Dérives du prix du médicament : un colloque et un ouvrage

Publié par jfl-seronet le 22.10.2015
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Le 22 octobre : un colloque à l’Assemblée nationale et un livre ("Le racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir") vont tenter de "provoquer un sursaut de l'ensemble des acteurs" pour que les laboratoires pharmaceutiques retrouvent leur juste fonction et que l'intérêt général retrouve sa place au cœur de la politique du médicament. Explications sur un pari très ambitieux.

Coup double ! Le 22 octobre, la députée européenne écologiste Michèle Rivasi organise avec Jean-Louis Roumégas, député écologiste, un colloque à l'Assemblée nationale sur l'emprise de la "Big-Pharma sur la politique du médicament". Ce même jour, Michèle Rivasi publie, en compagnie de Serge Rader et de l’ancienne juge d’instruction et ancienne patronne du pôle santé du tribunal de Paris Marie-Odile Bertella-Geffroy (affaire du sang contaminé, vaccin de l’hépatite B et polémique sur la sclérose en plaques) un livre aux Editions des petits matins : "Le racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir". Dans cet ouvrage, les trois auteurs ont voulu "démonter les stratégies de lobbying de "Big Pharma" et pointer les conflits d’intérêts liant les industriels aux pouvoirs politiques et aux autorités sanitaires". Ils formulent également des "propositions pour une réforme en profondeur de la politique du médicament". "Dix milliards d’euros d’économies par an sont possibles sans brader la qualité des soins et l’accès égal de tous aux traitements. Seule une réappropriation citoyenne de ce "bien commun" qu’est la santé permettra de susciter une véritable volonté politique de transformer le système", avancent-ils.

Un colloque pour une autre politique du médicament en France et en Europe

Parallèlement à la sortie de cet ouvrage, un colloque est organisé à Paris sous le titre : "Désintoxiquons notre santé de l’emprise des lobbys. Pour une autre politique du médicament en France et en Europe". Cette journée propose différentes tables rondes et l’intervention de très nombreux experts, de militants de l’accès aux traitements, de politiques. Michèle Rivasi et Jean-Louis Roumègas ont souhaité qu’il y ait un "état des lieux de la sur-prescription et de la sur-facturation médicamenteuse en France et sur l'épidémie des conflits d'intérêts dans le domaine de la santé" avec notamment parmi les intervenants : Marie-Odile Bertella-Geffroy, Thierry Bodin, Philippe Even, Serge Rader, Olivier Saint-Jean, etc. Une deuxième discussion portera sur les "pistes pour baisser le prix du médicament et éviter les conflits d'intérêts : la nécessaire réforme de la filière du médicament" avec la participation d’Irène Frachon, Gaëlle Krikorian, Olivier Maguet, Séverine Tessier, un représentant du Leem (les entreprises du médicament) et la sénatrice Marie-Christine Blandin. Une table ronde sera consacrée aux positions des politiques avec notamment Gérard Bapt (député PS), Claude Malhuret (sénateur Les Républicains), Laurence Cohen (sénatrice Front de gauche) et Michèle Rivasi (députée européenne EELV). Par ailleurs, la ministre de la Santé Marisol Touraine devrait faire une intervention.

"Le médicament est aujourd'hui sur la sellette"

"Le médicament est aujourd'hui sur la sellette, expliquent les organisateurs, avec la multiplication des scandales ayant causé des milliers de morts ces dernières années : le Médiator (plus de 1 300 morts), le Vioxx (au moins 35 000 morts), les statines pouvant provoquer de lourdes pathologies (myopathies, cataractes, insuffisance rénale, etc.). Chaque année en Europe, on estime à 200 000 le nombre de morts liés à des accidents médicamenteux. En France, le chiffre officiel est de 20 000 morts par an identifiés auxquels il convient sûrement d'en rajouter 10 000 non recensés du fait des carences de notre système de pharmacovigilance". Pour les organisateurs du colloque, le "secteur pharmaceutique est (…) de très loin la première industrie mondiale en terme de bénéfices exprimés en pourcentage du chiffre d'affaires avec une moyenne de 20 %. (…) Le laboratoire pharmaceutique américain Pfizer a vu son bénéfice net bondir de 51 % à 22 milliards de dollars en 2013. Le bénéfice net des activités de Sanofi pour 2013 se situe à 6,69 milliards d'euros (plus de 9 milliards en 2011). Les taux de profit des principaux groupes pharmaceutiques mondiaux dépassaient en 2009 fréquemment les 30 % : 35 % pour AstraZeneca, 38 % pour Bayer, 36 % pour Roche et 41 % pour Sanofi selon "La Mutuelle générale des cheminots" dans son étude sur l'industrie pharmaceutique". Michèle Rivasi et Jean-Louis Roumégas pointent aussi la "dérive financiariste" du secteur pharmaceutique.

"La politique du médicament est en grande partie responsable du déficit structurel de la Sécurité sociale avec des dépenses qui culminent à 34 milliards d'euros", rappellent-ils.
"Les causes de cette inflation du coût du médicament sont connues : opacité des instances de fixation du prix ; sur-prescription médicamenteuse et sous prescription des génériques ; foisonnement de conflits d'intérêts entre l'industrie pharmaceutique, les médecins, les politiques et haut-fonctionnaires. Il est temps que notre République sapée par la généralisation des conflits d'intérêts et de la corruption se ressaisisse et réponde au lobbying institutionnel des multinationales et à la faiblesse des moyens de contrôle démocratique dans l'exécution des politiques de santé publique. L'industrie pharmaceutique a permis pendant des décennies des progrès thérapeutiques considérables en transformant des découvertes en recherche fondamentale de centres de recherche publics en produit de santé sûrs et efficaces par des efforts considérables mis en recherche et développement", expliquent les organisateurs du colloque. Un colloque qui a "pour ambition de provoquer un sursaut de l'ensemble des acteurs pour que les laboratoires retrouvent leur juste fonction et que l'intérêt général retrouve sa place au cœur de la politique du médicament".