Des ARV 4 jours sur 7 : des hypothèses biologiques à confirmer

Publié par Renaud Persiaux le 29.07.2011
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ThérapeutiqueleibowitchICCARRE

Prendre ses antirétroviraux quatre jours sur sept, avec la même efficacité ? Si l’idée de Jacques Leibowtich est belle, l’essai Iccarre devra être irréprochable sur le plan scientifique et éthique. D'abord, pour s'assurer que la stratégie est sûre. Ensuite pour identifier pourquoi elle fonctionne chez certaines personnes et pas chez d’autres. Avec sa verve habituelle, le Dr Jacques Leibowitch détaille les critères objectifs qu’il faudra évaluer.

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Traitement "de suite"

La possibilité des traitements quatre jours sur sept d’Iccarre, Jacques Leibowitch l’entrevoit par le distingo, de plus en plus accepté, entre le traitement d’attaque et le traitement de suite. En clair, si les trithérapies sont indispensables au début du traitement, quand il faut écraser la folle réplication du VIH, par la suite, lorsque la charge virale est déjà contrôlée depuis plusieurs mois et que le virus est indétectable, peut-être serait-il possible de l’alléger. Plusieurs stratégies ont été évaluées (par exemple, des monothérapies par anti-protéase boostée, mais le nombre de comprimés, le booster Norvir compris, et les effets indésirables  de ces molécules limitent leur intérêt). L’intermittence telle que la conçoit Jacques Leibowitch est toute autre.

Identifier des critères objectifs

Sa proposition, il la fonde, précisément, par le fait que "la réplication du virus ne recommence pas immédiatement chez les personnes dont le virus est contrôlé depuis au moins six mois. Il y a une latence qu’on ne connait pas bien, entre 7 et 21 jours, ça dépend de plein de facteurs dont on ignore presque tout". Jacques Leibowitch voudrait déterminer ce qui fait que la stratégie Iccarre marche chez certaines personnes et pas chez d’autres. "Il y a des hypothèses raisonnables, on voudrait définir des critères objectifs pour savoir si on peut passer à quatre jours et dans certains cas à trois. Des critères plus pertinents que la seule durée de traitement".

Revue de détail

Pas de résistances antérieures
De l’observation de ses 48 patients de l’hôpital de Garches, le médecin sait déjà qu’"il faut que le virus ne présente pas de résistances, pas d’échec de traitements antérieurs. Sinon, le risque que le virus échappe est trop grand".

"Désactivation lymphocytaire"
Pour lui, un des critères importants, c’est d’étudier la "désactivation lymphocytaire", ce qu’il va faire avec le professeur d’immunologie Brigitte Autran (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris) et Dominique Mathez, un membre de son équipe, sur un sous-groupe de participants à l’essai. En 1997, il avait publié avec Brigitte Autran, dans la prestigieuses revue "Science", que les CD4 activés passent de 40% en moyenne chez une personne au stade sida… à près de 4% après 12 semaines de traitement antirétroviral. "C’est l’activation cellulaire qui fait le lit de la réplication du virus. Presque personne n’en parle, mais c’est vieux comme l’histoire du VIH".

Inflammation
Plus généralement, pour Jacques Leibowitch, l’inflammation "est un vrai sujet". L’équipe réfléchit aux marqueurs biologiques d'inflammation les plus pertinents. On suspecte, en effet, que l’inflammation est une cause importante de complications métaboliques (cancers, risques cardio-vasculaires…) et il serait utile de savoir si la stratégie Iccarre l’accroit ou pas (une pression antirétrovirale moins importante sur le VIH pourrait déclencher des mécanismes pro-inflammatoires). L'équipe va d’ailleurs mener une étude rétrospective chez les patients de Garches qui sont déjà dans un régime discontinu de traitement, afin d'évaluer l'impact sur l'activation et l'inflammation. Quoi qu’il en soit, il faudra mettre en balance ces résultats avec l’épargne de toxicité des antirétroviraux.

