Dérapage d’un dentiste sur le VIH : Karine en appelle au Conseil de l’ordre

Publié par jfl-seronet le 29.03.2017
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Droit et socialdentistesérophobie

Une formulation qui heurte dans le questionnaire médical d’un chirurgien-dentiste, un échange vif entre lui et une patiente, un dérapage verbal du praticien… C’est l’affaire qui est arrivée à Karine vivant avec le VIH depuis 1992. En colère et déterminée à réagir, Karine a interpellé l’Agence régionale de santé et les institutions ordinales pour dénoncer ce qu’elle considère comme une entorse à la déontologie. Et au vu des réactions officielles qu’elle a reçues… elle n’est manifestement pas la seule.

"Je veux que l’on arrête d’avoir honte. Je veux que l’on arrête de faire peur aux gens… Je ne suis pas une pestiférée". Dans sa voix, au téléphone, on sent nettement la colère… et la détermination de Karine.

Tout est parti d’une consultation chez un chirurgien-dentiste. Le 17 janvier dernier, Karine emmène un de ses enfants en consultation chez un dentiste. C’est la première fois qu’elle le consulte. On lui demande de remplir un questionnaire médical. A la lecture, une question la choque. "J’ai décidé de ne rien dire sur le coup par peur d’être désobligeante. Une fois, rentrée chez moi, je passe un appel à mon médecin spécialiste du VIH à la Pitié Salpêtrière à paris, tant ce sujet me mine. Mon médecin parisien me conseille d’en faire part directement au dentiste. Lors d’un second rendez-vous, le 27 janvier dernier, je luis fais part de ma gêne à voir qu’il a mis la mention "sida" dans son questionnaire médical. Je lui suggère avec diplomatie de remplacer ce terme par la mention sérologie VIH. Je lui explique que c’est plus adapté et que cela correspond à la situation actuelle. Fort heureusement, grâce à l’avancée des traitements, les personnes vivant avec le VIH n’ont pas le SIDA ! Ce dentiste me répond alors qu’il ne faut "pas se voiler la face" et qu’il faut "accepter d’appeler toute personne porteuse du VIH un sidéen !" "A la violence de sa réponse, j’ai bien compris — un de mes fils et mon mari étaient présents ce jour-là — qu’il n’était pas compétent sur ce sujet et bien trop fier pour accepter l’avis d’une personne séropositive, d’une sidéenne !"

"Derrière cet échange, j’ai senti qu’il n’y avait pas seulement une autre vision des choses, mais que j’étais, et les autres personnes séropositives aussi, cataloguer. Sa façon de me répondre, sa réaction laissaient entendre que le sida n’arrive pas à tout le monde, mais à certaines catégories de personnes. Je me suis sentie rabaissée. J’ai trouvé ce moment détestable, comme un retour en arrière. C’était d’autant plus violent que cela venait d’un médecin, qui a l’air cultivé et qui fait grande publicité de tous ses diplômes et titres", explique Karine.

Le 1er février 2017, Karine adresse un courrier à l’Agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté pour dénoncer l’attitude de ce dentiste. "Je me suis sentie blessée au plus profond de moi-même et ma famille choquée par de tels propos. Je peux comprendre la crainte de beaucoup qui est due à l’ignorance, mais je trouve triste, décevant et humiliant que de tels propos puissent sortir de la bouche d’une personne (…) faisant partie du milieu médical. Il faut que cette personne sache que des séropositifs s’ignorent et que des personnes vivant avec le VIH qui sont actives dans leur santé, qui sont sous traitement — comme je le suis depuis 1992 — ne sont pas un danger pour lui et ses patients", écrit-elle. Dans ce courrier, dont copie a été adressée au Conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Saône et Loire, au Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, au Conseil de l’ordre des médecins et à des associations de lutte contre le VIH dont AIDES, Karine attaque sur deux points : la mention "sida" dans les questionnaires médicaux et son corollaire un traitement différencié que rien ne justifie voire discriminatoire et l’attitude proprement dite du praticien concerné. D’ailleurs, note Karine dans son courrier : "Heureusement, il y a en France beaucoup de soignants compétents (…) qui ne jugent pas les personnes contaminées et grâce à eux et à nos familles, nous continuons malgré tout à aimer la vie". Beaucoup, mais pas celui auquel Karine a eu à faire.

