De nouveaux indicateurs pour améliorer l'accès aux traitements du VIH

Publié par jfl-seronet le 30.06.2015
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ThérapeutiqueAccès au traitement

Les recommandations de l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) préconisent une mise sous traitement antirétroviral précoce dans le cadre de l’infection par le VIH. Logique, les études scientifiques confirment largement l’intérêt de démarrer le plus tôt possible le traitement. Pourtant, comme l’explique l’ANRS et l’Inserm dans une récente publication : on constate que cette initiation est toujours trop tardive, notamment dans les pays à revenu moyen et faible. Extraits.

Un écart assez net existe entre les recommandations officielles (OMS) et les pratiques actuelles de terrain en matière de prise en charge. Dans une étude publiée en ligne dans le Bulletin de l’OMS, l’équipe du docteur Dominique Costagliola (directeure de l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé publique – UMR S 1136 – Inserm / UPMC), en collaboration avec les sites ANRS du Cameroun et de la Côte d’Ivoire, propose deux nouveaux indicateurs permettant d’évaluer les interventions mises en place sur le terrain pour accélérer l’accès aux traitements.

Afrique subsaharienne : la mise sous traitement reste tardive

Depuis 2006, les recommandations de l’OMS préconisent un traitement de plus en plus précoce des personnes infectées par le VIH. En 2006, le seuil de mise sous traitement antirétroviral était de 200 CD4/mm3. Il est passé à 350/mm3 en 2010 puis 500/mm3 depuis 2013. Ces changements de recommandations ont été accompagnés d’une augmentation considérable du nombre de personnes recevant un traitement anti-VIH. Ce nombre a atteint 12,9 millions en 2013, dont 5,6 millions depuis 2010. Cette très forte augmentation laissait espérer que l’objectif, fixé par l’ONU, de 15 millions de personnes sous traitement anti-VIH d’ici fin 2015 puisse être atteint. Reste comme le notent l’ANRS et l’Inserm qu’en Afrique subsaharienne, la mise sous traitement antirétroviral reste tardive. "En 2011, une personne sur deux infectée par le VIH était placée sous ARV avec un taux de CD4 inférieur à 185/mm3.

Or, le retard de mise sous traitement représente autant de risque pour la personne infectée que pour la communauté. De nombreuses études ont, en effet, montré que, d’une part, un traitement initié rapidement diminue, pour les personnes atteintes, le risque de mortalité et de morbidité lié au VIH/Sida, et d’autre part, abaisse la charge virale et ainsi diminue le risque de transmission du virus à autrui", explique l’article des deux agences de recherche. "Une étude publiée en 2009 dans "The Lancet" (1) et menée en Afrique du Sud allait même plus loin en indiquant que l’élimination de l’épidémie de VIH pourrait être envisageable si, et seulement si, les personnes infectées par le virus étaient mises sous traitement ARV dans l’année suivant leur séroconversion".

Améliorer les délais de mise sous traitement

Une question cruciale se pose ici : celle de l’évaluation des "politiques mises en place afin d'améliorer les délais de mise sous traitement". C'est ce que propose l’équipe de Dominique Costagliola qui a développé deux indicateurs de mesure. "Le premier mesure le délai entre la séroconversion et l’accès aux antirétroviraux", le second "évalue l'écart entre les recommandations de l’OMS et ce qui se passe sur le terrain". Leurs résultats sont publiés en ligne dans le bulletin de l’OMS. L’estimation de ces deux indicateurs repose sur une modélisation statistique à partir de données d’une enquête menée sur le site ANRS du Cameroun en 2011 chez des personnes ayant démarré un traitement ARV et de données de la cohorte ivoirienne ANRS Primo-CI de personnes dont on pouvait estimer la date de séroconversion. "Le premier indicateur permet de constater une diminution, légère, du temps moyen entre séroconversion et accès aux antirétroviraux : celui-ci passe de 10,4 ans en 2007-2009, à 9,8 ans en 2010. Le second indicateur a, lui, augmenté Il passe de 3,4 ans pour la période 2007-2009 à 5,8 ans en 2010. Chargée de recherche Inserm au sein de l’équipe de Dominique Costagliola, Virginie Supervie explique dans l’article : "Ces indicateurs reflètent l’écart entre ce qu’il faudrait faire en théorie pour mettre fin à l’épidémie du VIH et ce qu’il se passe en réalité". Ils prouvent que d’importants efforts sont à engager si on souhaite inverser la tendance actuelle et atteindre les objectifs onusiens. "Dans l’exemple des pays choisis pour l’étude, avec des délais de mise sous traitement de 10 ans à partir de la séroconversion et de 6 ans à partir de l’éligibilité au traitement, la réalité est toute autre. Les indicateurs proposés ici pourraient contribuer à ces objectifs en aidant à l’évaluation des politiques de santé mises en place dans tous les pays confrontés à l'épidémie", conclue l’article de l’ANRS et de l’Inserm.

(1)  : Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, UMR_S 1136 Pierre Louis Institute of Epidemiology and Public Health, F-75013, Paris, France, 2Inserm, UMR_S 1136 Pierre Louis Institute of Epidemiology and Public Health, F-75013, Paris, France, 3Programme PACCI, Site ANRS, Abidjan, Côte d’Ivoire, 4Université Bordeaux, Inserm, IPSED, Centre Inserm U897-Epidémiologie et Biostatistique, F-33000 Bordeaux, France.