Réservoirs
A la demande de l’AC5, l’instance d’évaluation scientifique des essais de l’ANRS, Jacques Leibowitch a aussi accepté le principe d’une sous-étude, qui pourrait être dirigée par Christine Rouzioux (professeur de virologie à l’Hôpital Necker Enfants-malades à Paris) et Brigitte Autran encore, sur les réservoirs, ces cellules où le VIH est à l’état dormant. Objectif double : déterminer s’il s’agit d’un facteur pronostic de l’efficacité de la stratégie Iccarre, et s'assurer que la stratégie n’augmente pas leur taille. Une dernière question que le clinicien estime cependant sans importance : "Il faudrait d’abord qu’il soit démontré que la taille des réservoirs a des conséquences cliniques sur l’infection !".

Traitement comme prévention
Et la charge virale ? Reste-t-elle indétectable le temps de l’interruption de traitement, alors qu’on sait maintenant son rôle crucial dans les risques de transmission ? "Ça, c’est fondamental. Dans nos observations pilotes, la charge virale n’était jamais remontée à la fin de l’interruption, qui est trop courte pour cela. Mais on va le vérifier, avec aussi une sous étude qui vérifiera l’absence de VIH dans le sperme".

Pas avec toutes les molécules
Pour avoir des réponses fiables d’un point de vue scientifique, le nombre de trithérapies évaluées dans Iccarre devra sans doute être limité. Le projet prévoit d’inclure 200 personnes, et une question majeure est de savoir si cela permettra d’avoir une puissance statistique suffisante pour chaque combinaison. "Inclure plus de personnes améliorerait la fiabilité des résultats, mais cela coûterait plus cher. Pour l’heure, je ne sais même pas si je vais pouvoir faire Iccarre avec 200 personnes". Le médecin avertit déjà : les protocoles Iccarre ne se feront pas avec toutes les molécules. Pas avec le raltégravir [Isentress], par exemple, "dont la barrière génétique est très faible et la demi-vie (temps d’élimination par l’organisme) trop courte".

Elevage de virus résistants
Et si le virus échappe, et qu’émergent des mutations de résistances ? Jacques Leibowitch balance encore : "Ah mais, mon cher Monsieur, je ne fais pas d’élevage de virus résistants, moi. Si la charge virale redevient détectable, je stoppe la molécule immédiatement, pour laisser repartir le virus sauvage, qui reprend le dessus. Une fois que la réplication a bien recommencé (attention, je leur dis qu’il faut remettre des capotes, hein !), je remets le traitement, avec d’autres molécules. Mais ça, attention, ce n’est possible qu’au tout début, quand on a 400 – 900 copies, pas 50 000 ! Et puis je change pour une nouvelle molécule ! C’est aussi simple que cela, mais il faut agir vite, ce qui implique un suivi rapproché de la charge virale". Des propos dont le médecin sait qu'ils ne font pas encore l’unanimité.

Commentaires

Portrait de hugox

Un médecin compétent et courageux ! Tout sera fait pour l'empêcher d'officialiser scientifiquement ICARE. Si ICARE existe aujourd'hui c'est que les essais du passé par Leibowitch ont été un succès. Il faut bien comprendre que l'enjeu est de bouffer moins de médocs et donc cela ne plaira pas à tout le monde. J'espère qu'on le laissera faire et je suivrai ça avec attention. PS: il y a déjà des médecins qui donnent des médocs 5 jours/7 et ça marche très bien sauf qu'ils se font engueuler.
Portrait de lounaa

Merci à lui pour son courage ! ne m'en veuillez pas mais j'ai pas attendue de vous lire pour avoir perso déja écouter mon corps qui était à bout du bout des molécules , et avoir écouter ne me guérira pas des graves dégats des arv (neuropathies sévére traiter au lyrica , lypo horrible qui m'empéche de me mouvoir comme avant , reins fracasser ! acidose lactique ! tension trés difficile à faire baisser malgré toute la panoplie des anti hypertenseur instaurer , cardiomyopathies sévéres , blocage grave voire paraplégique des jambes et du dos ! , ostéonecrose ostéoporose myopathies séveres ! purpura , ulcére sa c'est récent ! insomnies , perte de mémoire , de concentration , problémes aux yeux , etc etc etc et je dit pas tout ! alors quand on en arrive la on se pose la question je continu droit dans le mur ou je tente de diminuer les doses de toute façon continuer à maltraiter ainsi son corps c'est aussi se tuer à petit feu ... (je pense à toi boudentrain frére de souffrance ) heureusement pas tout les séropos se retrouvent comme toi et moi ...
Portrait de jarrod

la moitié de la semaine ca se fait depuis longtemps chez les médecins de ville.....
Portrait de brw40

Portrait de hugox

jarrod wrote:
la moitié de la semaine ca se fait depuis longtemps chez les médecins de ville.....

c'est tout à fait vrai.

je connais 2 séropos sous traitements qui prennaient déjà 5 jours/7 en 2002...