Le 16 février, le Conseil national de l’ordre des médecins répond à Karine. "Nous avons pris connaissance de votre lettre (…) Nous comprenons votre étonnement vis-à-vis de l’attitude de ce professionnel de santé à votre encontre. Nous allons communiquer votre lettre à l’Ordre des chirurgiens-dentistes au tableau duquel est inscrit [ce dentiste]. Cette institution pourra prendre contact avec [ce dentiste] pour lui faire part du témoignage d’une de ses patientes et lui rappeler la déontologie de sa profession", écrit le docteur Jean-Marcel Mourgues, président de la section Santé publique et démographie médicale de l’institution.

Le 17 février, c’est le Conseil départemental de Saône et Loire de l’ordre des médecins qui se manifeste. Le docteur Marie-Paule Horat qui en est la secrétaire générale adjointe explique dans un courrier : "Il est possible que cette mention du questionnaire se retrouve sur d’autres formulaires que celui utilisé par (…) ce chirurgien-dentiste" et que la question soulevée par Karine "sera sans doute étudiée"… par d’autres. L’Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté ne tarde pas à réagir. Le 23 février, l’ARS adresse un courrier assez convenu et marqué par la volonté de rester neutre. Le courrier se borne à rappeler à Karine… ce qu’elle a, elle-même, entrepris. Ce qui ne fait pas avancer grand-chose. Seul intérêt, le courrier du service Direction inspection contrôle audit de l’ARS concède qu’il s’agit bien d’une "question de déontologie" pour laquelle le Conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Saône et Loire reste "le seul compétent". Ce dernier réagit le 4 mars. Son président, le docteur Michel Kerlo, indique à Karine que le "sujet a été mis à l’ordre du jour et discuté lors [d’une réunion] le 21 février 2017". "Il a été décidé qu’un rappel à ses obligations déontologiques sera adressé [au dentiste concerné]".

Plusieurs éléments frappent dans cette affaire. D’une part, il y a toujours des dérapages et des manquements aux obligations déontologiques chez certains médecins et cela malgré le niveau élevé des compétences requises. Nombre de ces manquements concernent le VIH, qui reste l’objet de nombreux a priori qui dégradent la relation entre personnes concernées et certains médecins. D’autre part, lorsqu’on est victime d’une telle attitude, on a parfaitement le droit de saisir les instances ordinales pour la dénoncer et bien raison de le faire. C’est le meilleur moyen de faire changer les attitudes. Dans le cas de Karine, le problème a été pris en compte, des réponses ont été faites et rapidement.
Mais changer les attitudes de certains soignants ne peut pas être du seul ressort des personnes qui sont victimes de ces manquements aux obligations déontologiques ou de ces discriminations. C’est aux Conseils de l’ordre d’être proactifs dans ce domaine : pour renforcer la formation des professionnels notamment en matière de VIH, pour poser un cadre pour la rédaction des questionnaires médicaux et sanctionner efficacement les dérapages. On voit bien à la multiplicité des affaires concernant notamment les chirurgiens-dentistes que les lacunes sont nombreuses. Trop nombreuses !

Commentaires

Portrait de jl06

je veux pas la decourager , mais ta affaire à une bande d,hypocrite, qui retombera toujours sur ces pates !

ils se protege entre eux pas de souci , 

maintenant je suit jamais tombe sur un praticien qui ma fait une quelconque remarque , coup de bol ...

je crois que j,aurais une réaction plus violente que toi ! 

on suit avec toi ,courage 

jlb