Dépistage rapide : l'expérience du BCN Checkpoint à Barcelone

Publié par Costa le 10.01.2009
7 260 lectures
Notez l'article : 
0
 
Directeur de l'association Projecte dels NOMS-Hispanosida, Ferran Pujol, a présenté lors d'un colloque européen consacré au dépistage l'expérience du BCN Checkpoint, un centre communautaire qui propose des tests de dépistage rapide aux homosexuels de Barcelone.
bcn1.jpg

Situé en plein quartier gay, le BCN Checkpoint propose à la fois un dépistage rapide (ou conventionnel) du VIH et de la syphilis, des informations sur les autres maladies sexuellement transmissibles, la prophylaxie post-exposition, et une orientation vers les services publics de prise en charge. Chaque rendez-vous dure environ 1 heure afin d'aborder librement la sexualité, les risques, leur perception, etc. Des services anonymes, gratuits et confidentiels, et des intervenants tous gays et séropositifs pour la plupart, qui sillonnent les bars, les boîtes et les clubs du quartier pour promouvoir le dépistage, notamment chez les jeunes ou les migrants, particulièrement touchés. Une approche qui, comme le souligne Sylvain Coudret d'Aides-Paris qui s'est rendu sur place, présente "un intérêt certain dans une région où la santé publique est déficiente et l'épidémiologie balbutiante en ce qui concerne les diagnostics de séropositivité. Mais le vrai plus, poursuit-il, c'est que les personnes qui accueillent les gens sont elles-mêmes séropositives. Cela permet de dédramatiser en cas d'annonce de résultat positif, et cela donne vraiment du sens au communautaire."

Sur près de mille tests pratiqués au Checkpoint en 2007, 37 se sont avérés positifs pour le VIH (dont 8 personnes coinfectées par la syphilis), soit près de 24% de l'ensemble des séropositifs dépistés la même année parmi les homosexuels de Barcelone. "Si les gens acceptent d'attendre 2 à 3 semaines (le temps moyen d'attente pour avoir un rendez-vous) pour se faire dépister au Checkpoint, c'est bien qu'ils y voient un vrai avantage par rapport aux autres structures", explique Sylvain. Un centre qui offrirait donc une vraie plus value, même si on ignore combien de personnes renoncent finalement au dépistage en raison de ce délai d'attente.

Selon Ferran Pujol, la moitié des tests positifs concernaient des migrants Latino-Américains, qui ne représentent qu'un cinquième des personnes dépistées au Checkpoint. La prévalence augmente avec l'âge, et le taux de nouvelles infections reste important puisqu'en moins d'un an, 12 cas de séropositivité ont été enregistrés chez 45 personnes, toutes séronégatives lors du précédent test. Les personnes dont le test est confirmé positif sont orientées vers les consultations VIH de la ville et invitées à rejoindre Infotrat, un groupe de pairs VIH/sida exclusivement réservé aux personnes séropositives de l'association. Les autres bénéficient d'informations destinées à les aider à rester séronégatives, tout en étant conviées à se refaire dépister d'ici 6 ou 12 mois.

Une approche communautaire spécifique plus efficace qu'une stratégie grand public qui, comme l'a souligné Ferran Pujol, pourrait "contribuer à accroître significativement les dépistages précoces et à réduire du même coup la charge virale dans cette communauté". "Même s'il faudrait pouvoir faire plus et l'ouvrir à d'autres champs du bien-être psychologique (estime de soi, santé sexuelle, gestion des produits récréatifs, etc.), le Checkpoint fonctionne très bien et démontre ce que l'on peut faire de manière très correcte en matière de dépistage et de counselling communautaire" analyse, pour sa part, Sylvain Coudret. Prochaine étape : étendre et consolider l'expérience, avec notamment le lancement d'une étude destinée à évaluer la pertinence du counselling parmi les homosexuels séronégatifs.

L'idée du BCN Checkpoint est née d'un triple constat : l'importance de la communauté homosexuelle à Barcelone, celle des taux de prévalence et d'incidence du VIH dans cette communauté, et la vulnérabilité de cette population. Entre 2001 et 2006, alors que les nouvelles infections diminuaient de 1,6% chez les hétérosexuels, elles auraient ainsi augmenté de 5,5% parmi les homosexuels de Catalogne. "Sur 100 gays séronégatifs à 18 ans, 15 deviendront séropositifs à l'âge de 25 ans, 33 le seront à 30 ans et 41 à 40 ans", a notamment indiqué Ferran Pujol, en soulignant que cette incidence dépendait à la fois des comportements individuels et de la charge virale communautaire. Plus que les prises de risque, "c'est donc le contexte qui est très important", a-t-il expliqué. Depuis l'introduction des tests rapides en 2006 en Catalogne, le nombre de tests pratiqués aurait, par ailleurs, augmenté de 118%, voire de 400% dans certaines ONG. D'où l'idée d'un centre de dépistage communautaire pour réduire le nombre de dépistages tardifs et d'une éducation par les pairs pour diminuer les risques de manière efficace.