Portrait de jarrod

les médecins vih connaissent parfaitement la toxicité des ARV, à l'hopital le discours est différent ils parlent toujours de traitement à vie et sans interruption.... certains médecins en ville ont un autre discours c 'est pour cela qu'il faut éviter de se rendre dans les hopitaux ou de s'y faire suivre tout peut se faire en ville examens etc, de plus quand on refuse de prendre un traitement à l'hopital ca passe mal , ils sont enfermés dans un dogme....
Portrait de Doume29

jarrod wrote:
les médecins vih connaissent parfaitement la toxicité des ARV, à l'hopital le discours est différent ils parlent toujours de traitement à vie et sans interruption.... certains médecins en ville ont un autre discours c 'est pour cela qu'il faut éviter de se rendre dans les hopitaux ou de s'y faire suivre tout peut se faire en ville examens etc, de plus quand on refuse de prendre un traitement à l'hopital ca passe mal , ils sont enfermés dans un dogme....
 

Ce n'est pas le cas de tous les toubibs, j'ai commencé mon traitement à ma demande alors que mon médecin de ville était contre! Et j'avais un cv entre 200 et 300.

Mon médecin de l'hosto ne désire qu'une chose c'est que je vive bien mon traitement et je ne pense pas qu'elle soit un cas unique?

Portrait de jarrod

je ne parlais pas de tous les médecins mais de "certains médecins" un médecin à l'hopital a un discours préparé à l'avance il suit les consignes et c 'est tout....
Portrait de lounaa

mettre tout les médecins dans le meme sac certains sont super d'autres s'en moque ! moi mon dr c'est pas sa faute si les trait mon fracasser ! lui il fait ce qu'il peut .pour moi et il est bien emmerder avec moi et heureusement que je me suis remise en question pour les perfs de tégeline etc il avait raison ...et pour les effets secondaires il le reconnait c'est déja sa alors que certain toubib le nie ....
Portrait de frabro

jarrod wrote:
je ne parlais pas de tous les médecins mais de "certains médecins" un médecin à l'hopital a un discours préparé à l'avance il suit les consignes et c 'est tout....

Mes médecins hospitaliers (et en vingt ans j'en ai connu un certain nombre !) ont toujours écouté d'une oreille attentive mes souhaits, mes remarques sur les effets, et adapté en accord avec moi les traitements.

C'est ainsi que j'ai pu refuser l'AZT à haute dose au début des années 90, car j'allais bien à l'époque et que compte tenu des connaissances d'alors je en voyais pas l'intérêt de le prendre. Mon médecin l'a accepté sans difficulté (1991, hôpital de Valence).

J'ai commencé les tri-thérapies dès la sortie des anti-prothéases courant 95. La baisse de mon système immunitaire et mon état général faisaient que c'était le moment où jamais. J'en ai essayé plusieurs combinaisons, ce qui m'a permis de reprendre une vie quasi normale et de reprendre un emploi. Mais avec les effets secondaires de ces molécules, et sans jamais devenir indétectable dans les 5 ans qui ont suivi.

En 2000, cumulant les effets secondaires et toujours avec une CV détectable, et avec un génotype résistant à la quasi totalité des molécules de l'époque, j'ai demandé à mon infectiologue (hôpital de Nantes) une fenêtre thérapeutique sous surveillance rapprochée. Cet arrêt total de traitement qui a duré un an , accompagné d'un mi-temps thérapeutique pour me ménager, m'a permis d'attendre l'arrivée de nouveaux traitements. En 2001 j'ai repris avec une combinaison comprenant kaletra et zerit, qui a été efficace sur la CV en trois mois là où tous les autres traitements avaient échoué. Un généraliste n'aurait pas pu me proposer le kaletra alors en protocole hospitalier...

