse. Sachant par ailleurs que je n’aurais pas travaillé suffisamment en France pour toucher une retraite qui me permette de vivre, comment vais-je m’en sortir ? Ayant vécu ici depuis tout ce temps est-ce que je devrais rentrer en Afrique où la prise en charge est approximative… pour attendre de mourir ?"

C’est de sexualité que Nicole a parlé dans son atelier. "J’ai choisi l’atelier Sexualité parce que c’est une vraie problématique pour moi et pour les personnes qui fréquentent les groupes que j’anime. Quelqu’un disait dans ces groupes-là et je cite : "La sexualité, ce n’est pas que le sexe, c’est aussi la tendresse et c’est aussi savoir que vous avez quelqu’un avec vous pour parler et échanger ; quelqu’un auquel on a envie de plaire et pour qui on fait des efforts  pour rester bien dans sa tête…", mais la difficulté c’est qu’on est très seuls. J’ai vu des personnes qui ont littéralement fait abstraction de la sexualité. Et moi, cela me pose un vrai problème", explique Nicole.

Dans son atelier, Jean-Claude a traité de l’isolement. Il a trouvé cela un "peu vague", mais a une explication : "Les personnes les plus concernées, de par la nature même du sujet de cet atelier, l’isolement, forcément, elles n’étaient pas présentes. Ce sujet me semble particulièrement délicat à traiter. On peut venir parler de sa sexualité ou de ses problèmes médicaux ou sociaux. Mais, ceux qui s'isolent le plus, pouvaient-ils être présents pour parler de leurs problèmes, alors que justement ils ont du mal à communiquer avec autrui. Pour le dire plus crument, j'ai eu le sentiment que les personnes présentes faisaient part de leurs craintes personnelles d'isolement éventuel futur… à long terme. J'ai essayé d'apporter ce que je pensais avoir compris des difficultés des personnes les plus isolées que j'avais eu l'occasion de rencontrer, et, franchement, je me suis senti… isolé, sur ce sujet !"

"J’ai choisi l'atelier sur l'isolement, parce les autres étaient surnuméraires et qu'il fallait bien se positionner dans un groupe", explique Jean-Pierre. "Cela dit, c'est une question qui me travaille bien. Je fais des efforts considérables pour échapper à l'isolement qui guette celui qui vieillit, séropositif ou non, mais un peu plus s’il est homosexuel et pas en couple. Et ce n’est pas facile. Les propositions faites aux associations gay et lesbiennes étaient intéressantes, mais je n'y crois pas vraiment. Il est difficile de garder le contact avec les jeunes générations dont les centres d’intérêt sont si différents. Leurs préoccupations sont différentes. J'aime transmettre une expérience, mais savons-nous le faire sans emmerder ? Il y a tout de même dans le vieillissement gay et séropositif quelque chose de particulier".

"J'ai participé à cette conférence, parce qu'on m'y a invité. J'ai été plutôt flatté. Je pensais que AIDES ne s'intéressait plus aux séropositifs. Ce qui est faux, à l'évidence", indique encore Jean-Pierre. "La PREP, le TASP et autres salles de shoot ont davantage le vent en poupe, mais ça c'est histoire de la jeunesse, cela ne nous concerne plus. Pour la première fois, j'ai pris conscience que la population séropositive de plus de 50 ans existait vraiment. Les échanges ont été très riches. Je suis toujours curieux de savoir comment les autres font".

Sentiment très différent chez Henri qui ne ménage pas ses critiques. "Trop de redites pour cette conférence. Que de perte de temps, mais j'ai l'impression qu'à AIDES beaucoup de personnes aiment ouvrir des portes déjà ouvertes. Il suffisait de reprendre le travail fait par AIDES Ile-de-France avec "SIDA Alerte Banlieues", tout était déjà dit et que dire des Etats généraux à la Défense en 2010 [Etats Généraux sur la prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH en Ile-de-France organisés par l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France]. Pour ma part, j’aimerais que AIDES travaille plus avec d’autres associations notamment avec l’ADMD [Association pour le droit de mourir dans la dignité, ndlr] qui milite sur les droits des malades en fin de vie".

"J’ai voulu participer pour la bonne raison que le sujet me touche, puisque j’ai 50 ans et que j’ai la chance de vieillir avec le VIH après 26 ans de lutte", explique Pascal. "Le choix de l’atelier Sexualité était pour moi une évidence pour lutter surtout contre la sérophobie et espérer que AIDES et d’autres associations fassent des campagnes sur ce thème. Cette conférence m’a beaucoup apporté : échanges fructueux, rencontres intéressantes avec des militants inconnus… Nous avons été entendus par certains experts et notamment les COREVIH auxquels nous avons demandé pour chaque atelier qu’une réflexion sur le thème vieillissement et VIH soit menée", explique-t-il. Et la suite ? "J’aimerais que chaque territoire d’action de AIDES s’approprie ce travail, que chaque territoire organise un point retour dans les réunions d’équipe et les rencontres mensuelles et surtout que les jeunes séropos et autres militant-e-s non séropos s’en emparent aussi. J’aimerais également qu’on organise de nouveau cela l’an prochain et qu’on y invite les jeunes justement ! Merci de nous avoir donné la parole, en espérant qu’elle va être entendue et qu’un travail se poursuivra dans tout AIDES  et que nous aurons à nouveau ce type de journées en élargissant un peu le public afin de mieux communiquer ou se comprendre entre jeunes et vieux séropos", insiste Pascal.