Dépassements : les mutuelles sous contrainte, les malades aussi

Publié par jfl-seronet le 14.04.2012
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secteur optionneldépassements d'honoraires
La création d’un secteur optionnel avec dépassements contrôlés et remboursement imposés aux mutuelles complémentaires Santé est très critiquée. Nombreuses sont les voix qui affirment qu’avec ce choix le gouvernement aggrave encore les inégalités d’accès aux soins et fragilise à nouveau le système de santé. Explications.
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Un décret et un arrêté publiés au "Journal officiel" (22 mars) obligent désormais les mutuelles à prendre en charge la part d'honoraire non traitée par la Sécurité sociale… autrement dit le dépassement d’honoraire. Ces textes d'application, issus de la loi de financement de la Sécurité sociale 2012, apportent une solution (particulièrement controversée) à l'ampleur prise par les dépassements d'honoraires médicaux, qui pèsent sur le budget des ménages. Les médecins de bloc opératoire (chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens) du "secteur 2", c'est-à-dire qui pratiquent des honoraires libres, allant au-delà des tarifs remboursés par l'assurance maladie (tarifs opposables), sont particulièrement concernés par ces textes.


Selon le nouveau système, les praticiens qui s’engagent à limiter leurs dépassements à 50% du tarif opposable et à pratiquer 30% de leurs actes au tarif de la sécurité sociale, les complémentaires Santé (mutuelles, assurances, institutions de prévoyance) rembourseront aux personnes l'intégralité des dépassements qu’elles auront du acquitter et l'assurance maladie prendra en charge leurs cotisations sociales sur leurs actes au tarif opposable. Cette solution ne plait pas du tout aux mutuelles puisque, au final, ce sont elles qui paient. Elles avaient d’ailleurs bloqué toutes les négociations sur ce sujet. Le gouvernement a décidé de passer outre, en faisant entrer leur obligation de rembourser ces dépassements dans la loi 2012 de financement de la Sécurité sociale et en publiant ces textes d'application assez vite… et avant les élections. Un sens du timing qui n’est pas étranger non plus à l’enquête de l’UFC/Que choisir sur les dépassements d’honoraires dans le secteur hospitalier. Pour autant, on aurait tort de croire que seules les mutuelles sont en désaccord avec la solution gouvernementale.


En effet, le CISS (Collectif interassociatif pour la santé) n’est pas du tout favorable à cet arrangement… la création de ce secteur optionnel avec dépassements d’honraires contrôlés et pris en charge par les mutuelles. Le Collectif affirme d’ailleurs, dans une note d’information du 26 mars dernier, que cette mesure présentée par le gouvernement "comme un moyen de limiter les dépassements d’honoraires et de faciliter l’accès aux soins (…) recueille en fait l’unanimité des voix des acteurs contre lui : représentants des complémentaires Santé, représentants des médecins, représentants des malades et des assurés sociaux".


Alors qu’en pensent les associations ? Du point de vue des associations en général et du CISS en particulier, depuis qu’a commencé à être évoquée la création d’un nouveau secteur dit "optionnel" comme moyen d’encadrement des dépassements d’honoraires, on souligne que cette solution d’un nouveau secteur s’ajoutant au secteur 2 sans le remplacer n’est pas bonne. Les associations avancent deux argument.

Premièrement, ce "secteur optionnel", où on laisse le choix aux médecins entre continuer à exercer en secteur 2 et passer en secteur optionnel, ne vas pas "réduire les dépassements en moyenne, et encadrer les dépassements abusifs" mais au contraire légaliser les dépassements à leur niveau actuel. Deuxièmement point pour que ce secteur optionnel produise les effets qu’on attend de lui, il faudrait "qu’il se substitue au secteur 2 au lieu de se superposer à lui", ce qui n’est pas le cas.


Le CISS note aussi un vice de ce nouveau secteur. Les praticiens qui sont dans ce secteur doivent réaliser 30% d’activité sans dépassement… C’est ça leur part du contrat. Comment les médecins "choisiront-ils" leurs patients auxquels correspondra leur 30% d’activité sans dépassements, demande le CISS. Le Collectif note qu’il y aura des patients CMU par exemple auxquels les dépassements ne peuvent être appliqués (ce qui est déjà une obligation aujourd’hui, même si elle n’est pas respectée par tous les médecins), mais peu de médecins reçoivent 30% de patients CMU. Ainsi, on peut se demander sur quels critères sera réalisée l’activité sans dépassement, et avec quels moyens s’assurer que ces 30% d’activité ont bien lieu. Autre point, ce "secteur optionnel" n’aborde en aucune manière la question des dépassements d’honoraires en médecine de ville, indique le CISS. Et cela alors même qu’il est "urgent d’aborder la problématique de front et dans son ensemble car si les dérives sont inacceptables dans les établissements de santé, elles ne le sont pas moins en ville. Car les difficultés d’accès aux soins vécues par les usagers sont partout : à l’hôpital, en clinique, comme en ville ; en médecine comme en dentaire ; à Paris comme à Montpellier."


Si on résume, un décret et un arrêté ont été publiés pour répondre au problème des dépassements d’honoraires. Ils créent un secteur optionnel avec dépassements contrôlés et remboursement imposés aux mutuelles complémentaires Santé. Cette décision est critiquée de tous bords. Cette  réforme a deux inconvénients majeurs : elle va renchérir le montant des cotisations des mutuelles Santé et pénaliser davantage encore les personnes qui n’en bénéficient pas… notamment pour des raisons financières.


"Lequel des candidats à l’Elysée avancera la seule bonne idée qui vaille et qui consiste à encadrer effectivement et strictement les tarifs médicaux pour interrompre la logique inflationniste qui explique en partie que la santé arrive maintenant parmi les principales préoccupations des Français ?", demande le CISS.

Commentaires

Portrait de Coeursauvage

Comme d'habitude, des décrets et des arrêtés rédigés sans concertations avec les professionnels de la santé et les organismes concernés, à la va-vite pour tenter d'abuser les électeurs en les persuadant qu'ils vont dans leur intérêt. Mais au final, la facture pour les malades ne va cesser de s'alourdir puisque les mutuelles vont obligatoirement augmenter leurs tarifs pour répondre aux obligations. Là encore, on ne s'attaque pas à l'origine du mal, mais on tente d'en dissimuler les effets. C'est le procédé "cortisone".
Portrait de guppy

en pis, on veut nous traire jusqu'à la dernière goutte!