Un an après, devant les effets du zerit (amaigrissement inquiétant, douleurs dans les jambes...) j'ai demandé à mon médecin (hôpital de Poitiers) un changement qui a été aussitôt acté : remplacement du zérit par combivir, et traitement des effets secondaires précédent notemment par la kiné et des anti douleurs. J'ai gardé cette combinaison efficace pendant neuf ans. 

En 2010 craignant les effets à long terme du combivir, nous avons décidé avec mon médecin de réduire le traitement, et je suis passé en monothérapie kaletra (hôpital de Bondy). Toujours efficace bien qu'utilisé seul.

Fin 2010, une osthéodensitométrie demandée par mon infectiologue a montré un début d'ostéopénie, due aux effets à long terme du kaletra. Mon infectiologue m'a proposé isentress en combinaison avec Viread, assortie d'une cure d'uvedose pour les os. Entre temps, il m'avait proposé le new fill pour combler mes joues creuses et ça parfaitement réussi. Aujourd'hui, il étudie un moyen pour réduire mes lypo dystrophies abdominales.

Ce parcours montre que les médecins hospitaliers peuvent être à l'écoute et être réactifs. Ils sont les mieux informés sur les avancées thérapeutiques. J'ai toujours demandé à ce que mes généralistes soient informés et cela est fait régulièrement, ce qui permet une prise en charge globale de ma santé.

Solidairement

François 

PS : j'ajoute que mes changements de médecins sont dus à mon parcours professionnel et non à une quelconque mésentente avec eux  Sourire

Portrait de jarrod

que certains médecins hospitaliers écoutent avec attention leurs patients , mais de manière générale je leur fais moins confiance..... j'ai deja eu un "traitement' avec zerit sur 1 an que j'ai arreté de moi meme car le medecin hospitalier de St antoine ne voulait pas entendre mes réclamations ! je n'ai pas de traitement aujourd hui sauf médecine naturelle , mais jamais je n'irai à l'hopital si je dois prendre des ARV, tout peut se faire en ville , un bon médecin VIH avec des consultations Phyto, un bon laboratoire de ville , donc inutile d'aller a l'hopital si ce n'est pour des raisons de discrètion pour récupérer les médicaments.....en plus c est tellement plus simple de se faire soigner en ville .... mais chacun fait comme il veut....
Portrait de frabro

Je prends depuis que c'est possible (et ça fait très longtemps) mes ARV en pharmacie de ville et ça ne me pose aucun problème. Je fais aussi mes analyses en ville (labo au rez-de-chaussée de mon immeuble c'est bien pratique). Je n'envisage pas d'arrêter les ARV tant qu'ils sont efficaces et qu'on n'a pas scientifiquement démontré d'autres possibilités de prise en charge. Quand à la facilité de consultation, je vois l'infectiologue hospitalier tous les cinq à six mois pour une consultation de 30 à 40 mn chaque fois. Je ne vois pas où est la difficulté. Fin de mon témoignage sur ce fil, tout le reste ne serait que répétition lassant les séronautes...
Portrait de Doume29

Mais en ce qui me concerne, lire un poste de l'un d'entre nous pour qui ça se passe bien ne sera en aucun cas lassant bien au contraire cela permet de garder espoir. Doumé
Portrait de jean-rene

Bon alors, Doumé, je vais parler de moi. Je ne l'ai pas fait depuis longtemps car je trouve un peu indécent de dire qu'on n'a pas de problème grave alors que tant d'autres en ont. Je suis séropo depuis 27ans, sous traitement depuis 25 ans et j'ai le même médecin VIH depuis 24 ans. Quasiment tous les antirétroviraux ont été essayés sur moi et je n'ai jamais eu aucun effet secondaire à part une hépatite médicamenteuse due à la VIRAMUNE il y a 12 ans. Mes CD4 ne sont jamais descendus en dessous de 350. Je crois que le secret de cette "réussite" est que mon médecin est très compétent (mais bien d'autres le sont aussi!) mais surtout que je lui ai toujours fait confiance, et que la confiance qui lie le patient à son médecin est la clé de la réussite.